Un jour d’août 1944, à quelques jours de la Libération de Carhaix (Finistère), les habitants de la commune sont précipités de partir. On les somme de quitter la ville à cause d’une menace de bombardement par les Alliés contre les Allemands. Emmanuel Le Guen, qui avait 16 ans à l’époque, se replonge dans ce souvenir.
Né en 1928 à Carhaix (Finistère), Emmanuel Le Guen est bien connu des Carhaisiens, et plutôt sous le nom de Manu
. Il avait 16 ans en 1944. Le nonagénaire nous reçoit dans sa cuisine, chez lui à Carhaix.
Après quatre ans sous le régime de l’Occupation, l’homme raconte ce 6 août, jour où la population de Carhaix a dû fuir in extremis. L’on craignait alors un bombardement des Alliés contre les Allemands.
Il faisait chaud et j’étais chez mes parents qui tenaient un café dans une petite rue de Carhaix. Dans la matinée, le tambour s’arrêtait dans les carrefours et criait les nouvelles. Ce matin-là, il annonce : rassemblement de la population à 15 h 30, place du Champ-de-Bataille.
Place qui est aujourd’hui celle de la Tour-d’Auvergne.
« C’est la pagaille. Que se passe-t-il ? »
L’homme aujourd’hui âgé de 96 ans continue : C’est la pagaille. Que se passe-t-il ? Dans tous les foyers de Carhaix, on s’interroge.
Mon père décide de cacher les bouteilles du bar en creusant un trou dans une écurie.
L’heure arrive, on y va, avec seulement une valise à la main
.
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Sur la tour de l’église Saint-Trémeur, il raconte que des sentinelles avaient de mitrailleuses pointées sur la masse de gens. Le silence est partout. L’inquiétude et la nervosité montent peu à peu. On part, il est 15 h 30
. La direction est donnée : Plévin, par la route de l’exode et à un pont, celui de Kervoulidic. Pierre Postollec, alors élu à Carhaix, reçoit une balle dans la jambe, peut-être un tir accidentel, d’une sentinelle qui encadrait les Carhaisiens, fusil pointé sur eux.
Un officier « sur un cheval blanc »
Pour Emmanuel Le Guen et d’autres témoins de l’époque, le soulagement est venu de cet officier allemand, sur un cheval blanc
dit la légende locale, demandant aux troupes de relâcher la pression et de rejoindre le front de Brest.
En effet, l’avancée des Alliés les obligeait à faire vite. Il décrit la suite de la soirée : Ma famille et moi nous sommes retrouvés du côté de Motreff, à Tréveller.
Et là, il sourit : Il y avait un champ de blé, en moins d’une demi-heure, il fut rasé pour faire des lits.
« La ville était libérée, nous étions le 7 août 1944 »
La nuit passe. Le lendemain, ils se rapprochent de Plévin. Il poursuit son histoire : Je me souviens aussi du résistant Gilbert Poulizac qui fut blessé par un tir en montant sur un talus pour voir Carhaix qui commençait à brûler du côté de la gare, mais là aussi les Allemands sont partis et n’ont pas continué.
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Emmanuel Le Guen conclut : Je vois encore l’arrivée de Georges Mesgouez, le président du comité des fêtes par la suite, qui nous a dit que la ville était libérée, nous étions le 7 août 1944.
Aujourd’hui, l’histoire de cet exode d’un jour a marqué les esprits. Le chemin que des centaines de Carhaisiens ont emprunté ce jour-là a été renommé « rue de l’Exode », pour que tous n’oublient pas.
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