
En Ille-et-Vilaine, la mobilisation contre la réforme des retraites a rassemblé près de 30 000 personnes, dont 20 000 à Rennes. Dans les cortèges, certains descendaient dans la rue pour la première fois.
La mobilisation contre la réforme des retraites a réuni près de 30 000 personnes dans les différentes villes d’Ille-et-Vilaine. Parmi ceux-ci, certains manifestaient pour la première fois de leur vie, et ce ne sont pas des lycéens ou des étudiants.
Jeudi 19 janvier 2023, 11 h, deux couples proches de la retraite ont choisi de rejoindre l’immense cortège qui s’apprête à s’élancer dans le centre-ville de Rennes. « On ne sait pas trop où se placer, confie Laurent 61 ans, en préretraite. Si on est là aujourd’hui, ce n’est pas pour marcher sous la banderole d’un syndicat, mais pour se faire entendre en tant que citoyens. » Dans la capitale bretonne, ils étaient 17 000, 25 000 selon le syndicat Force ouvrière, à manifester.
Des citoyens très mécontents du projet de réforme sur les retraites. « Normalement je devais être en retraite en janvier 2024, mais je vais devoir faire six mois de plus alors que j’ai cotisé pendant quarante-deux ans », déplore celui qui a travaillé toute sa carrière dans le secteur des transports.
Près de lui, Didier, 58 ans. Ce fonctionnaire pensait partir à 62 ans, avec une légère décote. « Mais ce sera 63 ans, sans toucher plus », constate-t-il après avoir fait ses calculs. Au-delà de leur cas personnel, ils affirment manifester pour les autres. « On est là pour défendre toute une génération à qui on demande de renflouer les caisses. C’est certain qu’il faut réformer notre système de retraites, mais autrement. Là, c’est trop brutal. »
À Redon, Fabrice, cuisinier de 52 ans, manifeste pour la première fois
Au cœur du cortège de Redon, qui a réuni 2 200 personnes selon les syndicats, Fabrice, 52 ans, manifeste pour la première fois.
Cuisinier depuis ses 16 ans, il est opposé au report de l’âge de départ à la retraite. « J’ai une carrière longue mais j’ai travaillé trois ans à l’étranger alors je ne sais pas si ce sera comptabilisé comme tel. »
Et puis, un départ à 62 ans lui semble déjà bien tard. « À 52 ans, c’est déjà de plus en plus dur d’assurer à l’heure du coup de feu en cuisine alors dans dix ans… ». Alors il manifeste, pour lui et « pour tous ceux qui ont un travail physique ».
À Saint-Malo, une première grève pour Marina, 50 ans
Elle a prévenu les parents des quatre enfants qu’elle garde à domicile, « et ils ont tous très bien compris ». Marina, 50 ans, Malouine, ne les accueillerait pas, ce jeudi 19 janvier. Une première grève pour l’assistante maternelle, qui n’avait plus jamais manifesté « depuis [ses] années étudiantes, à la fac de Rennes ».
Ce jeudi matin, elle a rejoint les 3 000 manifestants – chiffre donné par les syndicats, contre 2 800 selon la police – et expliqué ses craintes, liées notamment « aux problèmes de santé engendrés par la pénibilité de ce métier, très peu reconnu. Alors reculer l’âge de la retraite, c’est beaucoup trop loin ! J’ai peur de ne pas pouvoir profiter d’une retraite en bonne santé. Je m’inquiète aussi pour mes trois enfants. À quoi auront-ils droit ? 62 ans, c’était déjà beaucoup, mais avec 64 ans, où va-t-on ? »
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À Vitré, Alexandre, 28 ans, s’inquiète pour la pénibilité
Alexandre, 28 ans, est venu manifester pour la première fois de sa vie à Vitré jeudi 19 janvier 2023, aux côtés d’environ 350 opposants à la réforme. Salarié de la Société vitréenne d’abattage (SVA) depuis six ans, il a été sensibilisé par une campagne de tractage menée par la CFDT dans son entreprise.
« Ça m’a motivé, je me suis dit que c’était maintenant qu’il fallait réagir », explique-t-il. Même si la retraite lui semble loin, celui qui travaille au service désossage voit ses « collègues plus âgés qui se plaignent de leur dos. Ce sont des métiers pénibles avec des horaires difficiles. »
À Fougères, Blandine manifeste deux fois dans la même journée
Dans le cortège de Fougères, Blandine manifeste pour la deuxième fois. La première, c’était le matin même, à Rennes. « J’ai défilé avec les collègues », confie cette surveillante de 20 ans qui souhaite devenir professeure des écoles. Première impression ? « C’est convivial. » Et surtout, elle est persuadée que cette mobilisation peut dissuader le gouvernement. Dans la communes, les manifestants étaient 1 000 selon la police, 1 500 selon les syndicats.
Même si sa carrière dans l’Éducation nationale n’a pas encore commencé, Blandine le dit déjà : « Je ne me vois pas travailler jusqu’à 64 ans, c’est un métier qui demande de l’énergie. » Le régime aura le temps de changer d’ici là. Pour l’heure, « je suis surtout là pour soutenir les gens qui doivent bientôt partir à la retraite », précise-t-elle.
Olivier BERREZAI, Laura DANIEL, Hélaine LEFRANÇOIS, Mathilde LE PETITCORPS et Brigitte SAVERAT.