États-Unis : exemple de la barbarie capitaliste, le taux de mortalité maternelle monte en flèche. ( WSWS – 18/03/23 )

Selon un nouveau rapport des CDC (Centres de contrôle et prévention des maladies), les décès maternels ont augmenté de 40  pour cent aux États-Unis en 2021, dernière année de statistiques disponibles. Leur nombre est passé de 754 en 2019 à 861 en 2020, et à 1.205 en 2021. Le taux de décès maternels, qui s’élève à près de 32 pour 100.000  naissances, est revenu à son niveau de 1965, soit une stupéfiante régression de plus d’un demi-siècle.

Les femmes accouchant aujourd’hui aux États-Unis ont près de quatre fois plus de risques de mourir au moment de l’accouchement que leurs mères. Le taux de mortalité maternelle avait atteint son plus bas niveau historique de 6,6 pour 100.000  naissances en 1987. Il est resté en-dessous de 10 de 1978 à 2002, puis a monté régulièrement, doublant en 2017, avant de monter en flèche durant la pandémie, doublant presque à nouveau.

Ces chiffres – tirés d’un rapport publié jeudi par le Centre national des statistiques de santé – une unité des CDC, sont un réquisitoire contre le capitalisme américain et un système de santé basé sur le profit, qui refuse à des millions de femmes un traitement médical prénatal et postnatal adéquat, simplement parce qu’elles sont pauvres ou n’ont pas d’assurance maladie.

Les États-Unis n’ont pas seulement la pire performance des nations industrialisées en fait de mortalité maternelle, la disparité avec les autres nations est énorme. Les femmes accouchant aux États-Unis risquent quatre fois plus de mourir qu’en Allemagne, en France ou en Grande-Bretagne, et dix fois plus qu’aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves. Elles ont deux fois plus de risques de mourir qu’en Chine. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), ces disparités sont antérieures à la pandémie de Covid. Aux États-Unis, ce taux de mortalité a augmenté de 78  pour cent entre 2000 et 2020, alors qu’il a baissé dans la plupart des autres pays.

Les causes particulières de décès sont variées, selon le CDC, mais la majorité sont d’origine cardiovasculaire: cardiomyopathie (maladie du muscle cardiaque), 11 pour cent; caillots sanguins, 9 pour cent; hypertension artérielle, 8 pour cent; AVC, 7 pour cent; autres affections cardiaques, 15 pour cent. Les infections et les hémorragies post-partum représentent 24 pour cent, tandis que les problèmes de santé mentale comme les overdoses de médicaments et la dépression post-partum menant au suicide, sont également des facteurs.

Mais ce sont les causes sociales de décès qui sont le principal problème. Selon des estimations du CDC et d’autres autorités sanitaires, 80  pour cent des décès maternels peuvent être évités grâce à un traitement approprié. De nombreuses femmes enceintes cependant, et encore plus de femmes dans les semaines et les mois suivant l’accouchement, ne reçoivent pas de traitement adéquat.

Ce manque de soins a deux causes principales. Les femmes des zones rurales vivent souvent dans des «déserts obstétriques», c’est-à-dire à plus de 25  milles [40km] d’une maternité. Selon le CDC, quelque 2  millions de femmes en âge de procréer vivent dans de telles conditions. Une situation fortement exacerbée par la décimation des soins de santé en milieu rural dans les dernières décennies où des centaines d’hôpitaux et de centres médicaux ruraux, généralement plus petits et mal financés, ont dû fermer.

Bien plus significatifs encore sont la hausse générale dans toute la société américaine de la pauvreté et de l’isolement social qui en découle. Cela au point que des femmes des villes et des banlieues vivant à quelques kilomètres ou même à quelques pâtés de maisons d’un hôpital bien équipé ou d’un prestataire de soins qualifié, sont incapables de recevoir les soins dont elles ont besoin parce qu’elles n’ont pas d’assurance maladie et ne peuvent pas en assumer le coût.

Ces deux facteurs contribuent à des statistiques bien pires que la moyenne dans les États du Sud aux populations rurales pauvres, comme la Louisiane, la Géorgie, l’Alabama, l’Arkansas, le Mississippi et le Texas. La pauvreté et les inégalités sont clairement les facteurs prépondérants dans un État fortement urbanisé comme le New Jersey, dont le revenu par habitant est l’un des plus élevés des 50 États mais qui a le quatrième plus fort taux de mortalité maternelle.

Le CDC et d’autres organismes ont mis l’accent sur les disparités raciales en matière de mortalité maternelle, et celles-ci sont importantes. Le taux de mortalité maternelle des femmes noires est de 69,9 pour 100.000  naissances, contre 26,6 pour les femmes blanches et 28 pour les femmes hispaniques. Les femmes amérindiennes et les autochtones de l’Alaska ont un taux de mortalité supérieur à 50, et 90 pour cent de leurs décès sont considérés comme évitables.

Une femme enceinte fait la queue pour acheter des produits alimentaires avec des centaines d’autres personnes lors d’une collecte de nourriture organisée par Healthy Waltham pour les personnes dans le besoin en raison de l’épidémie de COVID-19, à l’église Sainte-Marie de Waltham, dans le Massachusetts (AP Photo/Charles Krupa).

Les allégations de ‘‘racisme systémique’’ n’expliquent toutefois pas pourquoi, si l’on ne tenait compte que des femmes blanches, les États-Unis resteraient, pour la mortalité maternelle, le pays le plus mal loti des pays industrialisés et trois fois plus mal loti que n’importe quel pays d’Europe occidentale. Le taux de mortalité des femmes blanches aux États-Unis est équivalent à celui des femmes chinoises, qui vivent dans un pays encore marqué par une pauvreté massive, en particulier pour des centaines de millions de personnes des zones rurales.

Il est également vrai que durant la pandémie de Covid, la mortalité maternelle a augmenté plus rapidement pour les femmes blanches et hispaniques que pour les femmes noires, dont le taux de mortalité pendant la grossesse, l’accouchement ou l’année qui suit était déjà désastreux.

Comme c’est le cas pour de nombreux indices sociaux aux États-Unis, on ne relève tout simplement pas la répartition par classe sociale. Mais il ne fait guère de doute qu’il existe une corrélation directe entre le revenu et la mortalité maternelle. Les mères de l’élite dirigeante ne meurent en couches que dans des circonstances vraiment exceptionnelles, en cas de complications extrêmes ou inédites que même les meilleurs soins disponibles ne peuvent résoudre.

L’effet des disparités de revenus est encore exacerbé par la politique sociale réactionnaire des États et du gouvernement fédéral. Medicaid, le programme conjoint du gouvernement fédéral et des États, qui fournit une assurance maladie aux familles à faibles revenus, abandonne 60  jours après l’accouchement la couverture élargie pour les femmes enceintes, bien que les médecins préconisent une période bien plus longue de soins et de surveillance.

La politique Covid du «laisser-sévir» des gouvernements Trump et Biden a aggravé cette crise. Les femmes enceintes, en particulier si non vaccinées, courent un risque bien plus fort de maladie grave si elles contractent le coronavirus. De plus, la persistance de la pandémie, dû au rejet de tout effort sérieux pour la supprimer, signifie que les établissements de soins de santé sont submergés par ceux malades du Covid, réduisant les ressources disponibles pour les traitements non urgents comme les soins aux femmes enceintes ou post-accouchement.

La négligence systémique à l’égard des femmes pauvres et de la classe ouvrière risque d’être considérablement exacerbée par les conséquences barbares de la campagne fasciste menée contre le droit à l’avortement. Dans des conditions où la grossesse devient de plus en plus dangereuse, l’ultra-droite cherche à obtenir de nouvelles lois et mesures pour imposer la grossesse forcée, même pour les femmes confrontées à des dangers significatifs pour leur santé.

Dans les mois qui ont suivi l’annulation par la Cour suprême de l’arrêt ‘‘Roe contre Wade’’ et le retrait aux femmes du droit constitutionnel d’interrompre une grossesse, des dizaines d’États ont adopté des lois interdisant ou restreignant les avortements ou les rendant plus difficiles à obtenir.

La dernière salve juridique en date est une tentative d’imposer une interdiction nationale de la vente du médicament mifépristone, un élément clé du régime à deux pilules qui représente la moitié de tous les avortements aux États-Unis.

Les conséquences barbares de la médecine à but lucratif s’entrecroisent ici avec la barbarie délibérée d’une vision sociale qui remonte à l’époque où les femmes devaient rester «pieds nus et enceintes».

La montée en flèche du taux de mortalité maternelle est un signal d’alarme politique pour la classe ouvrière. La crise du capitalisme menace l’humanité des plus désastreuses conséquences, et ce jusque dans la fonction sociale la plus élémentaire, la reproduction. Seule la classe ouvrière se battra pour une politique vitalement nécessaire pour garantir une grossesse et un accouchement sûrs et sains, ainsi que par la suite un soutien social à la mère, à l’enfant et à toute la famille. Cela devra inclure non seulement des soins médicaux gratuits et de pointe, mais encore une aide au revenu pendant la grossesse et un congé de maternité et de paternité rémunéré après celle-ci.

(Article paru d’abord en anglais le 17 March 2023)

Auteur : Patrick Martin

Source : États-Unis : exemple de la barbarie capitaliste, le taux de mortalité maternelle monte en flèche – World Socialist Web Site (wsws.org)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *