37 ans, féministe, fonctionnaire : qui est Lucie Castets, propulsée par le NFP vers Matignon ? (H.fr-23/07/24)

« On dit simplement qu’il faut regarder comment on dépense l’argent de l’État. Tous les ans, les entreprises reçoivent 200 milliards d’euros d’argent public, la plupart sans condition », explique Lucie Castets. © Livia Saavedra

Les partis du Nouveau Front populaire se sont finalement mis d’accord, mardi 23 juillet au soir, sur le nom d’une première ministre, soumis à Emmanuel Macron. En lice : Lucie Castets, porte-parole du collectif Nos Services publics.

Par Florent LE DU & Lisa GUILLEMIN.

Surprise, tant sur le jour de l’annonce que sur le nom. Au moment où le Nouveau Front populaire semblait englué dans son processus de désignation d’un candidat au poste de premier ministre, et une heure avant la prise de parole d’Emmanuel Macron à l’antenne de France Télévisions et au micro de Radio France qui aurait pu dissiper l’espoir de voir la gauche, en majorité relative à l’Assemblée nationale, gouverner. La pression a été mise sur l’Élysée à 19 heures, quand un communiqué du Nouveau Front populaire présentait « au président de la République la proposition de nommer première ministre madame Lucie Castets ».

Après plus de deux semaines de négociations, au bord du psychodrame quand les noms d’Huguette Bello puis de Laurence Tubiana ont été retoqués, c’est donc celui de Lucie Castets qui a fait consensus. « Animatrice de luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics, activement engagée dans le combat d’idées contre la retraite à 64 ans, haut fonctionnaire ayant travaillé à la répression de la fraude fiscale et de la criminalité financière, issue du monde associatif, elle sera forte de notre engagement complet à ses côtés dans le gouvernement qu’elle dirigera », détaille le NFP.

Lucie Castets, « une grande professionnelle, et une super militante »

Une annonce dont s’est félicité Ian Brossat, sénateur et porte-parole du PCF : « Pour bien connaître Lucie Castets et avoir eu la chance de la côtoyer pendant plusieurs années, je sais qu’elle fera une excellente première ministre. Une femme brillante, engagée pour les services publics et pour le progrès social. Celle qu’il faut pour redresser le pays. » « Pour nos services publics, pour abroger la réforme des retraites : il faut agir sans attendre. Emmanuel Macron doit la nommer. Nous allons tout changer », a également réagi la députée FI Clémence Guetté.

Une fonctionnaire de l’État, directrice des finances à la Ville de Paris, de 37 ans, inconnue du grand public : le choix a toutefois étonné. Mais la native de Caen (Calvados) a surtout créé, en 2021 avec une bande d’amis, un collectif qui en dit long sur son combat et ce qu’elle aura à charge de défendre depuis Matignon : Nos Services publics. « Une grande professionnelle, et une super militante », résume Arnaud Bontemps, co-fondateur et co-porte-parole du collectif, ému en apprenant la désignation de son amie.

Constitué de fonctionnaires de tous horizons avec l’objectif de lutter contre toutes les dérives qui fragilisent les missions d’intérêt général, le collectif Nos Services publics se bat contre la dangereuse recherche d’économies budgétaires des gouvernements successifs.

Tout en militant pour orienter les dépenses vers la lutte contre le changement climatique, le vieillissement de la population ou encore les inégalités qui demandent des investissements urgents. « Nous ne sommes pas des personnes illuminées qui pensent que la contrainte de la dette n’existe pas, surtout dans une période où les taux remontent. On dit simplement qu’il faut regarder comment on dépense l’argent de l’État. Tous les ans, les entreprises reçoivent 200 milliards d’euros d’argent public, la plupart sans condition », expliquait-elle à Politis en 2023.

C’est en défendant ces valeurs avec force que Lucie Castets s’est fait remarquer médiatiquement. Comme dans l’émission C ce soir, sur France 5, le 29 novembre 2022, laissant pantois Stanislas Guerini au sujet du recours aux cabinets de conseil.

Dans un argumentaire calme et implacable, elle assène au ministre de la Fonction publique, médusé : « On a perdu 180 000 fonctionnaires d’État entre 2006 et 2018, dans le même temps, le recours aux cabinets de conseil explosait alors qu’ils coûtent trop cher et souvent ne servent à rien. »

« Elle saura aller chercher l’argent là où il est pour financer nos services publics »

Des saillies qui ont montré que Lucie Castets n’est pas qu’une « techno », alors que son expérience dans la fonction publique a forcément pesé dans les discussions. Formée à l’ENA, elle a passé près de cinq ans à la direction générale du Trésor de Bercy, avant de devenir directrice des affaires internationales de Tracfin, le service de renseignements chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent. « Ayant bataillé avec elle contre la fraude fiscale, je peux vous garantir qu’elle saura aller chercher l’argent là où il est pour financer nos services publics », s’est d’ailleurs réjouie l’insoumise Manon Aubry, qu’elle a cotoyée lorsque l’eurodéputée était en charge du plaidoyer « justice fiscale et inégalités » d’Oxfam.

« Elle a occupé des fonctions de terrain mais aussi de direction, relate Arnaud Bontemps. En cela, elle a une connaissance de l’appareil d’État et des collectivités très pointue. Et en même temps elle est très engagée sur les questions de service public, mais aussi au sein de l’Observatoire national de l’extrême droite. » Contre le RN, elle a d’ailleurs souvent rappelé le désastre pour les services publics qu’impliquerait une victoire de Marine Le Pen.

À droite et à l’extrême droite, les responsables politiques ont rapidement ironisé et pris de haut la proposition du NFP – « une plaisanterie de mauvais goût », pour le député RN Sébastien Chenu –, doutant de la solidité de cette femme pour un tel poste. « Elle est actuellement à un poste difficile, répond un haut fonctionnaire ayant travaillé à ses côtés à la Ville de Paris. Les finances de Paris sont sous pression, elle doit gérer des élus capricieux et l’État veut toujours faire les poches de la Ville. »

Très attachée à la question du consentement à l’impôt, Lucie Castets est par ailleurs engagée dans la lutte pour la défense de l’environnement. C’est aussi une féministe convaincue, pleinement engagée dans tous les combats pour les droits des femmes. « Si on poussait encore plus loin la privatisation de la santé, les femmes seraient les grandes perdantes », affirme celle qui sait combien le service public est un outil essentiel pour l’égalité et l’émancipation.

Cette footballeuse et amatrice de compétitions sportives se verrait sans doute bien investie à Matignon pendant que Paris accueille les jeux Olympiques. La balle est dans le camp d’Emmanuel Macron, qui pour l’heure, balaie cette candidature d’un revers de main.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/lucie-castets/37-ans-feministe-fonctionnaire-qui-est-lucie-castets-propulsee-par-le-nfp-vers-matignon

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