Les trois sites du groupe Suez qui assurent la collecte des ordures ménagères sur la métropole rennaise sont bloqués depuis le 13 mars 2023. Reportage sur le piquet de grève de Chartres-de-Bretagne.
Une tente rose, aux logos du syndicat Sud Solidaires, quelques palettes et des pneus, un brasero : le piquet de grève devant le centre de collecte des déchets à Chartres-de-Bretagne n’a rien d’impressionnant lundi 27 mars 2023.
Et pourtant, le blocage des trois sites du groupe Suez dure depuis le 13 mars, avec pour conséquence l’arrêt du ramassage des poubelles dans la métropole rennaise.
En journée, il suffit de deux ou trois personnes en permanence. Le soir, l’assemblée est plus nombreuse. « On a projeté un documentaire sur les Gilets jaunes, dimanche soir, c’était hyper intéressant », raconte Hélène, 41 ans.
Syndiquée chez Sud, elle alterne les journées de grève et de travail. Elle s’apprête à passer sa deuxième nuit consécutive devant le portail du centre de collecte et profite du rayon de soleil pour réparer le moteur de sa voiture.
Blocage de soutien
À ses côtés, Hervé participe lui aussi pour la première fois à un piquet de grève. « Je découvre cette facette du syndicalisme, cet aspect très social. » Ce quinquagénaire a entendu l’appel à participer aux blocages lancé par la Maison du peuple, à Rennes. Depuis, il se greffe aux actions et aux manifestations.
Présent à Chartres-de-Bretagne plusieurs fois par semaine depuis quinze jours, Hervé se souvient de la soirée du 49-3, le 16 mars. « On a regardé ça tous ensemble sur un téléphone, ça râlait comme un soir de Coupe du monde et on est tous restés, pour tenir le bocage toute la nuit. »
Dans la journée, il s’agit de noter scrupuleusement les immatriculations des rares camions qui sortent du site – pour aller faire leur entretien mécanique dans le garage en face. Pas question que la collecte redémarre. Hervé et Hélène discutent tranquillement avec les salariés en gilet orange. « Aucun d’entre eux ne veut travailler jusqu’à 67 ans », assurent-ils.
À peine quelques chefs auraient protesté au début du blocage selon eux. « Les salariés nous soutiennent, certains sont en grève, mais beaucoup sont embauchés comme intérimaires donc ils ne peuvent pas le faire. » Une sorte de grève par procuration, lancée par l’intersyndicale rennaise.
« Un piquet pour se réinventer »
« Bloquer le ramassage des ordures, c’est une action à la portée symbolique forte : ça permet de rendre visible un métier particulièrement exposé si la réforme est mise en œuvre », explique Hélène.
C’est aussi une action visible, que les habitants constatent au quotidien. « Lors de ma première nuit ici, on était trois et on avait un impact sur toute la métropole », s’étonne encore Hervé.
Tous deux soulignent la qualité des rencontres, des échanges et du soutien reçu. Le matin même, quelqu’un a déposé un camping-gaz, pour assurer des repas chauds. « Un blocage qui dure permet aux gens de venir le soir ou le week-end, même s’ils ne peuvent pas être en grève », note Hélène.
La quadragénaire savoure ce moment où elle peut « se réinventer, hors du temps de travail salarié ». Sous la tente, les discussions dépassent vite la réforme des retraites, pour s’attaquer au rapport au travail, à la société de consommation. « On n’a plus de lieu où se rencontrer à Rennes, mais on le recrée un peu sur les piquets, poursuit Hervé, c’est très riche comme expérience. »
Auteur : Ambre LEFÈVRE.