
Par Thierry HAMEAU
1 850 victimes de ce poison du XXe siècle ont perdu leur procès il y a quelques jours, à Paris. En Loire-Atlantique, ils sont environ 3 000 à se battre et attendre une reconnaissance de cette maladie professionnelle.
20 millions de tonnes d’amiante restent nichées un peu partout en France, dans l’enrobé de routes, dans l’industrie, les bâtiments,… 1 850 victimes directes de ce poison ont pourtant vu leur procédure pénale invalidée le 19 mai 2023 par la cour de justice pénale de Paris. « C’est une nouvelle énorme injustice, réagit Bruno Lancelin, président de l’Addeva 44, la plus grosse association de victimes en France (3 000 adhérents), basée à Saint-Nazaire. Les juges raisonnent comme si l’amiante appartenait au passé, que les responsabilités étaient liées à un système et non à des entreprises qui n’ont pas été rigoureuses. C’est trop simpliste. »
Selon lui, des sociétés ont continué à produire de l’amiante-ciment Eternit bien après l’année 1996, alors que c’était devenu totalement interdit. « Les salariés d’entreprises de réparation navale sont intervenus sur des navires bourrés d’amiante à Saint-Nazaire, à Nantes, ailleurs… »
L’Addeva en constate les conséquences. Tous les ans, environ 4 000 personnes meurent après avoir été exposées à cette fibre mortifère. Il s’agit de salariés, d’anciens salariés ou de leurs conjoints. « L’amiante reste un désastre humanitaire qui n’a jamais été jugé sur le fond, regrette Bruno Lancelin. Or, ce que veut la grande majorité des victimes, ce n’est pas de l’argent, mais une reconnaissance de cette maladie. C’était encore le cas des 1 850 victimes, la semaine dernière. » Au contraire selon lui, « les décisions de non-lieux se répètent ».
Pire depuis la réforme des retraites
Selon l’association nationale des victimes, environ 100 000 personnes sont aujourd’hui encore malades dans le pays. « Il s’agit le plus souvent de plaques pleurales ou de mésothéliome », ce cancer qui touche la plèvre, le cœur ou les intestins.
Alors, l’association se retrousse les manches. En Loire-Atlantique, 103 bénévoles recueillent les témoignages de ces salariés, ces veufs ou veuves pour les aider à monter des dossiers d’indemnisation. « On ne va pas se résigner, » poursuit l’infatigable président qui constate qu’« aujourd’hui, en 2023, en France », des salariés restent exposés à ce poison. Le combat apparaît sans fin.
Friable au bout de trente ans
Il est encore plus lourd à porter depuis la réforme des retraites. « Nous sommes submergés, car les salariés qui ont été exposés à l’amiante peuvent partir une année plus tôt. Il nous a donc fallu doubler nos permanences pour ces nouveaux dossiers qui s’ajoutent aux autres. » Des dossiers qui sont toujours complexes et longs à monter, car les pièces à fournir sont innombrables. L’association Addeva s’appuie heureusement sur deux médecins et une équipe d’avocats experts.
« L’amiante reste dangereux pour tout le monde, y compris quand on n’y touche pas, termine Bruno Lancelin. D’abord parce que ce matériau devient friable au bout de trente ans. Ensuite parce qu’un simple petit trou dans un mur, au sol (carrelage) ou au plafond (fibrociment) suffit pour libérer des fibres. »
Contact. Tél. 06 43 68 35 99.
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