La protection sociale des agents du fisc confiée en partie à des fonds de pension ! (IO.fr-1/11/25)

(photo AFP).

Connaissez-vous « Alan » ? C’est à cette start-up, financée par des fonds de pension, qu’échoie désormais la protection sociale complémentaire des agents des Finances publiques. Explications.

Par Philippe MAXIME.

Macron et ses gouvernements ont décidé de liquider tous les acquis sociaux de ce pays : Code du travail, statut des cheminots, statut des fonctionnaires, Sécurité sociale, régimes de retraite… 

Un cran supplémentaire est ajouté avec la mise en œuvre depuis 2025 de la refonte de la protection sociale (santé et prévoyance) dans la fonction publique. Cette refonte est le produit de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 avec l’objectif d’appliquer dans la fonction publique l’accord national interprofessionnel (Ani) de 2013, transposé dans la loi du 14 juin 20131 sur la protection sociale complémentaire obligatoire. Les accords de groupe avec les complémentaires sont généralisés, l’adhésion des salariés à une complémentaire est rendue obligatoire2.

Cette refonte vise à créer un système universel obligatoire parallèle à la Sécurité sociale pour transférer progressivement la gestion du maximum de risques et donc de prestations de la Sécurité sociale vers les complémentaires.

L’objectif est clair : il s’agit d’aller progressivement vers le démantèlement de la Sécurité sociale afin de dégager le patronat du financement de la protection sociale et d’ouvrir le « marché » de la protection sociale aux assurances à but lucratif. Ce sont la Sécurité sociale et, au cas particulier, le statut général des fonctionnaires qui sont visés.

C’est dans ce cadre, qu’en mai 2025, le ministère de l’Économie et des Finances a annoncé son choix pour les opérateurs de la protection sociale complémentaire à compter du 1er janvier 2026 : Alan pour la santé et la GMF pour la prévoyance3.

Un pont d’or aux fonds spéculatifs

La mutuelle historique, la Mgéfi4, est évincée pour laisser la place, pour la santé, à une « start-up » privée 100 % numérique, sans ancrage dans la fonction publique, ni guichet de proximité, ni gouvernance partagée. Il s’agit de la société anonyme Alan, financée par des fonds spéculatifs, le fonds d’investissement dont le fonds souverain singapourien Temasek, le fonds de pension des enseignants de l’Ontario, la banque belge Belfius…

En sept ans (2017-2023), Alan a cumulé 250 millions de pertes et n’a survécu que grâce à un modèle de développement problématique. En clair, plus le groupe accumule les pertes, plus il doit y faire face en multipliant les levées de fonds. À ce jour, Alan a ainsi levé auprès d’investisseurs 617 millions d’euros, dont 442 millions d’euros au 31 décembre 2023, plus 175 millions d’euros en 2024.

Cette « start-up » est donc 100 % numérique, sans plateforme téléphonique encore à ce stade. Les données des fichiers RH des administrations du ministère sont partagées avec cette société privée dont le traitement des données repose sur une infrastructure… comme Amazon !

Ce choix souligne bien le basculement en cours dans le financement de la protection sociale complémentaire : Macron a choisi de torpiller le vieux système d’économie sociale à la française, adossé à la Mutualité française, pour favoriser la finance privée. Cela explique le choix d’Alan pour la santé et de la GMF5 pour la prévoyance.

Mais fallait-il s’attendre à autre chose de la part de Macron ? Lui qui déclarait en 2020, quand Alan procédait à l’une de ces levées de capitaux, pour un montant de 185 millions d’euros, dans un post de félicitations via son compte LinkedIn : « Un grand bravo aux équipes d’Alan qui poursuivent leur lancée avec une mission prometteuse: simplifier l’accès aux soins pour des millions de Français. »

En mai 2025, dans un premier temps, le choix d’Alan comme opérateur pour la santé a été mollement contesté par les fédérations syndicales du ministère, celles-ci s’en tenant à la demande de respect de l’accord qu’elles avaient toutes signé, avec le ministère, le 21 juin 2024.

Mais, dans les services, les agents ont été stupéfaits puis scandalisés du choix du ministre de Macron. Bien vite, ce fut la colère qui s’est répercutée auprès des militants syndicaux. En juin, une pétition contre le choix d’Alan, est lancée par la CGT soutenue par Solidaires et FO. Les agents se pressent dans les heures syndicales sur l’initiative des syndicats. Oui, c’est la colère !

Les retraités, eux, ont découvert, avec sidération, ce mauvais coup à la lecture de leur bulletin de pension de juillet. Inquiets, sinon scandalisés, ils ont participé massivement en septembre et en octobre aux réunions à l’initiative de la mutuelle historique, la Mgéfi.

C’est dans ce contexte que le congrès de la fédération CGT des finances, réuni du 6 au 10 octobre 2025, a décidé de proposer aux autres fédérations syndicales de dénoncer l’accord qu’elles avaient signé en 2024 pour permettre de « remobiliser l’ensemble des personnels actifs, retraités et non-titulaires ».

°°°

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/11/01/la-protection-sociale-des-agents-du-fisc-confiee-en-partie-a-des-fonds-de-pension/

URL de cet article:https://lherminerouge.fr/la-protection-sociale-des-agents-du-fisc-confiee-en-partie-a-des-fonds-de-pension-io-fr-1-11-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *