« L’entreprise n’a jamais gagné autant d’argent, mais les actionnaires en veulent plus » : Suntory ferme l’usine Orangina de La Courneuve, 50 salariés sur le carreau (H.fr-24/10/25)

Les syndicats ne désarment pas et ont donné rendez-vous le 13 novembre pour une Assemblée générale et un rassemblement devant l’usine promise à la fermeture afin de donner de la voix. © KERMALO/REA

L’usine Orangina, implantée à la Courneuve en Seine-Saint-Denis, va fermer d’ici fin 2026, a annoncé Suntory Beverage & Food France, le groupe japonais qui produit et commercialise la boisson gazeuse. Une décision qui révolte les syndicats du site et stupéfie les élus locaux. Ils pointent son caractère contre-productif alors que l’entreprise affiche une santé florissante, forte de 128 millions d’euros de bénéfices nets en 2024.

Hayet KECHIT.

Comment un groupe qui vient d’engranger 128 millions d’euros de bénéfices nets en 2024 peut-il soudain décider de baisser le rideau sur l’une de ses principales implantations ? La question taraude les salariés de l’usine Orangina de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), encore sous l’effet de sidération après avoir appris, début octobre, la fermeture en 2026 de leur site par la direction de Suntory Beverage & Food France, le groupe japonais qui produit et commercialise des boissons aux fruits sur le marché français (dont Orangina ou encore Schweppes).

Pour les syndicats, nul besoin pourtant de chercher très loin les motivations de cette « décision brutale », prise sans concertation avec les représentants du personnel et les élus locaux, qui prévoit concrètement un transfert des trois lignes de production et de 56 postes du site de La Courneuve vers celui de Donnery (près d’Orléans dans le Loiret), l’une des trois autres implantations du groupe. Avec, pour conséquence la mise sur le carreau de 49 salariés sur les 105 que compte l’usine.

Un enfumage pour masquer une avidité sans limite

« Suntory nous lâche parce que les actionnaires en veulent toujours plus, voilà toute l’histoire. Leur objectif est d’atteindre les 200 millions de bénéfices ! » tranche ainsi Youen Le Noxaïc, représentant FGTA-FO du personnel du site Suntory de La Courneuve, qui ne voit, derrière les éléments de langage de la direction, qu’un vaste enfumage destiné à masquer une avidité sans limites.

Contacté par l’Humanité, le service de presse de Suntory nous renvoie vers le long communiqué publié le 2 octobre dans la foulée de cette annonce. Assurant vouloir « ancrer la présence en France du groupe sur le long terme », la direction y détaille ce qu’elle appelle « un projet d’adaptation de son réseau industriel aux évolutions du marché » avec à la clef, promet-elle, « un investissement de plus de 170 millions d’euros d’ici 2030 ».

La situation géographique de l’usine construite dans les années 1970 en centre-ville limiterait ainsi aux yeux du groupe japonais ses « activités opérationnelles », dans un contexte de « recul des ventes depuis 2022 lié à l’augmentation inédite des coûts de production et à une inflation impactant le pouvoir d’achat des Français, accentuée par la hausse récente de la taxe des boissons sucrées ».

« On a fait tous les efforts qui nous étaient demandés »

Des arguments qui font bondir Youen Le Noxaïc, selon qui toutes les mesures ont déjà été mises en place pour « faire face à ces augmentations », notamment « pour pallier la taxe sucre, en modifiant nos recettes de façon à ce qu’il y ait un impact minimum sur le consommateur ».

Le syndicaliste l’a d’autant plus mauvaise que les salariés ont toujours, selon lui, joué le jeu : « On nous a demandé à la Courneuve de faire des efforts en 2023 pour remonter l’attractivité du site, pour accélérer la production et baisser les coûts des énergies au maximum. On a fait monter le site sur la deuxième marche du podium à l’échelle européenne en 2024. Tous les challenges imposés par Suntory, on les a remportés », énumère Youen Le Noxaïc.

Résultat : « Le groupe ne s’est jamais aussi bien porté financièrement, en France et en Europe, mais la direction donne l’impression qu’ils sont en grande difficulté et qu’il faut à tout prix sauver la marque ».

« Le but est d’accroître ses profits sur le dos des salariés »

Même constat pour Moussa Diakate. secrétaire général de l’Union locale CGT de la Courneuve, selon qui « la société ne rencontre pas de difficultés économiques » et n’a pour autre but « que d’accroître ses profits sur le dos des 50 salariés ».

Aucun des deux syndicalistes n’est davantage convaincu par les arguments liés à l’inadaptation supposée du site, d’autant que la municipalité aurait fait démonstration de son ouverture en vue d’apporter les aménagements nécessaires à la productivité et à la modernisation du site. Ce que confirme, auprès de l’Humanité, Gilles Poux, le maire communiste de La Courneuve.

Il fait part de son « incompréhension », face à « ce changement de pied brutal de la direction », alors que « ce site avait accueilli des investissements, qu’on avait travaillés avec eux ces dernières années pour leur permettre de favoriser les circulations des flux de camions à l’intérieur, en lien avec leur nouvelle chaîne d’embouteillage plus moderne », affirme Gilles Poux.

La décision apparaît d’autant plus incompréhensible selon l’élu qu’elle serait économiquement contre-productive en imposant un éloignement de la production du cœur de sa clientèle, à savoir les 7 millions d’habitants résidant en première couronne de Paris.

« Je trouve aberrant d’aller produire à 200 km de Paris pour ensuite ramener les semi-remorques au cœur de la région parisienne. En termes de développement durable, de raccourcis entre la production et la consommation, tout cela est un non-sens », aurait, en vain, plaidé l’édile auprès de la direction du site.

Les syndicats ne désarment pas

En attendant, il a manifesté sa solidarité envers les salariés en les invitant notamment à venir témoigner de leur situation au conseil municipal qui s’est tenu le 9 octobre et au cours duquel ils ont reçu un soutien unanime. Les syndicats ne désarment pas non plus et leur ont donné rendez-vous le 13 novembre pour une Assemblée générale et un rassemblement devant l’usine afin de donner de la voix.

Si la direction affirme « rechercher une solution pour chacune des personnes concernées par des suppressions de postes », le compte est loin d’y être pour Youen Le Noxaïc, vu la teneur des premiers échanges. Aurait notamment été mis sur la table la proposition d’un paiement équivalant à moins d’un an de salaire, une proposition inacceptable pour le syndicaliste : « Tout leur cinéma, la main sur le cœur, on n’en veut pas. On veut des actes concrets. On a compris que le site de la Courneuve fermera, que leur décision est irrévocable. Notre énergie, on va désormais l’utiliser pour nous battre afin d’arracher des conditions de départ dignes pour les salariés. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/actionnaires/lentreprise-na-jamais-gagne-autant-dargent-mais-les-actionnaires-en-veulent-plus-suntory-ferme-lusine-orangina-de-la-courneuve-50-s

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