8 militants écologistes encourent de la prison avec sursis… pour des tags (reporterre-24/12/25)

Le tag « Stocamine contamine », écrit « contamene », sur un pont au-dessus d’une route à Dorlisheim. – Extinction Rebellion/CC

Le 22 décembre, huit militants d’Extinction Rebellions ont comparu devant le tribunal de Saverne pour avoir tagué « Stocamine contamine » sur un pont. Le délibéré de cette procédure « ahurissante » a été renvoyé au 15 janvier.

Par Anne MELLIER.

Saverne (Bas-Rhin), reportage

« Les écolos ne font de tort à personne. Iels protègent l’eau de 7 millions d’personnes. » Devant le tribunal de Saverne, une chorale improvisée parodie La Mauvaise réputation de Brassens dans le petit matin glacial. Ce lundi 22 décembre, ils sont plus d’une centaine à être venus soutenir les huit militants d’Extinction Rebellion, jugés pour dégradation de bien d’utilité publique en réunion. Un délit passible de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Ils sont accusés d’avoir tagué « Stocamine contamine » — avec la faute d’orthographe « contamene » — sur un pont au-dessus d’une route à Dorlisheim (Bas-Rhin) le 2 novembre. Les militants avaient d’abord été interpellés alors qu’ils se trouvaient à proximité de l’édifice, vêtus d’une tenue de chantier orange tachée de peinture et, pour certains, d’un baudrier d’escalade. Ils avaient ensuite été placés en garde à vue pour dégradation légère d’un bien par inscription, une infraction réprimée d’une amende et d’une peine de travail d’intérêt général.

55 heures de privation de liberté

Pendant ce temps, la voiture de l’un d’entre eux avait été perquisitionnée. Les forces de l’État y avaient saisi des pots de peinture ainsi qu’une liste de slogans dans laquelle figurait une mention similaire à un autre tag, effectué sur un pont de Mommenheim quelques jours plus tôt.

Six heures plus tard, le parquet avait requalifié les faits plus sévèrement. Les militants avaient finalement été déférés devant au tribunal de Saverne le 4 novembre : entre la garde à vue et le temps passé dans les geôles, ils auront été privés de liberté pendant 55 heures. La comparution immédiate n’étant possible que deux jours plus tard, la procureure avait demandé leur placement en détention provisoire, que le juge des libertés a refusé. Une procédure « ahurissante » pour Chloé Chalot, l’une des avocates de la défense, habituée à défendre des militants écologistes.

Une « garde à vue abusive » et un « déchainement répressif »

Le 22 décembre, l’audience s’est ouverte sur un débat de procédure pénale. La défense a demandé la nullité de l’enquête de flagrance — découlant du flagrant délit —, arguant qu’elle ne vaut que pour des infractions punies d’une peine d’emprisonnement. Ce n’est pas le cas de la dégradation légère pour laquelle les militants ont d’abord été poursuivis. De même pour la garde à vue, qu’elle a jugé illégale en l’espèce.

Les débats se sont poursuivis sur le fond. Interrogés individuellement par le président du tribunal sur leur présence sur les lieux de l’infraction ou leurs opinions sur les tags, les militants ont à chaque fois choisi de ne pas répondre aux questions, mais ont demandé à lire une partie d’une déclaration écrite collectivement pour l’audience. Les paragraphes ont résonné en désordre dans la grande salle, l’ordre de lecture défini par les militants ne correspondant pas à celui des auditions.

Calmes, éloquents parfois, les mis en cause sont revenus sur le dossier Stocamine et la lutte menée depuis plus de vingt ans pour déconfiner 42 000 tonnes de déchets toxiques entreposés dans une ancienne mine de potasse, sous la plus grande nappe phréatique d’Europe occidentale. « C’est plus de 8 millions de personnes qui vont voit leur eau potable compromise », a appuyé l’un des militants.

Une audience tendue

Ils ont également dénoncé une « garde à vue abusive » et un « déchainement répressif » dans cette affaire. « La surveillance et le traquage des écologistes vont se généraliser si la justice n’y met pas un frein. Le grignotage de notre démocratie est quotidien, au point où l’on se demande combien de temps elle va encore tenir debout. »

L’ancien directeur des services environnement à la Collectivité européenne d’Alsace a ensuite été invité à s’exprimer à la barre en tant que témoin de contexte. Georges Walter est revenu sur le risque d’une pollution massive dans les années à venir. Déjà agacée par la déclaration commune des militants, la procureure a interrompu le témoignage en menaçant de quitter la salle. « On sort du cadre-là, a-t-elle dit, irritée. C’est une audience ou une tribune ? »

Devant le tribunal de Saverne, le 22 décembre 2025. © Anne Mellier / Reporterre

Dans son réquisitoire, la procureure a argué que la dégradation légère par inscription ne valait que si elle est n’est pas indélébile avant de relever que la peinture retrouvée dans la voiture est prévue pour résister aux intempéries pendant quinze ans. Si 7 des 8 prévenus n’ont pas d’antécédent judiciaire, elle a toutefois relevé que plusieurs d’entre eux ont « déjà été pris dans ce type de procédure », sans condamnation. Au vu du « risque de récidive », elle a requis trois mois de prison avec sursis assortis de 500 euros d’amende pour chacun d’entre eux.

De son côté, la défense a plaidé la relaxe au nom de la liberté d’expression. « Dans une société démocratique, il est utile que de tels messages puissent circuler et que certains citoyens fassent usage de leur liberté d’expression pour alerter les décideurs et l’opinion publique », selon Théo Gauthier, l’autre avocat de la défense, qui a regretté une volonté « d’intimider » les militants à travers cette procédure. À l’issue de l’audience, le délibéré a été renvoyé au 15 janvier.

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Source: https://reporterre.net/Pour-des-tags-8-militants-ecologistes-encourent-de-la-prison-avec-sursis

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