
Juste après l’annonce de la décision du conseil constitutionnel, 3 500 personnes sont descendues dans les rues de Nantes, ce vendredi soir 14 avril. Pour dire leur opposition à la réforme des retraites.
Les larmes qui roulent dans ses yeux. Elle s’en excuse. Ne comprend pas trop ce bourdon qui la gagne, là, d’un coup, alors qu’elle défile cours des Cinquante-Otages, à Nantes, au milieu de 3 500 manifestants opposés à la réforme des retraites. « Une décision du conseil constitutionnel, ça ne doit pas mettre dans un tel état, non ? »
En ce vendredi soir 14 avril, Gabrielle, 29 ans, réfléchit à voix haute, en marchant vers la préfecture. « Je vais bien. Suis architecte. Je gagne bien ma vie. Cette réforme des retraites, ça ne changera pas grand-chose pour moi. Mais… » Elle s’arrête. Et lâche : « Je vois ma mère, cadre infirmière, en burn-out total. Et mon père, tailleur de pierre, avec une tendinite hyper douloureuse. Tout ça me mine… »
Huit manifestations à son compteur, sans être syndiquée, elle espère encore « un miracle ». Vœu pieux ? « Peut-être… Mais je continuerai. »
Catherine, 61 ans, employée du ministère de l’Agriculture, ne compte pas remiser sa colère seule chez elle. Elle reviendra battre le pavé avec son drapeau de l’Unsa. Même si, ce soir, elle est « sonnée ».
« Mépris considérable »
En attendant, elle parle de « mépris considérable ». Sa camarade Christine opine. Et cette femme, 68 ans, agente technique d’établissement scolaire, désormais à la retraite, de renchérir : « Il y aurait des petites manifs de rien du tout… Mais quand il y avait moins de monde, il y avait encore beaucoup de monde. »
« On n’arrête pas un mouvement si profond, estime Aymeric Seassau, adjoint communiste à la Ville de Nantes. Je crois à la détermination des travailleurs. » Les leaders syndicaux clament leur ténacité. Non loin de là, Jean Brunacci, ancien leader de Solidaires à Nantes, de toutes les manifs depuis 1968, maugrée : « Il ne faut pas que la mobilisation s’éteigne. Mais ça va être compliqué. Il y aura le 1er mai, et après ? »
« Une colère profonde »
« Il y a une colère profonde, estime Hélène Defrance, prof à la retraite, militante à Lutte ouvrière. La classe ouvrière et les chômeurs commencent à relever la tête. » Jean-Pierre, lui, la baisse. Il est désespéré. Prof de maths, 54 ans, sympathisant socialiste « désorienté », il ne voit « que des poings, plus de roses ». Il craint « une radicalisation du mouvement, car nos mômes n’ont plus d’espoir ».
À une trentaine de mètres, au bout du cours des Cinquante-Otages, des jeunes cassent des vitres d’aubette. Allument des feux de poubelles avec des bombes aérosol. D’autres envoient des bouteilles sur les vitres de la préfecture. Et allument un feu à l’entrée du parking du Département, dont la majorité de gauche est pourtant opposée à la réforme.
Les slogans s’évanouissent. Laissent place au bruit des grenades lacrymogènes. Place de la Duchesse-Anne, une barricade de poubelles incendiées éclaire la nuit. Retour au miroir d’eau, la très grande majorité des manifestants s’en vont. Reste environ 300 personnes, la plupart cagoulés de noir. Suivent des affrontements avec CRS.
De retraite, de pénibilité, de conseil constitutionnel, on ne parle plus. « À Emmanuel Macron de choisir s’il veut être le président du chaos », lance Aymeric Seassau.
Jean-François MARTIN
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