
Par Carla BOULBOULLE
Dans une puissante vague de grèves, les salariés du secteur public fédéral et communal se soulèvent pour la défense de leur salaire réel, contre la guerre sociale menée par le gouvernement. Ils exigent 10,5 % d’augmentation de salaire.
Plus de 500 000 des 2,5 millions d’employés du secteur public ont fait grève ces dernières semaines et ont participé à des actions de lutte, à l’appel de leur syndicat Ver.di, qui vient de gagner 70 000 nouveaux membres, en particulier des jeunes, un chiffre jamais atteint depuis 40 ans. Les grévistes ont été soutenus par une grande partie de la population.
En mars, environ 100 000 des 160 000 employés de la Poste ont fait grève pour une augmentation de salaire de 15 %. Lors d’un vote, 86 % ont voté pour une grève à durée indéterminée.
Le 27 mars dernier, une grande grève à l’appel conjoint de Ver.di et du syndicat des cheminots EVG (pour une augmentation de 12 % des salaires et au moins 650 euros par mois) a paralysé de larges secteurs des infrastructures de transport : transports publics de proximité, circulation des trains, aéroports, ports et autoroutes.
Des grèves pour les salaires réels
Dans les hôpitaux, les écoles… les employés se mobilisent également dans des grèves contre la politique d’austérité du gouvernement Scholz (coalition entre le SPD, le FDP et certains Verts). Des milliers de médecins des hôpitaux communaux se sont mis en grève et ont manifesté les 21 et 22 mars dans huit Länder, principalement pour les revendications suivantes : « plus de personnel ! », « de meilleures conditions de travail » et un « rattrapage de l’inflation ». « Plus de personnel », c’est aussi pour cela que les enseignants font régulièrement grève et manifestent.
Sur les banderoles, on lit souvent la revendication suivante : au lieu des centaines de milliards pour l’armement de guerre – des centaines de milliards pour la défense du pouvoir d’achat, pour les hôpitaux, les crèches… !
A titre de comparaison, selon les indications des employeurs (gouvernements fédéral et des communes), la satisfaction de la revendication salariale de Ver.di coûterait 15,4 milliards d’euros. L’augmentation de l’aide de guerre à l’Ukraine d’au moins 15 milliards est en revanche déjà fermement planifiée par le ministre fédéral des Finances (membre du FDP).
Le 30 mars, les négociations salariales pour le secteur public ont échoué. Les employeurs ont refusé de compenser l’inflation. Leur offre : 8 % d’augmentation de salaire et une prime unique de 3 000 euros, avec une durée de validité de l’accord de deux ans. Selon le ministre fédéral de l’Intérieur, Faeser (membre du SPD), « il s’agit quand même de l’argent des contribuables ». Cela signifierait la consécration d’une nouvelle baisse des salaires réels.
Il faut rappeler que le résultat de l’accord salarial de la Poste qui vient d’être conclu par la direction de Ver.di, après une augmentation salariale de seulement 5 % depuis fin 2020, perpétue une baisse du salaire réel pour les employés. Comme lors de la négociation collective de la fonction publique des Länder en 2021, les gouvernements fédéraux ont imposé aux salariés une baisse sensible du salaire réel et une perte de pouvoir d’achat.
La pression exercée par le gouvernement fédéral (actionnaire principal de la Poste) sur la direction de Ver.di pour qu’elle modère les salaires a cette fois encore porté ses fruits : « les temps de guerre ne seraient pas des temps de revendications ».
Le « cadeau empoisonné »
La conclusion précipitée de l’accord à la Poste a dû être imposée avant tout parce que la large mobilisation dans le cadre de la négociation collective de la fonction publique fédérale et des communes menaçait de se combiner avec les grèves de la Poste extrêmement fortes jusqu’alors. Les collègues ont parfois réagi avec stupéfaction à l’acceptation de l’offre patronale par la direction de Ver.di. Surtout au fait que la direction de Ver.di ait cédé sur le paiement d’une prime unique, le « cadeau empoisonné du gouvernement fédéral » (le chef de Ver.di, Frank Werneke).
En effet, les primes uniques ne compensent pas l’augmentation du coût de la vie, pillent les caisses sociales et servent à démanteler les conventions collectives nationales. Finalement, la direction de Ver.di à la Poste a imposé l’accord en dépit de la forte opposition de 38,3 % des collègues de Ver.di.
Ce mécontentement difficile à ignorer a sans doute incité la direction de Ver.di à rejeter l’offre patronale (gouvernementale) de 8 % d’augmentation de salaire et de 3 000 euros de prime unique sur une période de deux ans dans le secteur public, car les pertes salariales réelles subies depuis 2021 ne seraient ainsi nullement compensées.
Le fait que les gouvernements communaux s’opposent avec un acharnement particulier à l’augmentation salariale demandée a une raison : exsangues et au bord de la ruine à cause des charges financières que le gouvernement fédéral leur impose, ils ne voient aucune marge de manœuvre pour financer les salaires de leurs employés. La politique d’austérité imposée par le gouvernement fédéral dicte une réduction drastique des coûts salariaux.
L’offre des employeurs a attisé la colère et la combativité de nombreux collègues. C’est particulièrement vrai pour les employés des hôpitaux. Après avoir poussé la majorité des hôpitaux publics dans une situation où leur existence est menacée, le gouvernement fédéral leur promet maintenant qu’ils pourront réduire les salaires jusqu’à 6 % par le biais d’une convention collective d’urgence (situation d’urgence économique). C’est un nouvel exemple de la destruction de la convention collective nationale acceptée par la direction du syndicat.
Les employés de la fonction publique préparent maintenant, par le vote sur le résultat des négociations, la mise en route d’une grève jusqu’à satisfaction des revendications. Par leur énorme disponibilité à faire grève, ils montrent qu’ils ne sont pas prêts à se soumettre à un nouvel accord salarial qui suit les diktats brutaux du gouvernement fédéral en matière d’économies et de dumping salarial.
Après la manifestation des 50 000 le 25 février contre la politique de guerre et de destruction sociale du gouvernement Scholz, cette vague de grèves renforce le choc entre de larges couches de la classe ouvrière et la politique du gouvernement ; la volonté de la majorité de la population d’en finir enfin avec cette politique gouvernementale.
Carla Boulboullé
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/04/11/allemagne-puissante-vague-de-greves-dans-tout-le-pays/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/allemagne-puissante-vague-de-greves-dans-tout-le-pays-io-fr-11-04-23/