Budget 2026 : la taxe plastique déchaîne les lobbies (Reporterre-28/10/25)

Des bouteilles en plastique usagées (illustration). – Killari Hotaru / Unsplash

Le gouvernement souhaite taxer les emballages et bouteilles en plastique non recyclés. Pour s’y opposer, les industriels du secteur trouvent des soutiens jusque chez les députés macronistes, au grand dam des associations environnementales.

Par Benjamin DOURIEZ

Qui doit payer pour les montagnes d’emballages en plastique qui échappent au recyclage ? C’est, en substance, la question qui sous-tend les débats autour de la « taxe plastique », que le gouvernement veut introduire dans le budget 2026. La mesure, qui porterait sur les bouteilles en plastique et autres emballages de produits alimentaires, cosmétiques et d’hygiène, jouera sa survie au cours des débats parlementaires sur le budget.

Elle suscite la vive opposition des industriels de la plasturgie, tandis que les ONG écolos soutiennent son principe, tout en la jugeant trop faible. En termes de lobbying, les premiers ont pris une longueur d’avance.

1,5 milliard d’euros de pénalités pour la France

À l’origine du problème, l’incapacité de la France à atteindre les objectifs de recyclage d’emballages en plastique fixés par Bruxelles. Avec un taux de recyclage de 25,9 % en 2023, notre pays est l’un des cancres de la classe européenne, loin de la barre fixée à 50 % pour 2025. Pour ces lacunes, l’État français paye de lourdes pénalités à l’Union européenne : plus de 1,5 milliard d’euros en 2023.

Le gouvernement présente sa taxe plastique comme une compensation partielle. Il prévoit de mettre à contribution les éco-organismes, et à travers eux les entreprises mettant sur le marché les emballages en plastique. « Ce n’est pas à l’État, donc aux contribuables, de payer. C’est aux entreprises qui font le choix de produire et d’utiliser des emballages en plastique », abonde Axèle Gibert, coordinatrice du réseau déchets de France Nature Environnement. Une application du principe de pollueur-payeur, en somme, qui veut que le producteur d’un déchet assume sa fin de vie.

Des montants taxés loin de compenser

Les montants prévus sont pourtant modestes. La taxe se monterait à 30 euros la tonne d’emballages non recyclés en 2026 et grimperait progressivement jusqu’à 150 euros en 2030. Or, les pénalités européennes versées par la France équivalent actuellement à 800 euros la tonne. « Même si l’idée initiale était de compenser, les montants ne sont pas du tout à la hauteur », déplore Marine Bonavita, chargée de plaidoyer chez Zero Waste France, auprès de Reporterre.

Le gouvernement prévoit toutefois un montant doublé pour les bouteilles de boissons en plastique. Il souligne « le rôle central de ce type d’emballage dans la production de déchets, leur surreprésentation dans les déchets abandonnés dans l’espace public ou les corbeilles de rue ».

« On reconnaît les éléments de langage des professionnels du plastique »

Mais pour l’instant, les vents ne sont pas favorables à la taxe plastique. Mercredi 22 octobre, les députés ont voté sa suppression, lors d’un premier vote, temporaire, en commission des finances. Des parlementaires de droite parmi lesquels Laurent Wauquiez et d’autres du Rassemblement national avaient déposé des amendements pour supprimer le dispositif, avait relevé sur LinkedIn Jordan Allouche, lobbyiste au service d’acteurs de la transition écologique.

Ils ont même été rejoints par des macronistes, notamment les anciens ministres Guillaume Kasbarian et Prisca Thévenot, qui ont déposé un texte similaire. « Dans l’exposé des motifs de ces amendements, on reconnaît les éléments de langage des professionnels du plastique », commente Marine Bonavita.

Ambitions à gauche

Le vote de ces amendements comptera finalement pour du beurre. La commission ayant rejeté l’ensemble du volet recettes du projet de budget, la discussion en séance publique a commencé sur la base du texte initial du gouvernement — avec la taxe plastique, donc. Mais l’épisode montre l’état des rapports de force parlementaires sur le sujet.

Dans le camp des ONG, on ne désespère pas de renverser la vapeur. Relayant leurs préoccupations, plusieurs députés, essentiellement de gauche, mais aussi quelques macronistes, ont proposé de fixer d’emblée la taxe plastique à 100 euros la tonne pour la hausser ensuite jusqu’à 800 euros. « Nous nous battons pour que les amendements les plus ambitieux soient discutés, mais face à des lobbies bien mieux armés, notre voix pèse moins — et c’est tout le problème », reconnaît Marine Bonavita.

Une mesure plus budgétaire qu’écologique ?

Selon les industriels du plastique, cette taxe risque de rater sa cible. « C’est une taxe dont l’objectif est purement budgétaire déguisée en taxe environnementale, estime Xavier Chastel, directeur général de Polyvia, qui représente la filière de la plasturgie. Elle sera inefficace pour réduire les volumes de déchets en plastique non recyclés. »

Pour Polyvia, les lacunes en matière de recyclage proviennent d’un tri insuffisant et d’une collecte pas assez efficace — « des domaines relevant de l’action publique et du comportement citoyen, et non des industriels français », ajoute l’organisme. Des représentants de l’industrie agro-alimentaire et des cosmétiques ont également fait connaître leur opposition auprès des députés.

Mais en se focalisant sur le recyclage, son efficacité et son coût, ces débats ne doivent pas occulter l’enjeu majeur, celui de la réduction des emballages ménagers, rappelle Axèle Gibert de France Nature Environnement : « La vraie question de fond est : comment réduire le volume des poubelles ? Et pourquoi, en tant que citoyen, il est encore quasi impossible de faire ses courses sans se retrouver avec quantités d’emballages inutiles ? »

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Source: https://reporterre.net/Budget-2026-la-taxe-plastique-dechaine-les-lobbies

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