
Depuis quelques jours, les agriculteurs établissent à nouveau des barrages dans de nombreux endroits du pays, contre la mesure qui consiste à éradiquer totalement les troupeaux de bovins lorsqu’une bête est atteinte de la maladie DNC.
Par Correspondants
| Depuis quelques jours, les agriculteurs établissent à nouveau des barrages dans de nombreux endroits du pays ; ils manifestent et recueillent de nombreux soutiens dans la population. Les paysans, et les éleveurs en première ligne, ont parfaitement compris que le gouvernement, sous le prétexte d’une maladie bovine somme toute bénigne, entend saisir l’occasion de les éradiquer au profit des multinationales de l’agroalimentaire.Ils s’insurgent contre un gouvernement qui dresse aussi contre lui, parmi d’autres, les hospitaliers, et jusqu’aux agents du grand musée du Louvre ! |
Cela fait un an que la maladie DNC (dermatose nucléaire contagieuse) touchant les bovins s’est déclarée en France, à commencer par la Savoie puis le Doubs où, malgré la vaccination imposée par le gouvernement (sans par ailleurs fournir le nombre de vaccins nécessaire), tout un troupeau a été abattu pour une vache malade !
Un cas a été dernièrement décelé en Ariège, à Les Bordes-sur-Arize, dans un troupeau de 208 vaches. La vache malade a été abattue et les 207 autres animaux de l’exploitation ont subi le même sort. Cette ferme isolée des autres élevages, « c’était le cas idéal pour mettre en quarantaine ce troupeau pour observer l’évolution de la maladie… Et quand bien même il aurait été trouvé quelques cas positifs dans les jours qui auraient suivi, l’expérience aurait permis de vérifier l’efficacité de la vaccination », dit un agriculteur. Des dizaines d’éleveurs étaient sur place le jeudi 11 décembre, dans un rassemblement pacifique avec notamment la Confédération paysanne et la Coordination rurale pour empêcher l’accès à la ferme et ils ont fait face à la nuit tombée à un déchaînement de violences décidées par le préfet : blindés, tirs de LBD, grenades lacrymogènes par centaines, grenades de désencerclement… Une brutalité inouïe.
Depuis vendredi 12 décembre, les agriculteurs de l’Ariège et de la Haute-Garonne bloquent les entrées et sorties sur l’A64.
Détermination
Nous nous sommes rendus sur celui de Carbonne, en Haute-Garonne. Face au refus d’écouter la profession, les éleveurs, dont les « Ultras de l’A64 » animé par Jérôme Bayle, regroupant des syndiqués et non-syndiqués, ont mis en place ce barrage, comme en janvier 2024. Plus d’une centaine de tracteurs et remorques y sont rassemblés. Des murs de bottes de paille sont érigés. Des tentes sont déployées pour se restaurer et passer la nuit.
Vendredi soir, l’ambiance était à la détermination d’aboutir à une évolution des méthodes lors de la détection d’un cas d’animal infecté pour éviter l’abattage de tout le troupeau. Samedi matin, après la relève du piquet de surveillance de la nuit, les plus matinaux arrivent. Des commerçants et habitants de Carbonne ont amené du ravitaillement : charcuterie, pains, croissants…
Les députés LFI Christophe Bex (Haute-Garonne) et Manon Meunier (Haute-Vienne), et des maires sont venus en soutien à l’installation du blocage.
Lancée par l’ensemble des éleveurs, l’action se mène contre l’abattage systématique des bovins dès qu’un seul cas de DNC est décelé. Cette mesure soulève l’indignation, la révolte parmi les éleveurs : « Ce sont des décennies d’efforts, de sélection des troupeaux qui sont détruits » ; « on peut faire autrement. Isoler les bêtes atteintes, mettre en quarantaine le troupeau, et voir l’évolution de la maladie » ; « nous, éleveurs, nous ne sommes pas des idiots, nous avons des connaissances scientifiques. »
« On ne partira pas ! »
La DNC est une maladie virale bénigne dont l’incubation est d’environ 15 à 28 jours, qui ne se conclut que dans moins de 5 % des cas par la mort de l’animal. D’autres pays européens touchés par la DNC ne pratiquent pas l’abattage systématique. Les syndicats ont proposé un protocole sanitaire sans abattage au gouvernement. La ministre Genevard ne veut pas l’entendre et continue à faire appliquer l’abattage systématique.
La révolte gronde car « nous ne sommes ni écoutés ni entendus », disent les agriculteurs. « J’ai repris l’élevage de 45 vaches de mon père. Je continue à travailler en entreprise et à m’occuper des animaux, matin et soir et le week-end. L’élevage ne suffit pas pour vivre. Si le protocole gouvernemental s’applique, c’est fini. Pas seulement pour moi, mais pour toute la filière bovine du Comminges, de Haute-Garonne, de l’Ariège, de tout le Sud-Ouest. Des dizaines d’activités et d’emplois (agricoles, commerces, transports…) sont menacés de disparition avec l’asphyxie de toute la région. Alors, je viens sur le barrage pour me faire entendre, pour les faire reculer sur leur mesure insensée », nous dit un jeune agriculteur. En Haute-Garonne, d’autres cas ont été détectés à Touille et à Benque. Le protocole défendu par les autorités prévoit d’abattre toutes les bêtes du troupeau !
La FNSEA, par son président, Arnaud Rousseau, prétend : « On ne peut faire autrement que d’abattre le troupeau », soutenant ainsi le gouvernement, malgré l’opposition de ses syndiqués, éleveurs. Par ailleurs, ce prétendu syndicaliste est propriétaire au Brésil de la Samas, une entreprise d’élevages bovins d’exportation et cette décision d’abattage systématique est la voie ouverte à l’importation massive de bovins via l’accord Mercosur qui impose le libre-échange en matière de viande animale – déjà 15 % des produits viennent des importations.
Les agriculteurs sont déterminés : « On ne partira pas, on restera, s’il le faut, pendant les fêtes sur les blocages. »
| Un objectif affirmé (discrètement) au sommet de l’État : réduire le cheptel français La Cour des comptes a recommandé en mai 2023 une réduction importante du cheptel bovin en France. Le rapport soulignait que l’élevage bovin est responsable de 11,8 % des émissions d’équivalents CO2 en France, principalement dues au méthane produit lors de la digestion des vaches. Elle appelait ainsi à définir une stratégie publique de réduction du cheptel et à revoir les dispositifs d’aide aux éleveurs, pour les diriger vers d’autres activités. |
| « Soutien aux agriculteurs et aux éleveurs qui se dressent contre le gouvernement » Communiqué de l’union départementale FO de Gironde, 16 décembre (extraits)« L’ union départementale FO 33 apporte tout son soutien aux agriculteurs, aux éleveurs qui se dressent à l’heure actuelle contre cette mesure inouïe qui consiste à imposer l’abattage systématique de leurs troupeaux dès qu’un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) se manifeste. (…)Les agriculteurs, les éleveurs nous nourrissent: personne ne peut être indifférent à leur sort et au traitement que le gouvernement leur réserve. Dès lors, l’union départementale FO 33 encourage tous ses syndiqués FO à leur apporter leur soutien en se rendant sur les différents lieux de blocage, comme celui de Cestas sur l’A63. » |

Lundi 15 décembre, 200 élèves du lycée agricole George-Sand à Yssingeaux se sont rassemblés sur le rond-point devant l’établissement scolaire. (correspondant)Depuis le lundi 15 décembre matin, près de 200 élèves du lycée agricole George-Sand à Yssingeaux (Haute-Loire) se sont rassemblés sur le rond-point devant l’établissement scolaire. Ces jeunes, dont certains prévoient de s’installer dans l’agriculture dans quelques années, souhaitent apporter leur soutien à la filière et en particulier aux éleveurs, confrontés aux règles actuelles qui prévoient l’abattage massif des troupeaux dès lors que la maladie DNC (dermatose nodulaire contagieuse) est détectée dans un troupeau.Comme d’autres lycées agricoles, ils ont répondu à l’appel. Tout s’est fait durant le week-end. Des banderoles ont été fabriquées et les slogans travaillés. On peut lire: « Tuer nos troupeaux une honte », « Tuer nos troupeaux, c’est tuer notre avenir », « Tuer n’est pas une solution », « Sans agri, pas de vie ».
Source:https://infos-ouvrieres.fr/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/reportage-sur-le-blocage-des-agriculteurs-sur-la64-nous-nacceptons-pas-labattage-de-nos-bovins-io-fr-18-12-25/
