Que s’est-il passé au congrès confédéral de la CGT ? (IO.fr-5/04/23)

Les 942 délégués au Congrès de la CGT réunis à Clermont-Ferrand, du 27 au 31 mars

Des millions de salariés et de syndiqués, la jeunesse, la population se sont engagés dans le combat pour obtenir le retrait de la réforme Macron-Borne. C’est dans cette situation que le 53e congrès confédéral de la CGT s’est tenu. L’exécutif de Macron espérait un tout autre dénouement.

  • LES ENJEUX

Il y a un an, le 31 mai 2022, Philippe Martinez proposait à la commission exécutive confédérale de la CGT le nom de Marie Buisson pour lui succéder au 53e congrès. La secrétaire générale de la fédération de l’Education, de la Recherche et de la Culture (Ferc) devait incarner le tournant « écologique et féministe » voulu par le secrétaire général de la confédération.

Depuis un an déjà, avant même d’être intronisée par Philippe Martinez pour lui succéder, Marie Buisson représentait la CGT au sein du collectif « Plus jamais ça », participation qui n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque discussion au sein du comité confédéral national (CCN1).

C’est cette absence de débat dans les instances, le fonctionnement du noyau dirigeant de la confédération, qualifié de vertical et dirigiste par de nombreux cadres de l’organisation, qui ont largement animé la préparation du congrès.

Tout semblait fait pour que l’élection de Marie Buisson au congrès de Clermont-Ferrand soit une formalité.

C’était sans compter sur les syndicats et les syndiqués, dont une déléguée au congrès résume l’état d’esprit de la plupart d’entre eux : « On a appris, comme ça, que Marie Buisson devait succéder à Martinez. On s’est dit : nous, on ne sert rien. Personne ne nous demande notre avis. Alors on a décidé de voter contre le rapport d’activité et Marie Buisson. »

Une claque au « Plus jamais ça »

C’était sans compter, aussi et surtout, sur l’irruption de millions de salariés et de syndiqués qui se sont massivement engagés dans le combat pour obtenir le retrait de la réforme des retraites depuis le 19 janvier et qui cherchent à se réapproprier leur CGT pour faire reculer Macron par la grève, les manifestations et les blocages.

Un an après, le scénario prévu n’a pas eu lieu. Le rapport d’activité est rejeté par 50,32 % des voix. Le congrès vote la sortie du collectif « Plus jamais ça » et intègre à son document d’orientation de nombreux amendements réclamés par les syndicats. Marie Buisson laisse la place à Sophie Binet et à un bureau confédéral largement remanié.

Les militants de la CGT restent fidèles à leurs fondamentaux et concentrés sur un objectif : le retrait de la réforme des retraites.

  • LE DEROULEMENT 

La première séance du congrès confédéral s’est ouverte sur la mise en place des différentes commissions. Le bureau du congrès et la commission des amendements au document d’orientation ont été élus en intégrant en leur sein des délégués volontaires comme il est de tradition dans la CGT.

En revanche, la direction sortante a voulu imposer l’élection de la commission « mandats et votes » sans y adjoindre de délégués, contrairement aux demandes de la salle. Devant le tollé provoqué par le refus de compter les votes à main levée, la salle a imposé le décompte des votes et sa volonté de démocratie. Il aura également fallu que 150 délégués envahissent la tribune du congrès pour imposer le retrait d’une disposition antistatutaire du règlement intérieur visant à limiter la possibilité pour les délégués de rajouter un nom de leur choix à la liste des candidats à la commission exécutive confédérale, et pour imposer le décompte des voix lors du vote de ce règlement. Un épisode qui a marqué toute la suite du congrès et manifesté l’attachement indéfectible près de 1 000 délégués à la démocratie syndicale.

Rejet du rapport d’activité

Marie Buisson a ensuite prononcé un long discours d’ouverture, applaudi timidement, sauf lorsque furent évoqués le refus de la répression et de la réforme des retraites de Macron-Borne.

Après avoir participé à la manifestation du 28 mars à Clermont-Ferrand, le congrès a engagé le débat sur le rapport d’activité. Les délégués, qui ont entendu Philippe Martinez reprendre à son compte la proposition de Laurent Berger d’une médiation dans le conflit contre la réforme des retraites, abordent la séance avec méfiance, voire colère. En définitive, seuls 16 délégués pourront intervenir sur 48 demandes de prise de parole. Une déléguée de la fédération de l’énergie a réaffirmé l’opposition de la fédération de l’énergie à la participation de la CGT au collectif « Plus Jamais ça » mise en œuvre sans débat ni décision collective et dénoncé le référendum d’initiative partagée (Rip), « totalement contradictoire avec la grève qui a été reconduite depuis le 7 mars et avec le blocage économique que les salariés, avec nos syndicats CGT, continuent de mettre en œuvre sans lâcher ». Rip pourtant défendu par Marie Buisson. 

Les interventions défendant le bilan de la direction furent inaudibles et sans conviction.

Au point que le rapport d’activité fut rejeté par 50,32 % des voix, une première dans l’histoire de la CGT depuis 1945. S’est ensuite engagée la discussion sur le document d’orientation du congrès. Là encore, de nombreux délégués inscrits ne pourront prendre la parole et beaucoup demanderont qu’un temps plus important soit consacré aux débats.

Un large éventail de délégués est revenu sur les luttes en cours dans leurs secteurs pour l’augmentation des salaires, la défense des emplois et des services publics, le refus de la réforme des retraites, saluant leurs collègues mobilisés.

La plupart des délégués de la Ferc qui sont intervenus dans les débats n’ont mentionné à aucun moment la politique des ministres Blanquer ou Ndiaye, ni la réforme du baccalauréat, l’offensive contre les lycées professionnels, l’apprentissage ou ParcourSup. Conformément à la ligne incarnée par Marie Buisson, ils ont concentré leurs interventions sur des sujets sociétaux comme « Plus Jamais ça », l’environnement ou le féminisme pris comme une catégorie spécifique sans aucun lien avec les revendications syndicales.

La direction sortante battue sur de nombreux amendements significatifs

Toutefois, le débat sur le document d’orientation fut marqué par l’adoption de nombreux amendements en commission et surtout en séance plénière.

– La défense des conventions collectives et des régimes spéciaux de retraite a été réintroduite dans le document.

– Les services publics et le statut des fonctionnaires, dont l’absence dans le projet de document avait été reçue avec beaucoup d’agacement, ont également été rajoutés.

– La réintégration des soignants suspendus figurait dans les revendications de la fédération CGT santé et action sociale depuis longtemps. Philippe Martinez et Marie Buisson n’en voulaient pas, mais les délégués votent pour l’amendement à 90 %.

– Les délégués ont également imposé que l’ouverture de la CGT à des forces non syndicales se fasse dans le strict « respect de nos repères revendicatifs et de l’indépendance et des prérogatives de chacun ». Toutefois, cela ne suffisait pas.

Les délégués ont voté un amendement pour que la CGT mette fin à sa participation au collectif « Plus Jamais ça » dont certaines orientations sont contradictoires à celles de la CGT.

– Le projet d’unification syndicale avec la FSU et Solidaires a été rejeté et supprimé du document d’orientation au profit de l’unité syndicale.

– La proposition de « carte syndicale permanente » ouvrant la voie à la collecte des cotisations directement par la confédération et à une remise en cause du fédéralisme a également été rejetée par une majorité de délégués.

Bien que l’ensemble des amendements n’aient pas pu être débattus par les délégués qui souhaitaient les défendre en séance plénière, le projet de document d’orientation, renforcé par la suppression de paragraphes contestés et le rajout des principales revendications portées par les syndicats, a été adopté par 72 % des voix.

  • CE QUI SORT DE CE CONGRES

Tard dans la nuit du jeudi 30 au vendredi 31 mars, le CCN a invalidé le bureau confédéral proposé par Marie Buisson, dont la candidature à la commission exécutive confédérale n’a recueilli que 57 % des voix. En définitive, c’est un bureau confédéral dirigé par Sophie Binet qui a été élu par 64 voix pour, 39 contre et 11 abstentions. Il est composé de Laurent Brun (fédération des cheminots), administrateur, Sébastien Menesplier (fédération de l’énergie), Gérard Ré (Alpes-Maritimes), Mireille Stivala (fédération de la santé), Céline Verzeletti (bureau confédéral sortant), Nathalie Bazire (Manche), Catherine Giraud (Vienne), Boris Plazzi (bureau confédéral sortant) et Thomas Vacheron (commission exécutive sortante).

Tirant le bilan du mandat qui lui était donné par le congrès confédéral, la nouvelle secrétaire générale élue réaffirmait dans son discours de clôture : « Notre congrès est avant tout un message fort au gouvernement, au patronat et à Emmanuel Macron : nous ne lâcherons rien ! A commencer par notre exigence de retrait ! Il n’y aura pas de trêve, il n’y aura pas de suspension, il n’y aura pas de médiation ! On gagne le retrait de cette réforme des retraites ! On ne reprendra pas le travail tant que cette réforme ne sera pas retirée ! (…) »

Le jour même de l’élection du bureau confédéral, la presse a fait part de ses inquiétudes : « En réalité, l’arrivée de Sophie Binet est “une très mauvaise nouvelle pour le gouvernement”, analyse Maxime Quijoux. Selon lui, l’exécutif  “pariait sur les divisions de la CGT pour faire prospérer la stratégie du pourrissement (…)” . » (Franceinfo)

Les Correspondants d’IO

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/04/05/que-sest-il-passe-au-congres-confederal-de-la-cgt/

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