Depuis deux ans et demi, Martin Pedron élève des canards, des chapons, des poulardes, à la ferme de Kerdroguen, située à Colpo (Morbihan), qu’il vend en direct ou transforme. La grippe aviaire le soumet à rude épreuve. Découragé, il est à deux doigts d’arrêter.
Lundi 19 décembre 2022, alors qu’il se préparait pour la meilleure semaine de vente de l’année, Martin Pedron découvre une soixantaine de canards morts, dans son élevage de volailles, à la ferme de Kerdroguen à Colpo(Morbihan). C’est le branle-bas de combat. J’ai appelé la vétérinaire qui contrôle notre exploitation. La Direction départementale de la protection des populations a été immédiatement avisée de la situation et a mis notre exploitation sous cloche
, raconte Martin Pedron.
Garder la tête hors de l’eau
Âgé de 36 ans, ancien salarié de cette ferme nichée dans la campagne morbihannaise, il a choisi d’en reprendre la gestion, il y a deux ans et demi. Il fait environ 600 poulets par an, une centaine de pintades, et surtout 2 300 canards, des chapons et poulardes pour les fêtes. Depuis que j’ai repris la ferme, j’essaye de garder la tête hors de l’eau. Je travaille entre 70 et 100 heures par semaine mais je n’ai jamais réussi à me verser un salaire
, se désole le jeune homme.
Cette mortalité du 19 décembre 2022, n’est qu’un épisode de plus, de la grippe aviaire qui sévit dans le monde. La vétérinaire est partie directement à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) avec les prélèvements et m’a dit, si c’est la grippe aviaire, demain on revient à la première heure et on abat toutes les volailles. À une semaine de Noël, ça fait mal ! Déjà que depuis le début d’année, c’est très mal engagé.
Toutes les volailles sont confinées depuis des lustres.
Une épée de Damoclès
Martin Pedron se fournit habituellement dans des couvoirs, situés en Vendée ou dans les Deux-Sèvres. J’achète des poussins d’un jour et je les élève, les gave, les abat, les transforme ici. Je fais tout de A à Z y compris les conserves de plats cuisinés, de foie gras, de terrines.
La production est vendue en vente directe sur place. Mais dès le printemps, tous les couvoirs ont été touchés par la grippe aviaire. J’élève une variété spécifique de canards de Barbarie. Elle a été en partie décimée. Je me suis rabattue sur une autre variété mais qui n’est pas du tout productive. Je perds entre 10 et 15 € par canard, soit une perte de 30 000 € pour cette année. J’ai tenté des oies de cinq semaines, mais ça n’a pas été très concluant.
Toujours ce même 19 décembre 2022, la bonne nouvelle arrive vers 20 h. Les canards ne sont pas morts de la grippe aviaire, vraisemblablement de froid. Mais j’ai toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si un cas de grippe aviaire est détecté à deux kilomètres de chez moi, mes volailles seront abattues malgré les précautions que je prends.
La ferme est presque coupée du monde. Seuls Martin Pedron et son salarié ont accès au site, après un protocole sanitaire strict.
Tout le monde est découragé
Après deux ans et demi de peurs, de dépit, d’absence de bénéfices malgré un travail acharné et une forte demande de la clientèle, Martin Pedron envisage l’avenir de la ferme avec inquiétude et interrogation. Je devais avoir une arrivée de poussins le 2 janvier 2023 qui ne viendra pas. Je discute beaucoup avec ma banque qui pour l’instant me suit. Économiquement, on ne s’en sort pas. Je me pose la question de poursuivre l’activité ou pas. Je vais peut-être arrêter le temps de laisser passer la tempête de la grippe aviaire ou alors trouver une autre activité pour la ferme. Je ne sais pas. Je suis découragé.
Isabelle JEGOUZO