
Manque d’équité salariale, harcèlement, propos sexistes, dangerosité du travail… Les employés en grève de la société de distribution d’eau pointent des risques psychosociaux et de maladies graves causées par leur environnement de travail.
Par Léo SCHILLING.
Les températures caniculaires ne les ont pas découragés. Une dizaine de salariés d’Eau de Paris se sont donné rendez-vous devant le centre Georges-Pompidou (4e arrondissement de Paris), ce mardi 30 juillet, pour exiger de l’entreprise publique chargée de l’approvisionnement et de la distribution de l’eau « des avancées sociales pérennes sur les salaires, les congés de fin de carrière et les salaires minimaux d’embauche ».
Romaric Montbobier, délégué syndical CGT et technicien de maintenance, pointe en effet du doigt des inégalités de salaires flagrantes et affirme mener le combat « pour plus d’équité et pour que les responsabilités soient toutes rémunérées à leur juste valeur ».
Un constat partagé par Sarah Lakbal, infirmière du travail au sein de l’entreprise publique, qui dénonce notamment le sort réservé aux jeunes ouvriers et techniciens, dont les salaires avoisinent à peine, en début de carrière, les 1 400 euros mensuels, alors même que le directeur général s’est récemment octroyé une augmentation de 22 000 euros, pointe Romaric Montbobier.
Plus de 100 salariés victimes ou témoins de violences, de harcèlement et de propos sexistes
À ces inégalités salariales s’ajoute un climat social délétère au sein de l’entreprise. « Je n’ai jamais ressenti une aussi grande fracture entre, d’une part, les ouvriers et techniciens, et, d’autre part, la direction et le management supérieur. Les salariés sont mis sous pression par des managers qui les traitent de privilégiés uniquement parce qu’ils sont d’astreinte, donc logés dans Paris », s’émeut Sarah Lakbal.
Se basant sur un baromètre social réalisé fin 2023, Romaric Montbobier constate que plus de cent personnes ont été victimes ou témoins de violences, de harcèlement et de propos sexistes, et fait état de risques psychosociaux pour de nombreux salariés. L’entreprise pousserait ainsi les « salariés en souffrance à quitter d’eux-mêmes l’entreprise », dans la droite ligne de la politique de réduction des effectifs menée depuis plusieurs années.
« Les salariés qui partent à la retraite ne sont pas remplacés et l’augmentation de la charge de travail repose sur les jeunes », dénonce encore le syndicaliste, selon qui le nombre d’équivalents temps plein serait passé de près de 1 000 en 2010 à 870 aujourd’hui.
Les représentants des salariés ont également déclenché des alertes « dangers graves et imminents » (DGI). Ils dénoncent notamment des risques pour les techniciens et ouvriers amenés à travailler sous terre, parfois à 20 ou 30 mètres de profondeur. « Un système de prévention des risques doit être mis en place mais n’a pas été déployé car il n’est pas encore fonctionnel, pointe Romaric Montbobier, et les mesures de sécurité ne sont pas adaptées, ce qui concerne environ 300 personnes. Alors qu’ils interviennent souvent seuls, certaines zones sont sans réseau, ce qui empêche de prévenir en cas de problème. » Le Département immobilier et environnement de travail (Dimet) fait actuellement l’objet d’une expertise pour risques graves, dont les résultats seront connus courant août.
Exposition à l’amiante et substances cancérigènes
Romaric Montbobier a de son côté aussi déclenché une alerte DGI, cette fois concernant des maladies professionnelles : « Nous avons été exposés pendant plus d’un an à de l’amiante et à des substances cancérigènes, sans que l’entreprise ne le déclare aux travailleurs. Depuis le dépôt des DGI, des mesures de sécurité ont été prises, mais au-delà de ça découlent des maladies professionnelles, également cachées par la direction. Un ancien salarié est décédé des suites de l’exposition à l’amiante, mais la direction a contesté sa responsabilité. »
Contactée par l’Humanité, la direction de l’entreprise nie ces accusations qu’elle met sur le compte d’une lecture partielle du baromètre social. Il révélerait, selon elle, des résultats « très positifs quant à l’ambiance générale dans l’entreprise ». Elle nie également pousser des salariés au départ et souligne « qu’aucun accident du travail sérieux n’a été enregistré ces dernières années dans des espaces confinés ou qui seraient susceptibles de l’être ».
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