
La sanction la plus lourde jamais prononcée en France pour une action de désobéissance civile non-violente : de la peinture sur Matignon
12 millions de personnes vivent dans la précarité énergétique et doivent choisir entre se nourrir ou se chauffer. Voilà une vraie violence, de masse, qui perdure. À l’inverse, la justice frappe de plus en plus durement le mouvement écologiste.
Le verdict est tombé ce mardi 23 septembre : Rachel, 23 ans, militante chez Dernière Rénovation, est condamnée à 6 mois de prison ferme. Dans son communiqué, le collectif Riposte Alimentaire explique qu’il s’agit de «la sanction la plus lourde jamais prononcée, en France, à l’encontre d’une activiste pour une action de désobéissance civile non-violente». En novembre 2023, la militante avait recouvert la façade de Matignon de peinture orange lavable. Elle dénonçait par ce geste le manque de moyens accordés à la rénovation thermique des bâtiments. Pourtant, la rénovation des bâtiments est vitale pour toutes celles et ceux qui vivent dans des passoires thermiques et subissent de plein fouet la précarité énergétique. Ce sont près de 12 millions de personnes à l’heure actuelle, qui doivent parfois choisir entre manger ou se chauffer l’hiver.
En 2024, selon l’observatoire des inégalités, 28% de la population affirmait avoir eu du mal à payer ses factures d’énergie, 82% déclarait avoir baissé son chauffage pour ne pas avoir à payer de factures trop importantes. L’été, les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses font de ces logements surchauffés des fournaises. Et l’État français, au lieu de se saisir de ce problème, se défausse : Éric Lombard, ministre de l’économie, annonçait carrément le 4 juin l’interruption du dispositif MaPrimRénov à compter du 1er juillet. Voilà ce qui devrait être criminalisé : les politiques néolibérales débridées de l’État mettent un coup d’accélérateur au réchauffement climatique, et le même État refuse d’aider ceux qui en subissent les conséquences de plein fouet.
Lors du procès, la procureure a multiplié les provocations immondes, n’hésitant pas à comparer le jet de peinture à des féminicides, et la défense des activistes à la défense de violeurs. De tels propos sont intolérables et montrent le niveau de radicalisation de la bourgeoisie, qui ne supporte plus que les gens se battent pour plus de justice sociale.
De plus, un élément a joué un rôle important dans la sévérité de la condamnation : une agente de police avait affirmé avoir reçu un jet de peinture. Version des faits contredite par une vidéo où l’on aperçoit ladite policière arriver sur les lieux alors que la militante est déjà menottée. Malgré cela, le tribunal a maintenu la circonstance aggravante. En outre, ce verdict va à rebours des dernières décisions de justice, qui avaient tendance à prononcer la relaxe. La condamnation de Rachel va créer un précédent plus que dangereux pour les militants et militantes écologistes.
«La répression que subissent actuellement en Europe les militants écologistes qui ont recours à des actions pacifiques de désobéissance civile constitue une menace majeure pour la démocratie et les droits humains» dénonçait le rapporteur spécial de l’ONU Michel Forst en 2024. «L’urgence environnementale à laquelle nous sommes collectivement confrontés et que les scientifiques documentent depuis des décennies, ne peut être traitée si ceux qui tirent la sonnette d’alarme et exigent des mesures sont criminalisés pour cette raison».
La France, non contente d’être le pire pays d’Europe en termes de répression policière, souhaite donc également décrocher la palme de la répression judiciaire, détenue jusqu’ici par l’Angleterre. C’est en effet là-bas que des peines de prison ferme ont été prononcées à l’encontre de militant-es écologistes. C’est le collectif Just Stop Oil, qui demandait la fin des énergies fossiles et a récemment annoncé la fin de ses activités, qui a payé le plus lourd tribut : 3300 arrestations, 180 peines de prison dont certaines de prison ferme jusqu’à 5 ans pour des blocages de route ou des jets de soupe. La France semble donc vouloir emboîter le pas à l’Angleterre.
La chercheuse au CNRS Sylvie Ollitrault met en garde : «Ce que j’entends beaucoup au sein des mouvements écologistes, même les plus consensuels, c’est qu’ils ont joué le jeu des concertations, des pétitions et des réunions publiques. Et ils n’ont pas été écoutés. Il y a une sorte de lassitude militante». Ainsi, au lieu de mettre au pas les activistes, pourrait-on assister au contraire à une intensification et une radicalisation des modes d’action ? Quitte à aller derrière les barreaux pour de la peinture, pourquoi ne pas frapper plus fort contre les écocidaires et l’État qui les protège ?
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Source: https://contre-attaque.net/2025/09/24/6-mois-de-prison-ferme-pour-un-jet-de-peinture-sur-matignon/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/6-mois-de-prison-ferme-pour-un-jet-de-peinture-sur-matignon-ca-net-24-09-25/