Loi de Programmation militaire : Macron précise « les orientations de la politique de défense française »(IO.fr-23/04/23)

Des soldats français en exercice, le 10 mars, à Cahors

Par Tamara ROSSI

En pleine crise politique, le gouvernement a présenté son projet de loi de programmation militaire (2024 à 2030) le 4 avril. Ce projet de loi vise à préciser « les orientations de la politique de défense française pour les sept prochaines années ». De quoi s’agit-il ?

Ce projet s’appuie sur la revue nationale stratégique (RNS) rendue publi-que le 9 novembre 2022, qui « tire les enseignements de l’évolution, depuis la précédente réalisée en 2017, d’un contexte géopolitique instable et imprévisible, marqué par le retour d’une guerre de haute intensité sur le sol européen, les crises sanitaire et climatique, une interdépendance profonde entre scènes nationale et internationale, dans les domaines politiques, énergétiques et économiques notamment. »

Ce contexte « instable », c’est la guerre en Ukraine, les guerres ailleurs dans le monde, les crises dont le système capitaliste est à l’origine. Et donc, d’entrée de jeu, l’option évidemment ici présentée pour faire face à ce « contexte instable », les massacres de population, des millions de morts, de réfugiés fuyant la guerre…, conséquences de la politique impérialiste de guerre, serait de l’alimenter encore davantage…

Et pour aider à résoudre les « crises climatiques », on propose donc des chars, des armes, des avions de chasse qui sont parmi les engins les plus pollueurs au monde.

On va soigner les virus des « crises sanitaires » non en formant des médecins et des infirmiers, mais en augmentant les effectifs de militaires ! C’est bien connu, ils sont plus compétents que les hospitaliers !

La France subordonnée aux exigences de l’Otan… en Ukraine et « dans de nouveaux espaces de conflictualité »

Le projet de loi parle de « l’autonomie stratégique de la France », mais, dans la même phrase, revient sur le lien avec l’Otan : « Assurer nos engagements au titre de notre statut d’allié de l’Otan et de membre de l’Union européenne et faire de la France une puissance d’équilibres. »

Quelle autonomie ? Il n’y en a aucune, puisque c’est l’Otan qui dicte ce que les gouvernements doivent adopter comme budgets.

Lors du sommet de 2014 au Pays de Galles, les vingt-huit Etats membres de l’Otan se sont engagés à consacrer au moins 2 % de leur Pib aux dépenses militaires à l’horizon 2024. La France s’exécute avec ce projet de loi, où l’on retrouve, dans l’article 2, « l’objectif de porter l’effort national de défense à hauteur de 2 % du Pib à compter de 2025, ainsi que les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2035 ». « Ces ressources représentent 400 milliards d’euros courants de crédits budgétaires, finançant un besoin physico-financier programmé de 413,3 milliards d’euros. »

Selon la trajectoire proposée par cette loi de programmation militaire, le budget des armées va augmenter de 3,1 milliards d’euros en 2024, puis de trois par an de 2025 à 2027, avant des « marches » de 4,3 milliards par an à partir de 2028, soit au-delà du quinquennat en cours.

Quels « équilibres » ? L’objectif est de continuer la guerre et l’intervention de la France dans les conflits, comme le précise bien l’exposé des motifs : il s’agit de « transformer nos armées pour que la France conserve la supériorité opérationnelle et soit en mesure de faire face à l’ensemble des menaces, y compris dans les nouveaux espaces de conflictualité ». L’article 4 du projet de loi fixe aussi « la provision annuelle prévue pour couvrir en partie les dépenses liées à de potentielles opérations extérieures ou missions intérieures ». « Opérations extérieures », c’est un joli enrobage pour parler de la guerre, celle qui tue, celle qui massacre.

La guerre en Ukraine était évoquée dès le début du projet de loi, mais l’article 3 précise bien que « le périmètre de la programmation militaire, qui n’inclut pas les moyens dédiés au soutien militaire à l’Ukraine qui seront financés par ailleurs sans effet d’éviction. »

Les retraites, l’école et l’hôpital saignés pour financer la guerre

Des milliards vont donc être encore nécessaires ? Combien ? Financés comment ?  

Comme nous l’écrivions dans le précédent numéro d’ Informations ouvrières, le Haut Conseil des finances publiques a rendu un avis le 4 avril 2023 sur le projet de loi de programmation militaire, où il explique que « le PLPM, conjointement aux lois de programmation déjà votées, contraint les autres dépenses du budget de l’Etat. Celles-ci devraient ainsi baisser en volume pour respecter la trajectoire du projet de loi de programmation (…). »

Le projet de loi ne s’en cache pas, et indique dans son article 4 : « Comme dans la précédente LPM 2019-2025, cette provision globale est assortie d’un dispositif permettant de couvrir d’éventuels surcoûts supplémentaires (surcoûts nets), en gestion, par un recours à la solidarité interministérielle. »

En clair, pour financer les augmentations de budgets militaires, il convient de s’en prendre aux retraites et aux autres budgets de l’Etat, à commencer par celui de l’école. C’est ça l’« économie de guerre » voulue par Macron. Et le texte ose parler de « solidarité interministérielle ». L’école et les hôpitaux doivent être solidaires des armées et de l’achat des armes ! Pas grave si on meurt parce qu’on n’est pas soigné ou si on ne peut plus enseigner, nous aurons « transformé nos armées pour que la France conserve la supériorité opérationnelle ». Ouf !

Impossible de financer des postes dans les hôpitaux, les écoles ? Non… pour ça, les personnels se voient systématiquement opposer à leurs revendications des « finances publiques » incompatibles… En revanche, pour augmenter considérablement les effectifs dans l’armée, l’article 6 indique « un effort décliné en augmentations nettes d’effectifs par annuité » pour le ministère de la Défense.

La droite saisit le Conseil constitutionnel

La jugeant « insincère », le patron des députés LR, Olivier Marleix, a mis en cause mardi de façon inédite l’étude d’impact faite par le gouvernement sur le projet de loi de programmation militaire. Cela a pour conséquence immédiate d’imposer au gouvernement de retarder son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le Conseil constitutionnel va ensuite devoir se prononcer sur la validité de cette étude, qui accompagne le projet de loi.

Ce n’est « pas la peine de faire un texte de grande ambition financière et d’être aussi peu précis sur les moyens alloués », a déclaré M. Marleix devant la presse, craignant que « l’inflation (soit) gravement sous-estimée ». Nulle critique de la politique « va-t-en-guerre » ici… mais certainement tout de même le besoin pour M. Marleix et son propre avenir de se distinguer d’un gouvernement isolé, rejeté, haï… Il n’en fallait pas moins pour amplifier la crise politique en cours…

Une dépêche AFP précise qu’en application de l’article 39 de la Constitution, il revient à la présidente de l’Assemblée ou à la Première ministre de saisir les Sages, qui auront alors huit jours pour se prononcer.

Ce n’est que s’ils valident l’étude d’impact que le projet de loi pourra être inscrit à l’ordre du jour fin mai. Le gouvernement espère une adoption définitive par le Parlement d’ici au 14 juillet… Nous verrons bien.

Quoi qu’il en soit, rassembler les forces pour dire « Halte à la guerre ! Cessez-le-feu immédiat ! Non à la guerre, non à l’économie de guerre ! » est plus que jamais indispensable.

Tamara ROSSI

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/04/23/loi-de-programmation-militaire-macron-precise-les-orientations-de-la-politique-de-defense-francaise/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loi-de-programmation-militaire-macron-precise-les-orientations-de-la-politique-de-defense-francaise-io-fr-23-04-23/

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