
Arrivée chez Alternatiba lors de la vague du mouvement climat, en 2018, Sandy Olivar Calvo est désormais chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France. Un engagement toujours guidé par la boussole des classes populaires.
Par Marie ASTIER et nno CADORET (photographies)
On imagine son emploi du temps bien chargé, et pourtant, Sandy Olivar Calvo nous a dégagé deux heures sans hésiter. Pas qu’elle aime se mettre en avant, le personnage est plutôt humble. Mais, en professionnelle consciencieuse, elle ne rate pas une occasion de défendre sa cause.
Silhouette et traits fins, l’air délicat, on ne se dit pas qu’à 31 ans, elle a déjà mené tant de batailles. En tant que militante, sa première a été celle du mouvement climat, où elle a embarqué fin 2018 avec Alternatiba. La dernière en date a été celle de la loi Duplomb, comme chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France, un poste qu’elle occupe depuis quatre ans.
Avant, il y en a eu bien d’autres. Car arriver jusque là n’était pas une évidence. Nous la rencontrons dans un café parisien, près de la gare du Nord. Son père nous rejoint depuis chez lui, dans l’Oise. Car chez les Olivar Calvo, les convictions, c’est de famille. « Mon père est un immigré espagnol. Il était républicain, il a fui le fascisme, dit Michel, 77 ans. On a toujours parlé politique et j’ai toujours été à gauche. »
Il a fait de nombreux métiers, dont ouvrier, patron de bar, gardien et, dernièrement, jardinier. Il travaille encore un peu. Sandy Olivar Calvo ne cache pas ses origines populaires. Sa mère, elle, était femme de ménage.

Ainsi, le premier combat de Sandy a été de réussir à faire des études. « Au collège, je me souviens d’un prof qui l’avait catégorisée nulle, se souvient son père. Ils voulaient l’orienter vers un bac pro, elle ne voulait pas. J’ai dit : “Tu fais ton choix.” » Benjamine de quatre enfants, elle est la première de la famille à passer le bac général et aller dans le supérieur.
L’éveil avec les Gilets jaunes
Là, l’obstacle est aussi économique, elle doit travailler en parallèle de ses études. « Mon parcours est sinueux », prévient-elle. Il commence avec un BTS et une licence pro de commerce international. « C’était évident que ce n’était pas ce que je voulais faire », constate-t-elle. Elle fait une pause, enchaîne les petits boulots « pour mettre de l’argent de côté ». Puis revient sur les bancs de la fac et choisit cette fois-ci la communication publique et politique. Hasard du calendrier, l’actualité lui donne rapidement l’occasion de mettre en pratique ces nouvelles compétences.
En octobre 2018, c’est le début du mouvement des Gilets jaunes. Comme tant d’autres qui n’avaient jamais milité, la jeune femme enfile la tenue fluo, se rend sur les ronds-points avec ses parents : « On vivait en milieu périurbain. Chez nous, le mouvement était très fort. » Les discussions politiques ont toujours été fréquentes à la tablée familiale. « J’ai mes idées bien ancrées, précise son père. Mais je ne me suis pas engagé ». C’est donc toujours en famille qu’ils passent des idées au terrain.

« Ça a été mes premières manifs à Paris, c’était très stressant car très tendu dans la rue, se rappelle-t-elle. J’ai trouvé insupportable le traitement médiatique des Gilets jaunes, l’opposition qui était faite entre écologie et classes populaires. ». Un « déclic » qui lui donne l’envie d’aller plus loin.
Justement, au même moment, le mouvement climat prend de l’ampleur. Fin 2018, elle se rend à une « plénière » — une réunion ouverte pour recruter des militants — organisée par Alternatiba Paris. L’organisation défend la ligne « fin du monde, fin du mois, même combat » et le rapprochement avec les Gilets jaunes.
« C’était exactement le discours politique que je voulais entendre, dit Sandy Olivar Calvo. J’ai l’impression que c’est le destin qui a mis cette plénière devant moi. » Elle laisse son adresse e-mail dans un formulaire, est rapidement introduite dans les listes de discussion, puis se retrouve bénévole dans l’équipe communication.
« Elle a bataillé pour que la ligne politique “fin du monde, fin du mois”, l’emporte »
Ce soir-là, Élodie Nace, alors porte-parole du mouvement, était au micro. Les deux femmes feront connaissance quelques semaines plus tard. « Sandy avait beaucoup d’énergie et d’enthousiasme », se rappelle la militante. Et des convictions fortes : « Elle a bataillé pour que la ligne politique “fin du monde, fin du mois”, l’emporte. Et elle l’incarne. »

Sandy, elle, s’épanouit. « Alternatiba est un collectif très structuré. C’est ce qui a permis d’inclure des profils un peu différents comme le mien. Si quelqu’un veut s’engager, il y trouve sa place », estime-t-elle. Elle apprécie notamment l’organisation des réunions. « Les tours de parole, les ordres du jour cadrés en amont. C’est ce qui fait qu’on a été efficaces, qu’on a gagné la bataille culturelle sur le climat », dit-elle.
Cela lui a aussi tout simplement permis de participer aux décisions. « Au début, je faisais les allers-retours entre Paris et chez mes parents [dans l’Oise], je prenais le dernier train pour rentrer, je ne pouvais pas passer cinq heures en AG pour en ressortir sans décision claire. »
Soutien à des collectifs locaux
L’apprentie militante révèle aussi de grandes compétences. « Elle est très organisée, très pro, et elle a une détermination sans faille. Elle a été un pilier pour moi », raconte Teïssir Ghrab, arrivée quelques mois après Sandy à Alternatiba Paris. Surtout, « elle a énormément d’empathie », souligne son amie de militance.
Les deux femmes aident des collectifs locaux, par exemple contre les entrepôts Amazon, à se faire connaître. « On aidait les têtes de collectifs à construire leur message, dit Teïssir Ghrab. Elle partait vraiment des gens, de leurs convictions. Elle arrivait à les retraduire avec des mots très simples. Elle était brillante dans cet exercice. »

En parallèle, Sandy Olivar Calvo boucle son master. Quelques mois plus tard, en 2021, elle décroche le poste de chargée de campagne agriculture à Greenpeace. « Sur une autre thématique, je n’aurais pas postulé », dit-elle. Pourquoi ? Le sujet lui parle pour plein de raisons plutôt qu’une : « La destruction du monde paysan fait écho à celle du monde ouvrier » ; et puis, les inégalités alimentaires, elle les a expérimentées. « On n’a jamais beaucoup cuisiné à la maison. Mais quand on fait des heures et qu’on rentre du boulot le dos crevé, ça se comprend, qu’on mange industriel », explique-t-elle.
La santé environnementale, nouvelle bataille
L’an dernier, elle a pris six mois pour mener un master recherche en sciences politique spécialisé transition écologique. Qu’en penserait ce prof de collège qui l’avait cataloguée « nulle » ? « À chaque fois qu’elle a voulu quelque chose, elle a toujours été au bout », commente son père dans un sourire.
La nouvelle bataille, pour elle, c’est la santé environnementale. « Avec les scandales sanitaires et l’épidémie de cancer que les gens vivent dans leur chair, c’est comme le climat en 2018-2019, ça prend dans le débat public, dit-elle. La loi Duplomb nous a montré que nos idées pouvaient être encore majoritaires. Et elles peuvent déranger l’extrême droite, qui vote pour des mesures qui nous empoisonnent. »
Elle est persuadée que c’est une thématique qui permettrait de réconcilier sa « famille politique » avec les classes moyennes et populaires. « C’est un terreau à exploiter d’ici 2027 », croit-elle.
« Nous devons garder un regard critique sur nos revendications »
Mais pour cela, à la gauche écologiste de faire les bons choix, prévient-elle : « On est à un moment où l’on doit politiser notre écologie et revoir notre projet au prisme des classes sociales que l’on veut emporter avec nous. » Elle, bien sûr, se battra pour une écologie populaire, qui, par exemple, favorise « entraide, débrouillardise et autonomie ».
Concrètement, cela peut signifier ne plus défendre la voiture électrique de façon indifférenciée. « Car pour plein de gens, cela signifie qu’ils ne pourront plus réparer leur voiture eux-mêmes, dit-elle. Nous devons garder un regard critique sur nos revendications. »

On sent que le sujet lui tient à cœur. Particulièrement en cette période de montée de l’extrême droite. On y pressent comme un devoir, en mémoire de son grand-père paternel. « Le fascisme, après être arrivé en Espagne, il y est resté longtemps », avertit son père. Et puis, c’est aussi sa famille qu’elle défend. « Je pense à ma mère et ma sœur, femmes de ménage. Elles subissent une exposition genrée aux polluants chimiques », dit-elle. Un silence suit, on sent l’inquiétude.
Pour cette nouvelle lutte, la stratégie, elle l’a déjà, peaufinée depuis les années Alternatiba : « Mettre les ONG écolos en retrait et au service des premiers concernés. Incarner nos revendications avec d’autres personnes que celles que l’on voit toujours dans les médias et mettre en avant les victimes plutôt que les organisations. »
Assis à côté d’elle, son père écoute. Tout naturellement, on a envie de lui demander. « Alors, êtes-vous fier ? » « Oui, parce qu’elle est sincère dans ce qu’elle fait, fidèle à ses convictions », répond-il.
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Source: https://reporterre.net/Sandy-Olivar-Calvo-des-Gilets-jaunes-a-Greenpeace
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