ArcelorMital : pourquoi le Sénat s’oppose à la nationalisation (H.fr-30/10/25)

La proposition de loi communiste, cosignée par les élus PS et écologistes, prévoyait le transfert des actifs du groupe en France au sein d’une entreprise publique.
© Jaak Moineau / Hans Lucas via AFP

Sans surprise, la droite sénatoriale a écarté une proposition de loi du PCF visant à reprendre en main les sites français du géant de l’acier. Le groupe a reçu 392 millions d’euros d’aides publiques en 2023 et prévoit la suppression de 636 emplois.

Par Naïm SAKHI.

Au Sénat, les libéraux s’obstinent dans la croyance absolue dans le marché. Jeudi 30 octobre, les sénateurs ont largement repoussé une proposition de loi (PPL) du PCF visant à nationaliser les « actifs stratégiques d’ArcelorMittal situés sur le territoire national ». « Nous posons un constat simple, mais brutal : depuis vingt ans, ArcelorMittal a transformé notre acier national en un actif financier au service de ses actionnaires », tance la communiste Cécile Cukierman, alors que 636 emplois, dont 400 dans la production, sont menacés de suppression.

Devant des délégations d’ouvriers des sites de Dunkerque et de Mardyck, la présidente du groupe CRCE-K assure que « la sidérurgie est un pilier de toutes les politiques industrielles : sans acier, pas de construction, pas de transition énergétique, pas de souveraineté. Les turbines, les rails, les éoliennes, les ponts, les infrastructures vertes dépendent de cette filière ».

La proposition de loi communiste, cosignée par les élus PS et écologistes, prévoyait le transfert des actifs du groupe en France au sein d’une entreprise publique : la Société nationale de l’acier. « La nationalisation n’est pas une option, mais une nécessité pour planifier la décarbonation de la filière, préserver notre souveraineté économique et protéger les travailleurs et les territoires », assume à la tribune du Sénat Cécile Cukierman.

Une analyse que balaie pourtant Arnaud Bazin. « Une nationalisation serait extrêmement coûteuse pour les pouvoirs publics en période de crise des finances. Une telle mesure n’apporterait pas de solution durable à la crise de l’acier en Europe », tranche le rapporteur LR de la commission des Finances.

392 millions d’euros d’aides publiques en 2023

Dès lors, comment sauvegarder les emplois d’ArcelorMittal ? « Il faut apporter des solutions structurelles. Le cœur du sujet, c’est la compétitivité. C’est ce que le gouvernement propose avec une réduction de 1,3 milliard de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – NDLR), que les entreprises pourront réinvestir », déclare Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie.

Pourtant, de l’argent public, ArcelorMittal en a reçu à foison, malgré ses 17,6 milliards d’euros de fonds propre. « En France, le groupe a reçu 392 millions d’euros d’aides publiques en 2023, note Cécile Cukierman. Et a bénéficié de quotas gratuits d’émissions de carbone, dont l’excédent est revendable, ce qui constitue une forme d’aide implicite de l’ordre de 960 millions d’euros. »

D’ailleurs, avec la nationalisation proposée dans cette PPL, les communistes entendaient soustraire des indemnités compensatoires l’ensemble des aides publiques perçues par le groupe. « Le rapport du Sénat sur les aides publiques l’a démontré : 211 milliards d’euros sont distribués chaque année aux entreprises sans contrôle ni conditions, mesure la communiste Silvana Silvani. L’argent existe, il circule, mais il nourrit la rente plutôt que la production, en laissant des déserts économiques et sociaux. »

Parmi leurs arguments, les opposants à ce texte avancent le coût d’une nationalisation. Appuyée par les économistes Tristan Auvray et Thomas Dallery, la CGT avance une fourchette globale de 1 à 2 milliards d’euros. La confédération assure que la Banque publique d’investissement « pourrait être le bon véhicule » pour mener une telle opération.

« Il est impossible d’avoir un chiffrage robuste. Au prix d’achat annoncé s’ajouteront les investissements massifs et nécessaires pour les sites de production, portant le coût global à plusieurs milliards », insiste le rapporteur Arnaud Bazin. Et le ministre Sébastien Martin d’ajouter qu’une « nationalisation reviendrait à placer l’entreprise sous perfusion publique sans pour autant régler ce qui mine la filière : une concurrence mondiale faussée par l’acier asiatique, une faible demande européenne et un déficit de compétitivité ».

« Qu’est ce qui coûte le plus cher ? Sauver nos usines ou payer des plans sociaux ? »

Pas de quoi convaincre Cécile Cukierman. « On nous dit que la nationalisation serait trop coûteuse. Mais qu’est ce qui coûte le plus cher ? Investir pour sauver nos usines ou payer des plans sociaux ? » Malgré les difficultés de la filière sidérurgique, en 2024, ArcelorMittal a distribué 600 millions d’euros de dividendes, tout en procédant à plus de 12 milliards de rachats d’actions sur les quatre dernières années.

Pour le sénateur écologiste Thomas Dessus, « la filière de l’acier est hautement stratégique, nous ne pouvons accepter que son avenir dépende des décisions erratiques sans logiques de planification ». Malgré ce revers, qui n’est pas une surprise, la CGT ne relâche pas la pression. L’union départementale du Nord prévoit un meeting le 4 novembre en faveur d’une nationalisation d’ArcelorMittal.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/aides-publiques/arcelormital-pourquoi-le-senat-soppose-a-la-nationalisation

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/arcelormital-pourquoi-le-senat-soppose-a-la-nationalisation-h-fr-30-10-25/

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