
Les métiers de nos ports. Le Dr Serge Moulin est, depuis trois et demi, le médecin des gens de mer au Guilvinec (Finistère). Il pratique une médecine du travail particulière, la seule qui dépend de l’État.
Le Dr Serge Moulin est médecin des gens de mer, au Guilvinec. Ce service, public, est l’équivalent de la médecine du travail pour les marins. Le médecin y travaille en binôme avec un infirmier.
Qu’est-ce que le service de santé des gens de mer ?
C’est le seul service de médecine du travail qui dépende encore de l’État, un héritage de Colbert. C’est une toute petite administration, qui compte une soixantaine de personnes en France.
Qui sont ces gens de mer, concernés par le service ?
Au Guilvinec, 60 % environ des personnes que je vois sont des marins-pêcheurs. Mais nous voyons aussi des marins de commerce, des personnels hôteliers de ferry, des skippers professionnels, des conchyliculteurs… Tous les professionnels civils qui travaillent en mer ou sur l’estran.
Qu’en est-il des marins de nationalité étrangères qui naviguent sur des bateaux français ?
Nous les voyons aussi ! En effet, les marins, quelle que soit leur nationalité, sont soumis à la législation du pavillon du navire sur lequel ils travaillent. Alors on voit fréquemment des Espagnols, des Portugais, des Sénégalais et désormais aussi des Indonésiens.
Quelles sont vos missions ?
Je travaille en binôme avec un infirmier et nous avons trois missions principales. La première ce sont les visites des marins : une par an ou tous les deux ans, en fonction des postes occupés, ainsi que la visite d’entrée dans la profession, les visites des reprises… Cela occupe 80 % de mon temps.
Notre seconde mission est celle de l’enseignement et de la formation. Les métiers de mer étant très particuliers, à bord il faut au moins une personne qui soit capable de gérer des soins et qui surveille la dotation médicale du navire.
Enfin, je fais aussi des visites de navires, pour des vérifications de conformité : la dotation médicale, la validité des analyses d’eau, la conservation des aliments, l’habitabilité du bateau…
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Quelles sont les spécificités des métiers de ces gens de mer ?
Marin, c’est le métier le plus dangereux au monde. C’est un travail qui génère de nombreux accidents, qui peuvent être très grave. Nous nous assurons que chaque personne est apte à la navigation. Nous vérifions les sens, notamment la vue et l’ouïe, c’est primordial. Nous vérifions aussi la dentition, les risques psychosociaux…
Vous avez toujours été médecin des gens de mer ?
Non. En fait j’ai été médecin généraliste, 60 heures par semaine, pendant 26 ans. Je voulais lever le pied et ce poste était disponible et m’intéressait. J’ai passé un diplôme universitaire de médecine maritime et ça m’a suffi. Mais les parcours peuvent être variés. Depuis trois ans et demi que je suis au Guilvinec, je travaille 35 heures par semaine, et je vois environ 3 000 personnes par an.
Et ces nouvelles missions vous plaisent ?
Oui ! Les marins, c’est une population super intéressante ! Ils souffrent d’une image d’Épinal… C’est vrai qu’il y a des soucis dans ce métier qui est très difficile, et si parfois il y a des discussions un peu viriles, les marins sont avant tout des gens courageux et très francs du collier !
Vous dîtes constater des évolutions sociologiques de ce métier…
Oui. Auparavant, les marins étaient principalement des fils de marins. C’est moins vrai aujourd’hui, de plus en plus de marins viennent d’un milieu non maritime. On commence aussi à voir des femmes, au commerce, matelot ou officier, et à la petite pêche. Et sûrement qu’un jour cela se développera aussi dans la pêche au large !
Anaëlle BERRE