A Nantes, les urgences de la clinique de la main menacées (OF.fr-16/06/23)

Les chirurgiens sont inquiets pour les urgences de l’Institut de la main.

Par Sophie Trébern

Installé depuis 2018 au sein de Santé Atlantique à Saint-Herblain, l’Institut de la main est l’un des plus gros centres de chirurgie de la main en France. Ses urgences sont pourtant mises en péril.

On ne présente plus la clinique de la main à Nantes. La structure créée il y a 30 ans par des chirurgiens nantais a rejoint le pôle Santé Atlantique à Saint-Herblain (groupe Elsan) en 2018.  Lancées dans les années 80, les SOS mains sont des structures dédiées à la chirurgie et aux urgences de la main, hyper ambulatoires et adaptées , explique Marc Leroy, chirurgien et cogérant depuis 2016 de l’établissement.

« Si on s’arrête, où vont aller les 25 000 patients de nos urgences ? »

Celle qu’on appelle aujourd’hui l’Institut de la main Nantes-Atlantique est devenue l’un des plus gros centres de France. Dix chirurgiens sont associés dans la structure :  Nous facturons nos actes, nos consultations, mais c’est le groupe Elsan qui assure la charge d’exploitation, qui regroupe les locaux et le personnel infirmier. Sachant qu’il faut des équipes pour faire fonctionner le bloc et l’accueil des urgences, qui engendre de gros frais de fonctionnement.  Et c’est là où le bât blesse.

 Jusqu’en 2021, nous avions un partenariat financier avec le CHU de Nantes. Il percevait une dotation de l’État pour les urgences, qu’il répartissait entre les différentes structures.  Le CHU faisait donc une rétrocession à Elsan pour les urgences de la main.

Mais la réforme sur le financement des urgences de 2021 a fait bouger les lignes.  Elle a été lancée pour corriger les discordances de budget entre les bassins de population. Les Pays-de-la-Loire étaient très mal dotés, explique celui qui est aussi coordinateur régional de la Fédération des services d’urgences de la main . La Loire-Atlantique et la Vendée ont reçu un rattrapage de 19 millions d’euros sur cinq ans .

Mais les structures qui peuvent bénéficier de cette dotation doivent aujourd’hui être titulaires d’une autorisation d’urgences.  Or, il n’existe que deux autorisations d’urgences en France : celles pour les urgences générales et pédiatriques.  Les urgences de la main sortent des radars.  Le CHU, avec ce vide juridique et sur injonction du ministère, a donc arrêté l’accord de financement. Mais il continue de nous envoyer des patients qui comptent dans le calcul de la dotation globale. Il perçoit ainsi de l’argent pour une activité qu’il ne fait pas. 

Sollicité, le CHU n’a pas souhaité réagir, mais la situation est la même au niveau national dans les différents centres.

« Risque de santé publique »

 L’Institut de la main est une infrastructure fragile et qui coûte cher : pour les urgences, qui représentent 50 % de l’activité, les charges d’exploitation reviennent à 700 000 € par an. Selon le co-associé de la structure,  Santé Atlantique est en déficit, après un déménagement et le Covid, et le groupe ne pourra pas supporter longtemps le financement des urgences de la main. À partir de septembre, ça risque d’être compliqué .

Les chirurgiens sont plus qu’inquiets :  Il s’agit du service névralgique de la clinique. Une partie de notre personnel risque de disparaître. Si on s’arrête, où vont aller les 25 000 patients annuels de nos urgences ? Avec la fin de cette offre de soin, il y a un vrai risque de santé publique ».

Interrogé, le groupe Elsan n’a pas souhaité commenter.

La fédération des urgences de la main regroupe 67 centres en France.

D’inquiétantes retombées partout en France

La Fédération des établissements de soin des urgences de la main regroupe 67 centres en France.  La majeure partie est confrontée au problème, souligne le coordinateur régional. La structure du Mans a fermé son accueil de nuit. Des patients sont transférés à Angers ou Nantes.  D’autres centres experts avec des services d’urgence sur les dialyses ou AVC sont touchés.  Mais, pour la main, les urgences représentent un tel volume que le modèle est mis en péril.  Sollicitée, l’ARS explique être  en lien avec Santé Atlantique qui [lui] a fait part de ses difficultés concernant le financement de son activité de chirurgie de la main. Une réforme nationale des plateaux techniques spécialisés est en cours et devrait aboutir d’ici la fin de l’année.  Mais les professionnels restent sceptiques :  On n’a aucune info sur le contenu. Ni la certitude que nous serons reconnus comme urgences .

Le service des urgences de la main de l’Institut de la main accueille 25 000 patients par an.

Des patients venus de deux départements

Dix chirurgiens et une trentaine de soignants paramédicaux travaillent à l’Institut de la main à Saint-Herblain. Les urgences accueillent 25 000 patients par an, venus de Loire-Atlantique et de Vendée principalement. « Nous avons neuf conventions d’adressage avec des hôpitaux locaux », souligne le Dr Marc Leroy. L’activité permet donc de décharger les urgences périphériques. D’autant que les accidents de la main sont un des motifs les plus fréquents de consultation dans les services d’urgences en France : « Dans le régime général, 8 à 9 % des traumatismes sont des accidents de la main. Dans le régime agricole, on passe à 25 % ». Le Livre blanc de la Fédération des services d’urgences de la main estimait ainsi en 2018 à 2 142 393 le nombre de blessés de la main par an en France.

L’Institut de la main a rejoint le pôle Santé Atlantique à Saint-Herblain en 2018.

 SOS mains : « Une mission d’utilité publique »

Les premiers centres SOS mains, totalement dédiés à la chirurgie et aux urgences de la main, sont nés il y a plus de 40 ans en France.  C’est une spécificité française partie d’une volonté des pouvoirs publics et de la société scientifique de faire des prises en charge spécifiques, explique le Dr Marc Leroy. Ces traumas coûtaient des sommes faramineuses pour la société. Et lorsque c’était fait par des professionnels non habitués, il y avait des échecs. 

Les 67 centres, dont 44 privés, sont chapeautés par la Fédération des établissements de soin des urgences des mains.  Cela fonctionne par accréditation, avec un livre blanc et un cahier des charges à remplir : on doit avoir un volume d’activité et un nombre de médecins suffisant, une ligne d’astreinte, du matériel adapté pour une chirurgie de réimplantation.  L’Institut de la main a également développé une activité de recherche, de prévention et d’enseignement avec des internes.

La formation des chirurgiens est très spécifique :  C’est une surspécialité de la chirurgie orthopédique : pour avoir le titre de la Société française de la chirurgie de la main, il faut un diplôme universitaire de microchirurgie qui prend deux ans, un DU de pathologie médicale du membre supérieur, une formation dans un centre validant de deux ans… ». Le cahier des charges est exigeant.  De brillants chirurgiens de la hanche ou du genou ne sont pas forcément capables d’explorer une plaie compliquée au couteau. Et beaucoup ne souhaitent pas prendre cette responsabilité d’ailleurs.  D’autant qu’il existe des centres experts pour cela.  Et le risque d’échec et de procès est plus élevé. 

En cas de fermeture des urgences, les chirurgiens continueront leur activité sur rendez-vous.  Mais comme pendant le Covid, on va récupérer des patients avec un retard de prise en charge.  Pour le Dr Marc Leroy, des complications sont aussi à prévoir pour le CHU de Nantes :  On a une mission d’utilité publique. Si nos urgences de la main ferment, il n’y a qu’un seul chirurgien de la main au CHU, qui ne peut tout absorber . D’autres centres existent sur le bassin nantais :  Mais Confluent ou Jules-Verne n’ont pas d’accréditation et n’offrent pas une continuité de soins 24h sur 24. Les services vont se trouver débordés ».

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/a-nantes-les-urgences-de-la-clinique-de-la-main-menacees-be7a340a-08f4-11ee-ba55-0a72f336f6ba

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