
Par Jean-Pierre PAGE
Laurent Brun est un dirigeant de la CGT. Depuis un mois il s’exprime sur différents sites et réseaux sociaux pour que la rentrée sociale qui s’annonce tendue demeure sous le contrôle de l’intersyndicale. Or de nombreuses organisations de la CGT, des gilets jaunes, et d’autres organisations sont déjà engagés dans la préparation d’un grand 10 septembre de lutte contre les objectifs de Bayrou de faire payer la note du déficit budgétaire et du réarmement par les français en épargnant les riches. En discussion partout le 10 septembre et la suite. Là est l’ordre du jour de la rentrée.
Le second article de Laurent Brun administrateur de la CGT, publié par le site « Commun, Commune » en moins d’un mois est un rappel à l’ordre aux militants de la CGT dans le style comminatoire et condescendant auquel il nous a habitué.
Pour justifier l’attentisme et renoncer aux dangers de la précipitation, Laurent Brun fait le choix de mettre en cause le mouvement des gilets jaunes accusés de populisme, de poujadisme et même de rouler pour l’extrême droite. Renouveler ce mouvement ce serait faire le choix d’une « jacquerie » sans perspectives, dit-il.
Cette manière de voir en dit long sur la volonté de la direction de la CGT de faire grandir une mobilisation de masse dès la rentrée, dans la perspective du 10 septembre. Cela n’aboutit-il pas en fait à décourager la colère sociale qui monte et à entretenir la délégation de pouvoir en attendant la réunion du Comité Confédéral National de la CGT et d’hypothétiques decisions ? Comme par ailleurs on se livre à cette pédagogie de la démobilisation du corps social en nous expliquant que les syndicats ne sont pas au top…et que les travailleurs ne veulent pas se battre, il est donc préférable d’attendre. Attendre quoi ?
Pour Laurent Brun, le mécontentement doit s’exprimer à travers l’intersyndicale. Dans les faits on sait que celle-ci est dirigée par la CFDT et les tenants de la négociation pour la négociation. Par conséquent Laurent Brun s’emploie dans sa nouvelle contribution à faire comprendre aux organisations de la CGT que se mobiliser déjà pour le 10 septembre et ce contrairement aux mots d’ordre de certaines Fédérations comme celle des industries chimiques ou celle de l’UD CGT du Nord c’est faire le choix d’une forme d’aveuglement gauchiste et donc d’irresponsabilité. Vouloir « bloquer le pays », c’est quasiment rouler pour l’extrême droite.
Après le mouvement des gilets jaunes qu’au départ Philippe Martinez avait condamné, la CGT avait par la suite su tirer quelques leçons en engageant le dialogue et l’action avec ceux qui incarnaient une colère populaire légitime. Gilets jaunes et gilets rouges, ensemble ! Visiblement ce ne fût pas le cas pour tout le monde.
Le rôle de la direction confédérale de la CGT c’est de contribuer sur des bases de classe à construire une stratégie pour rassembler le plus largement possible toutes les forces sociales qui ont intérêt à mette en échec le capitalisme dans sa version Macron/Le Pen/Europe compatible et à ouvrir une véritable alternative. Or, Sophie Binet et Laurent Brun n’en sont pas là. Depuis 2023, la « stratégie » si l’on peut appeler ça une « stratégie », c’est le ralliement à l’intersyndicale dominé par le syndicalisme réformiste de dialogue social version Confédération Européenne des Syndicats, cette courroie de transmission de la Commission de Bruxelles. Le récent conclave de Bayrou en fut l’illustration. Parlote et papotage auront fonctionné jusqu’à un certain point. Avec la coopération des syndicats ils auront contribué à neutraliser le mouvement social. Bayrou envisage de renouveler l’expérience pour « négocier » son plan visant à faire contribuer les Français à l’endettement et au réarmement.
Comment l’intersyndicale répondra-t-elle ? Or la pétition dont elle a pris l’initiative n’est pas le succès de l’année. Après plusieurs semaines, elle recueille 450 000 signatures à l’appel de toutes les confédérations. Pourquoi ? Est-ce la forme ou le fond ou plus simplement les deux ? On est très loin des 2 millions en quelques jours pour faire échec à la loi Duplomb que Macron vient de ratifier. Par conséquent, on ne saurait se satisfaire des incantations du style « on va voir ce que l’on va voir » ou encore de ces déclarations radicales qui font le buzz dans la version qu’affectionne Sophie Binet.
Le meilleur moyen de se dégager de cette manière de faire mortifère, c’est d’encourager sans tarder les organisations de la CGT depuis les entreprises à prendre des décisions, à appeler à l’action et à tendre la main à tous ceux qui veulent lutter sans avoir à présenter préalablement leurs CV où leurs préférences politiques ou syndicales. Ce sont les travailleurs qu’il faut unir à partir de leurs besoins et de l’état d’esprit réel qui est le leur. Ce qui est à l’ordre du jour c’est de créer les conditions partout afin que le raz-le-bol social s’exprime de toutes les manières possibles. Cela exige de donner le ton, de se fixer des objectifs, de convaincre toutes les organisations de la CGT, y compris celles qui restent trop souvent l’arme aux pieds et au-delà. Marcher ensemble, préparer la grève et ne pas créer, comme le fait Laurent Brun, des distinctions arbitraires et artificielles qui divisent et opposent ceux qui souffrent de la politique du Capital. Oui, il faut bloquer le pays et faire cesser la production. Pour cela le rôle de la CGT est d’y contribuer avec une volonté résolue. La CGT n’a pas de calendrier électoral à respecter. Faut-il le rappeler ? Elle est indépendante.
Par conséquent, la lutte de classes, ça ne se constate pas, ça s’organise sans attendre la fumée blanche qui sortira du prochain conclave de l’intersyndicale.
Jean-Pierre PAGE
Source : https://www.legrandsoir.info/10-septembre-preparons-la-greve-et-la-suite.html
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/10-septembre-preparons-la-greve-et-la-suite-le-grand-soir-13-08-25/