RSA : 16 associations attaquent l’État et le « décret sanctions », accusé de « punir au lieu de soutenir » (H.fr-22/10/25)

16 associations attaquent l’État contre le décret « sanctions » du RSA. © Thibaut Durand / ABACAPRESS.COM.

Douze associations et quatre syndicats veulent déposer un recours au Conseil d’État contre le décret « sanctions » du 31 mai 2025 de la réforme du Revenu de solidarité active. Ils dénoncent des mesures coercitives.

Par Hayet KECHIT.

L’initiative est inédite, à la hauteur de la gravité du moment. C’est ce qu’a tenu à rappeler le président du Secours catholique, Didier Duriez, qui a accueilli dans son siège parisien, ce 22 octobre, les représentants des associations et des syndicats unis dans une même volonté : livrer un assaut juridique contre le décret « sanctions » du RSA visant les personnes privées d’emploi. Ils sont venus expliquer « d’une seule voix », lors de cette conférence de presse empreinte de solennité,les ressorts d’une démarche « peu courante ».

Didier Duriez en a résumé l’essentiel. Il y a d’abord aujourd’hui, au sein des associations de solidarité, le sentiment de crier dans le désert, alors même qu’elles sont en première ligne face à un cocktail explosif mêlant pauvreté galopante et complexification de l’accès aux droits. « Si nous en sommes là, à déposer des procédures en justice, c’est que nous avons de plus en plus de mal à être écoutés », explique le président du Secours catholique, avant d’en venir au cœur du sujet : « Quand l’État, au lieu de soutenir, s’attache au contraire à punir, nous n’avons d’autres choix que de porter plainte. »

« Un changement de paradigme dans les politiques publiques »

Ces douze associations – dont le Secours catholique, ATD Quart-Monde, la Ligue des droits de l’Homme, Solidarité paysans, le mouvement des mères isolées… – et les quatre syndicats (CGT, FSU, CFDT, Unsa et Solidaires) s’apprêtent ainsi à déposer des recours auprès du Conseil d’État pour obtenir l’abrogation de ce décret promulgué le 31 mai 2025, dernier étage de la loi dite « pour le plein-emploi », entrée en vigueur cinq mois plus tôt.

Cette réforme du RSA, unanimement dénoncée comme le symptôme d’un « changement de paradigme » dans les politiques publiques, impose ainsi la signature d’un contrat d’engagement stipulant l’obligation d’effectuer quinze heures d’activités hebdomadaires aux allocataires, sous peine de sanctions pouvant aller, selon le bon vouloir des départements, jusqu’à la suspension totale de ce revenu minimum de survie. C’est ce que la direction de France Travail nomme, dans sa novlangue, « la suspension-remobilisation ».

Contrôles et sanctions

Dans la réalité, loin d’une « remobilisation », associations et syndicats constatent surtout les effets « délétères » d’une mesure n’ayant pour autres visées qu’un contrôle accru, une multiplication des sanctions et in fine l’exclusion de ce dernier filet de sécurité d’une part croissante « de la population déjà confrontée à l’insécurité du quotidien », comme l’a souligné Isabelle Doresse, vice-présidente d’ATD Quart-Monde.

C’est d’ailleurs là l’un des arguments juridiques mis en avant par le collectif : « Le RSA répond à un droit fondamental inscrit dans la Constitution. À savoir, le droit à des moyens convenables d’existence ». Il y aurait donc là une atteinte au préambule de la Constitution de 1946, à travers ce décret qui impose des conditions à ce droit « censé apporter un revenu minimum de survie ».

Syndicats et associations ont aussi fait valoir « l’absence de proportionnalité dans les sanctions » prises en cas « de manquements » au contrat d’engagement. Alors que le Conseil constitutionnel avait conditionné la constitutionnalité de la loi « Plein emploi » au respect du principe de proportionnalité des peines, ce décret ignorerait cette réserve, en autorisant des suspensions totales et prolongées du RSA.

De 30 à 42 % de non-recours aux droits

Au-delà de ce combat juridique doit aussi s’imposer une lutte politique, affirme pour sa part Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT, qui dénonce des incitations au non-recours aux droits. Il rappelle ce chiffre à contre-courant de la doxa macroniste : « Le non-recours atteint des taux considérables, de l’ordre de 30 à 42 %. Cela s’explique notamment par le découragement face à cette complexification des démarches. »

Les agents de France Travail en paient aussi le prix fort. Vincent Lalouette, secrétaire général adjoint de la FSU Emploi à France Travail, a ainsi souligné « l’explosion de la charge de travail » pour ses collègues, conséquence de la loi pour le plein-emploi, qui a imposé une inscription obligatoire aux 2 millions d’allocataires du RSA « sans qu’aucun moyen supplémentaire n’ait été apporté ».

Pour la présidente de la Ligue des Droits de l’Homme, Nathalie Tehio, comprendre la violence de ces mesures implique d’en ausculter « la dimension idéologique » : « On ne raisonne qu’en termes de coûts financiers et non de coûts sociaux. Il y a dans ce décret une idéologie mortifère qui s’étend. On a d’abord touché aux droits des étrangers pour en venir désormais à ceux des plus pauvres. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/demandeurs-demploi/rsa-16-associations-attaquent-letat-et-le-decret-sanctions-accuse-de-punir-au-lieu-de-soutenir

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/rsa-16-associations-attaquent-letat-et-le-decret-sanctions-accuse-de-punir-au-lieu-de-soutenir-h-fr-22-10-25/

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