En pleine saison estivale, plusieurs services d’urgences en Bretagne sont au bord de la saturation, alors que d’autres sont fermés, faute de forces vives suffisantes. Conséquence pour les patients : des délais d’attente qui peuvent dépasser la dizaine d’heures.

Les témoignages faisant état d’un hôpital public en grande difficulté, en particulier aux urgences, sont légion, cet été, en Bretagne. (Photo archives François Destoc)
« Notre père a passé 24 heures sur un brancard à 92 ans ! » Ce cri de colère émane d’une famille d’un résidant d’Ehpad, dont l’attente aux urgences de l’hôpital de la Cavale Blanche, à Brest, à la mi-juillet, a été interminable. Ce jour-là, le CHU avait enregistré « une activité soutenue » , a précisé la direction, qui a présenté ses « excuses » à la famille.
Cette situation vient s’ajouter à une kyrielle d’autres témoignant d’un hôpital public en grande difficulté, en particulier cet été, aux urgences. « Des personnes peuvent attendre dix heures avant de voir un médecin », confirme le Dr Marie-Emmanuelle Kerrand, urgentiste à l’hôpital Yves-Le Foll, à Saint-Brieuc.
L’accès aux urgences « régulé » dans de nombreuses villes
Un « plan d’actions » a bien été mis en place avant l’été, orchestré par l’Agence régionale de santé (ARS), pour tenter de pallier les fermetures de lits, les départs de médecins intérimaires vers le privé, ceux des soignants pour leurs congés, et les changements de métier de paramédicaux désespérés…
Ce plan n’a pas permis d’éviter de « réguler » l’accès aux urgences de certaines villes, en recommandant aux patients de ne pas s’y rendre et de plutôt appeler le 15. C’est encore le cas, ponctuellement, à Lannion (22), Guingamp (22) ou Fougères (35), mais aussi de façon continue à Carhaix (29), et, de nuit, à Pontivy (56) et Redon (35), jusqu’à septembre. Les antennes Smur, prêtes à intervenir à l’extérieur, ont, elles, été maintenues.
Cette « régulation » serait « de l’hypocrisie totale », selon Marie-Emmanuelle Kerrand, également déléguée départementale de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) : « En pratique, ce n’est pas du tout régulé, mais fermé. Le 7 août, quatre centres étaient concernés dans la même la nuit : Carhaix, Pontivy, Lannion et Guingamp. Les patients en difficulté ont été réorientés vers Saint-Brieuc », assure-t-elle. Ce jour-là, l’hôpital Yves-Le Foll a connu 211 passages aux urgences. « C’est énorme et les effectifs ne sont pas renforcés en conséquence », regrette l’urgentiste briochine. Notre dossier : les hôpitaux bretons en surchauffe
À Carhaix, la situation critique à l’hôpital a valu à Élise Noguera, nouvelle directrice de l’ARS, d’être chahutée lors de sa visite, le 10 août. Le lendemain, l’Agence publiait, sur son site, une campagne de communication « Les urgences, c’est pas automatique ! », incitant les patients à s’orienter, en priorité, vers leur médecin traitant, quitte à le faire en téléconsultation, ou à se diriger vers des lieux de soins non programmés, carte à l’appui, et, en dernière option, à joindre le 15.
« Beaucoup de touristes »
Cette saturation est aussi due au contexte estival : « On voit beaucoup de touristes. Ils n’ont pas de médecin traitant alors ils viennent aux urgences », constate le Dr Catherine Lemoine, cheffe du service à Morlaix (29). Souvent pour des petits traumatismes ou des infections bénignes. À Vannes, ville particulièrement touristique, la direction de l’hôpital a dû lancer un message d’alerte, lundi : « Les urgences du CHBA font face, depuis plusieurs jours, à une activité très soutenue (plus de 200 passages par jour). Cette forte tension allonge les délais d’attente et sature les lits d’hospitalisation ». Et d’appeler, elle aussi, à contacter le 15 au préalable.
Le problème n’est pas que breton : « La situation est plus grave que l’été dernier » en France, a estimé, mardi, Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France, soulignant que tous les départements sont touchés, mais aussi des zones touristiques en pleine saison.
Auteur : Frédéric Jacq
URL de cet article : « 24 heures sur un brancard » : pourquoi les urgences en Bretagne frôlent la saturation cet été (LT.fr 16/08/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)