
Mobilisation en baisse, blocages, rapport avec les forces de l’ordre, l’intersyndicale de Ploërmel (Morbihan), la confédération paysanne et le mouvement citoyen Déambulateur 56 font le point sur la mobilisation contre la réforme des retraites et sur la suite du mouvement.
Après plusieurs mois de mobilisation contre la réforme des retraites, dans le bassin de Ploërmel (Morbihan) les différents leaders syndicaux et citoyens reviennent sur le mouvement de protestation, ce lundi 24 avril 2023. Tous estiment que la mobilisation va continuer et que les liens créés à travers ce mouvement vont perdurer.
Au premier jour de mobilisation, il n’y avait pas eu de manifestation à Ploërmel. Qu’est ce qui vous a poussé à en organiser une dès la deuxième journée ?
Christian Brunel (Solidaires) : « On est allé à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 19 janvier 2023. Au retour, on s’est retrouvé pour réfléchir à ce qu’on allait faire. Ce que la presse rapportait, c’était que les manifs, dans les petites villes, mobilisaient et attiraient l’attention du gouvernement. On s’est dit : pourquoi on n’essaierait pas de mobiliser les gens dans le secteur du bassin de vie de Ploërmel ? En se mobilisant localement, on est devenu acteur du mouvement. »
Mathieu Bostyn (Déambulateur 56) : « On s’est rassemblé pour y aller et on était déjà 70, 80. Là-bas, on a retrouvé des gens de Concoret, de Monteneuf, de Ploërmel… qui se sentaient concernés ».
Est-ce que vous vous attendiez à ce qu’il y ait autant de monde ?
Virginie Gortais (CGT) : « Pas du tout. Ça a vraiment été un succès pour notre première. On se disait que si on était 100 à Ploërmel, c’était déjà pas mal, mais il y avait foule sur la place ».
Seules entre 1500 et 2 000 personnes, sur les 80 000 que compte le bassin de vie, ont défilé pendant deux mois dans les rues de Ploërmel. Pourquoi pas davantage, selon vous ?
François Merciol (FSU) : « C’est assez surprenant, ces histoires de chiffres. Il faudrait qu’on ait 100 % de mobilisation ? Ça ne veut rien dire. La question se pose en termes de soutien. Quand on fait des blocages filtrants et qu’on voit que pendant 2 h, il n’y a que trois personnes hostiles, on se dit qu’il y a vraiment un soutien de la population ».
Christian Brunel (Solidaires) : « Sur les 2000, on a vu des personnes différentes. Une partie est là, en permanence. Un noyau de base. Mais d’une manifestation à l’autre, on n’a pas les mêmes personnes. On a vu des gens qui se sont mobilisés et mis en grève pour la première fois de leur vie. On a aussi vu des petites boîtes du secteur qui n’ont pas fait grève, mais qui ont pris des jours de RTT. Donc on a mobilisé plus de 2000 personnes ».
Toutes les manifestations se sont déroulées dans le calme. Quels ont été vos rapports avec la gendarmerie pendant cette période ?
Marylène Guillaume (Solidaires) : « Les premières manifestations, c’était très inquiétant et disproportionné, car la présence policière était énorme. Je pense que dans les petites villes, on dérangeait plus que dans les grandes, où ce sont des cortèges classiques avec toujours le même processus. Ici, il y avait une dimension citoyenne, et les citoyens, c’est triste à dire, ça fait peur. Mais on a toujours eu des relations correctes avec la gendarmerie ».
Virginie Gortais (CGT) : « Ils ont appris à nous connaître, comme on a appris à se connaître entre nous. Bon, on ne va pas boire de coups avec la gendarmerie (rires). Mais on travaille avec eux et il y a un respect mutuel ».
Certains manifestants souhaitaient une « radicalisation » du mouvement. Pourquoi, sans violence bien sûr, n’avez-vous pas davantage bloqué ?
Patrick Piguel (CFDT) : « Je ne pense pas que la volonté de bloquer était là. Il y a eu plus de filtrages que de blocages. Mais ce n’est pas l’action principale. Je pense qu’on voulait conserver l’adhésion de la population. C’était plutôt citoyen et si on appelait systématiquement à bloquer, je ne pense pas qu’il y aurait eu cette adhésion ».
Virginie Gortais (CGT) : « Oui, mais on a quand même mené des actions. Notre premier filtrage, sur le rond-point de Camagnon, a fini sur la quatre voies ».
Actuellement le nombre de manifestants baisse chaque semaine. Le combat est-il perdu ?
Martin Stecken, (Confédération paysanne) : « Ca fait trois mois qu’il y a une mobilisation sans précédent, dans le pays de Ploërmel. À chaque fois, on était 1 000, voire 2 000. C’est du jamais vu. Est-ce qu’on est perdant après cette mobilisation ? Je ne suis pas de cet avis. Peut-être que la réforme est passée et que le combat va s’essouffler, mais la dynamique et le collectif vont continuer à se développer ».
Christian Brunel (Solidaires) : « C’est la première fois qu’une réforme est promulguée et qu’il y a derrière une volonté de mobilisation. Hier soir, on était encore en réunion pour définir les actions des 100 prochains jours. L’action est là et elle va continuer ».
Que va-t-il rester de ce mouvement historique à Ploërmel ?
Martin Stecken, (Confédération paysanne) : « Des liens se sont créés et ceux qui existaient déjà se sont renforcés. Tout ne va pas disparaître demain. À nous, collectivement, de décider comment transformer l’essai. C’est en train de s’écrire. La volonté et l’énergie sont là ».
Mathieu Bostyn, (déambulateur 56) : « J’ai l’impression que c’est un catalyseur d’une énergie présente depuis longtemps dans le pays de Ploërmel. C’est un pays très conservateur, marqué par l’agro-industrie et des formes dominantes de l’organisation du territoire. Et en même temps, on a des enfants du territoire qui défendent une autre agriculture, une autre manière d’envisager la création d’emploi, qui s’interroge sur les impacts écologiques… Je pense que ce mouvement a permis à des collectifs qui souhaitent que ce territoire reste rural et vivable de converger.
Alexis VIGNAIS
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/retraites-laction-va-continuer-selon-les-representants-syndicaux-et-citoyens-de-ploermel-of-fr-23-04-23/