
Alors que le Gouvernement vient d’annoncer une aide de 10 M€ pour soutenir l’agriculture bio en crise, le point sur les réelles attentes du secteur avec Nolwenn Virot, président du Groupement des agriculteurs bio du Finistère.
Conditions climatiques compliquées, désaffection des consommateurs… Quel bilan tirez-vous de cette année 2022 ?
Nolwenn Virot : « On est bien content de la laisser derrière nous ! Les aléas climatiques ont été très impactant (sécheresse, non-saisons…) et on nous a laissés bien seuls. On est touché par l’inflation, qui atteint 12 à 17 % pour nous. On a aussi perdu en prix de vente et en volumes. Résultat, les éleveurs ont tendance à réduire leur cheptel, surtout en porc. La filière lait est particulièrement touchée. Les intermédiaires achètent aussi les légumes bio moins cher que les conventionnels mais ils augmentent leurs marges sur la bio. Ça entretient l’image de la bio plus cher. Et comme les consommateurs veulent maîtriser leur budget, certains ne vont même plus dans les rayons bio… ».
Est-ce que ça conduit certains agriculteurs bio à déclasser leurs produits en conventionnel pour les écouler ?
« On ne l’a pas trop vu même si on soupçonne que ça se fait. Certains types d’exploitations peuvent être mixtes (bio et conventionnel) et en voyant la différence des prix proposés par la coopérative (NDLR : plus élevé parfois en conventionnel selon les produits), ça peut se faire mais on ne le dit pas ».
Est-ce que la filière bio venue de l’étranger aggrave les difficultés ?
« La concurrence bio de l’étranger ne pose pas problème car le local garde le vent en poupe ».
Il faudrait plutôt prévoir un Plan Marshall comme pour la filière du porc
Que demandez-vous au gouvernement ?
« On demande de l’équité. Il y a trois ans, lors de la crise porcine, le gouvernement avait débloqué 270 M€ pour que la filière reste debout. Ça devrait être la même chose pour nous. La Cour des comptes a quand même épinglé l’État pour non-accompagnement de la filière bio et même pour être allé contre elle ! Depuis longtemps, on fait du bio bashing, au niveau des politiques, comme quoi on n’arriverait pas à nourrir le monde. On a déjà montré qu’on sait bien produire et qu’on est beaucoup moins impactés par les politiques françaises à l’internationale car on interdit les intrants. On répond aussi aux enjeux environnementaux : on est moins émetteur de gaz à effet de serre et il y a plus de biodiversité sur nos parcelles.
On demande que la loi Egalim soit réécrite. On devrait avoir 20 % de bio dans les cantines et on n’en est qu’à 6 %. Le label bio ne doit pas non plus être mis au même niveau que les HVE (Hautes valeurs environnementales) qui se contentent de respecter les normes françaises en vigueur avec juste un truc en plus comme avoir une ruche (même sans abeilles) sur l’exploitation ».
Justement, que pensez-vous de l’annonce, mardi, lors du Salon de l’agriculture, d’une possible aide d’urgence de 10 M€ du gouvernement pour les agriculteurs bio en difficulté ?
« Ça ne signifie pas grand-chose tant qu’on ne sait pas à quoi ça va être dédié. Si ça aide à payer les cotisations sociales, c’est reculer pour mieux sauter. Compte tenu du nombre d’agriculteurs bio (1 000 fermes dans le Finistère et 4 000 en Bretagne) et des filières impactées, ça ne va pas tant que ça nous aider. C’est mettre un pansement sur une jambe de bois. Il faudrait plutôt prévoir un Plan Marshall comme pour la filière du porc : financer une bonne structuration de la filière et une communication positive sur la bio plutôt que saupoudrer quelques euros par exploitant ».
Auteur : Karen Jégo