
Depuis 2013, les parents d’élèves de l’école Jules-Ferry, de Plounéour-Ménez (29), ont enchaîné les combats contre la carte scolaire. Entre demandes d’ouvertures de poste et lutte contre les fermetures, ils sont montés au front sept fois. Ils racontent.
« À Plounéour-Ménez, c’est bien simple : c’est sept ans de lutte en dix ans ! » Les parents d’élèves de l’école Jules-Ferry, dans cette petite commune au pied des monts d’Arrée le disent : ils sont « usés et fatigués ». En 2013, ils se sont battus pour l’ouverture d’une filière bilingue. Mais six mois après, début 2014, ils apprennent que l’un des six postes monolingues sera supprimé à la rentrée suivante. Manifestation de nouveau. En vain.
Durant l’année scolaire 2016-2017, ils ressortent banderoles et pancartes pour demander un deuxième poste en bilingue. Qu’ils obtiendront. « Ça a permis d’éviter d’avoir une seule classe qui allait de la maternelle au CE1 ». L’année suivante, c’est de nouveau la douche froide avec la perte d’un autre poste de monolingue. Là encore, forte mobilisation.
En 2020, ils remettent ça pour réclamer un troisième poste en bilingue. Une victoire suivie d’une nouvelle perte, en 2021 : celle du quatrième poste monolingue. « L’année suivante a été à peu près calme. C’est là qu’on a pu mettre en place le décloisonnement, avec du travail en commun et des échanges entre les filières bilingue et monolingue. Ça a fait un bien fou à l’école, aux enfants… »

« Les pancartes prêtes à sortir »
Mais l’accalmie sera de courte durée puisque début 2023, comme une dizaine d’autres écoles dans le Pays de Morlaix, le couperet tombe : un poste est de nouveau menacé, en bilingue, dans cette école de 126 élèves. « On a au fil des ans un effectif qui reste plus ou moins stable, à cinq ou six élèves près. Mais ça suffit pour jouer dans le ratio de l’Éducation nationale… »
On sait que c’est celui qui crie le plus fort et le plus tôt qui a des chances d’être entendu
Ils auraient pu baisser les bras mais c’est sans compter sur la détermination des « irréductibles » comme ils se surnomment. « À chaque fois, les parents se sont mobilisés spontanément. On est hypersolidaires. Et chacun sait ce qu’il doit faire. Nous sommes une petite commune rurale, mais dynamique. Ça doit jouer ! », estiment Maëldan Corre, parent d’élève, et Pauline Lachiver-Kergoat, élue chargée des affaires scolaires. « Les anciens parents d’élèves sont aussi mobilisés. Et les pancartes toujours prêtes à sortir », ajoute Marie Fontanier, ancienne de l’APE.
Se fédérer avec les autres écoles
À « Ploun’», on sait marquer les esprits, avec des actions comme l’installation d’un tracteur et de vieux pneus dans la cour de l’école pour obtenir un rendez-vous… Ou encore des chansons ou des occupations de locaux. « On sait que c’est celui qui crie le plus fort et le plus tôt qui a des chances d’être entendu. Quand on a vu la situation autour de Morlaix cette année, on a décidé de fédérer ! Parce que si on garde notre poste mais que les autres en perdent, ça reste une défaite », expliquent les parents qui ont eu l’idée, deux mercredis de suite, d’installer tables, chaises et tableaux sur la place, devant la mairie de Morlaix.
On ne sait pas où est l’égalité des chances mais en tout cas, elle n’est pas à Plounéour…
« Ils fragilisent toute l’école »
L’humour des actions n’empêche pas le sérieux des arguments. « Quand on annonce une fermeture, le climat est délétère dans l’école.. Les professeurs des écoles « n’en peuvent plus » et pour les enfants, c’est « l’inquiétude ». « Évidemment, tout ça forme leur esprit critique et de citoyen », ironisent-ils. Mais l’enjeu est fort : « Si ça se confirme, on n’aura pas une seule classe à moins de trois niveaux ! Dont une à 28 élèves. Il n’y aura plus de décloisonnement. Des enfants ne pourront pas suivre… Derrière, c’est le collège et le lycée qui se jouent ! », s’inquiète la mère d’élève Annaïck Magnenet. « À cette allure, ils fragilisent toute l’école, aussi bien le monolingue que le bilingue ! »
Ils sont unanimes : « L’État ne donne pas les moyens à l’école. Et encore moins aux petites communes comme chez nous. On ne sait pas où est l’égalité des chances mais en tout cas, elle n’est pas à Plounéour… »
Auteur : Monique Kéromnès