A propos de la « note aux organisations » de Sophie Binet (IO.fr-23/10/25)

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, au sortir de Matignon, le 15 septembre (photo Guillaume Bpatiste / AFP)

Dans une lettre aux structures syndicales de la CGT, la secrétaire générale de cette confédération tente d’expliquer sa signature de la déclaration commune des confédérations publiée le 20 octobre qui a soulevé nombre d’interrogations, voire de réprobations, des militants.

Par Julien DESCHAZES.

Le 20 octobre 2025, sur deux pages, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a rédigé une « note aux organisations sur l’intersyndicale du 15/10/25 ». Il est vrai que la déclaration commune des organisations syndicales (rendue publique le 20 octobre),  titrée « retraites : un premier pas qui en appellera d’autres », n’a pas manqué d’interpeller, voire scandaliser, nombre de militants syndicaux de toutes organisations, qui s’étaient dépensés sans compter en mobilisant des millions pour l’abrogation de la réforme des retraites en 2023. Les arguments avancés par Sophie Binet pour justifier sa signature de la déclaration au nom de la CGT sont donc intéressants à connaître.

Elle nous dit : « Il faut être factuel et dire clairement aux salariés que le bougé sur retraite est en réalité un décalage d’une génération de l’application de la réforme, mais qu’avec ce scénario les 64 ans demeureraient dans la loi. »

Elle rajoute : « Pour nous, de toute manière, cela ne peut être qu’une étape vers l’abrogation. Nous préférons donc parler de brèche ou de premier pas plutôt que de victoire », précisant que « le bougé a été obtenu par la mobilisation et l’unité syndicale et grâce au fait que nous ayons maintenu le sujet retraites sur le dessus de la pile ».

Loin de répondre à la revendication d’abrogation

Il est bien évident que Sébastien Lecornu sait que le rejet de la réforme des retraites est le moteur du rejet par 70 % de la population de Macron lui-même, c’est pourquoi il a été amené à décaler l’application de la réforme des retraites pour assurer la survie de son gouvernement.

Mais loin de répondre à la revendication d’abrogation il a simplement donné un prétexte au Parti socialiste pour une non-censure après sa déclaration de politique générale. Et c’est à cette occasion qu’il s’est permis d’annoncer en même temps un « budget catastrophique » selon les mots mêmes de Sophie Binet, et ce n’est rien de le dire puisqu’il s’attaque tous azimuts aux droits à la Sécurité sociale, aux services publics, aux salariés, retraités, chômeurs, jeunes et même aux bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé !

« Brèche », « premier pas », « victoire », ou même « avancée » comme il est écrit dans la déclaration intersyndicale, qu’importent en définitive les mots : la non-censure du gouvernement Lecornu, et la survie de Macron, au prétexte du décalage de la réforme est au contraire une agression sans nom contre le monde du travail. Faut-il donner un blanc-seing aux députés du Parti socialiste qui en reniant leur mandat ont contribué à cette forfaiture et finalement invalider le vote de la motion de censure de LFI par les députés communistes et écologistes ?

Et est-ce le rôle d’une organisation syndicale, quelle qu’elle soit, de se positionner pour la survie d’un gouvernement et d’un président aux abois, qui pourtant ne cessent de porter les pires coups contre les travailleurs et la jeunesse ?

Peut-on considérer qu’il y aurait une « étape vers l’abrogation » ? Macron et les siens sont clairs à ce sujet, il s’agit avec le décalage d’aller plus loin dans la remise en cause des retraites, au travers d’une « conférence sociale », voire d’un référendum. Sophie Binet ne l’ignore et on ne peut que partager son point de vue : « Capitalisation et régime à points (ou à cotisations définies) sont des lignes rouges. Pour nous, s’il y a un sujet à traiter c’est le financement du retour aux 62 ans puis aux 60 ans. »

Un « front commun » avec les partisans de la retraite à points voulue par le gouvernement ?

Mais alors pourquoi, alors que lors de l’intersyndicale la CGT comme Force ouvrière, si l’on en croit le compte rendu qu’en fait Sophie Binet, se sont prononcées pour l’abrogation, le terme n’est-il pas repris ? C’est d’autant plus incompréhensible qu’elle rapporte également, en parlant de la CFDT : « La conférence travail/retraites doit préparer le débat des présidentielles et ils y porteront le régime à points. » Il n’y a plus de ligne rouge ?

Comment croire dès lors que l’enjeu soit « de maintenir un front commun dans la bataille budgétaire contre le projet du gouvernement et contre le patronat ». Un front commun avec la CFDT qui franchit la ligne rouge ? Un front commun avec la CFTC qui considère « qu’il faudrait faire des efforts partagés », ce que répète aussi le gouvernement ?

Mais Sophie Binet annonce malgré tout « une bataille contre le budget point par point » et à « multiplier les fronts ». Et elle égrène des dates, un jour pour les retraités, un autre pour l’énergie, un troisième peut-être dans la fonction publique. S’agit-il une nouvelle fois, comme lors de la réforme des retraites de multiplier les dates ? Pourtant cela n’a pas conduit à gagner.

On le voit, cette lettre ne pourra pas suffire à convaincre les militants du bien-fondé de la stratégie choisie par la CGT en signant la dernière déclaration intersyndicale. Ils sont fondés à continuer à rechercher les moyens de l’action efficace en restant campés sur leurs revendications : l’abrogation de la réforme des retraites, le rejet du budget !

°°°

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/10/23/a-propos-de-la-note-aux-organisations-de-sophie-binet/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/a-propos-de-la-note-aux-organisations-de-sophie-binet-io-fr-23-10-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *