Les poubelles commencent sérieusement à s’entasser dans l’agglomération de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), après une semaine de mobilisation des éboueurs contre la réforme des retraites. Sur le piquet de grève, aux Châtelets, les agents sont déterminés à poursuivre le mouvement.
Ce lundi après-midi, dans la zone d’activité des Châtelets au sud de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), les bourrasques de vents ravivent les flammes dans les braseros qui bloquent le passage aux camions-bennes. Sur le piquet de grève, les agents se réchauffent sur des fauteuils installés autour des feux. « Des gens qui nous soutiennent nous ont amené un canapé ! » Un peu plus loin, une vingtaine de saucisses sont alignées sur le barbecue et deux jeunes grévistes ont entamé une partie de palets.
Les poubelles s’entassent depuis huit jours
Le tas de déchets verts qui bloque l’accès du centre technique et logistique des déchets (CTLD) a bien grossi. De quoi alimenter les feux durant plusieurs jours. « En 2010, lors de la réforme des retraites de Sarko, on a tenu trois semaines, explique un quinquagénaire. On est prêts à faire pareil ! » C’est de ce centre que sortent la plupart des camions-bennes qui collectent les poubelles en porte-à-porte dans les communes de Saint-Brieuc Armor Agglomération.
De Pordic à Plœuc-L’Hermitage, en passant par Quintin, Hillion, Ploufragan ou Langueux, les déchets ne sont donc plus ramassés depuis une semaine. Les sacs noirs s’empilent au-dessus des bacs, notamment dans le centre-ville de Saint-Brieuc. « Je ne supporte pas quand l’on nous dit que l’on prend les citoyens en otage, s’agace Jean-Stéphane Le Fèvre, délégué CGT. Les gens sont favorables à la mobilisation ! »
Les ripeurs devront partir à 57 ans
L’agglo briochine est concernée par ce blocage au même titre que Paris, Le Havre, Nantes ou encore Antibes. Pourquoi cette profession se mobilise-t-elle autant ? Yann, chauffeur-ripeur à Saint-Brieuc, explique : « À 55 ans, un ripeur pur (l’agent qui manipule les bacs à l’arrière du camion, NDLR) est déjà bien usé. La réforme nous rajoute deux ans supplémentaires. » S’ils bénéficient d’un départ à la retraite plus tôt en raison de la pénibilité du travail, ils ne se voient pas aller jusqu’à 57 ans. « En plus, depuis quelques mois, l’Agglo a divisé par deux le nombre de collectes des ordures ménagères. On collecte des bacs deux fois plus lourds », ajoute l’agent.
Ce lundi matin, les grévistes ont voté la reconduction de la grève. Ils sont motivés pour la poursuivre jusqu’à la fin de la semaine. Le dialogue avec la direction de l’Agglo se passe plutôt bien. « Nous respectons la grève du personnel », commente Rémy Moulin, vice-président de l’Agglo en charge de la collecte des déchets. L’élu communiste reconnaît qu’une « certaine lassitude » commence à gagner les habitants : « Les agents d’accueil qui prennent les appels téléphoniques le ressentent. »
Un service minimum depuis vendredi
Vendredi, la direction a négocié avec la CGT la sortie de trois camions-bennes et d’une polybenne (qui permet de soulever les conteneurs dans les points collectifs) pour faire des tournées « urgentes » chez de gros producteurs de déchets : grands immeubles, établissements de santé… Une sorte de service minimum, mais pas de porte-à-porte. Les grévistes ont dit oui. « À tour de rôle, des chauffeurs grévistes viennent même donner un coup de main, explique l’un d’eux. Il n’y a pas assez de personnel non-gréviste pour remplir les camions ! » Dans ce service d’une centaine d’agents, 31 étaient déclarés grévistes lundi sur l’équipe de 43 qui était au planning. « Nous avons beaucoup de contractuels qui peuvent difficilement faire grève. »
Si la grève s’arrête en fin de semaine, la collecte ne reprendra pas son rythme normal de sitôt. Il faudra plusieurs jours pour évacuer les centaines de tonnes de poubelles accumulées dans les bacs et conteneurs.
Auteur : Thibaud GRASLAND.