
La libération accidentelle de gaz carbonique avait provoqué la mort d’un homme et blessé deux autres sur le chantier de déconstruction d’un navire à Brest. Cinq hommes comparaissaient devant le tribunal pour ces délits.
L’entier après-midi de l’audience correctionnelle de ce jeudi 30 novembre était consacré au traitement d’une affaire réunissant cinq prévenus âgés de 39 à 70 ans, poursuivis pour un homicide et des blessures involontaires. Ces délits ont été commis le 12 août 2016, à Brest.
Un homme tué, deux autres blessés
Abandonnée par son armateur, en 2008, au port de commerce de Brest pendant huit ans, l’épave sulfureuse connue sous le nom « Capitain Tsarev » devient tueuse le 12 août 2016 à 16 h 30. Le gaz carbonique que libèrent d’un coup 30 bouteilles de CO2 sur 112 stockées sur le navire tue un homme et en blesse deux autres. Les trois travaillent alors sur le chantier de déconstruction de ce « bateau poubelle ». Les employés intoxiqués sont à l’origine de l’accident. Un d’eux s’explique à la barre : « J’étais au niveau moins 1 et j’ai failli tomber dans le vide », précisant que « tout est pourri sur ce bateau ! ». « Je me suis mis en colère et j’ai actionné une manette », poursuit-il. Or, cette manette déclenche le système anti-incendie du navire libérant du CO2 pour chasser l’oxygène dans l’air en vue d’éteindre le feu. Son collègue, qui entend aussitôt une détonation, tire de même sur ladite manette avouant au juge : « Je ne sais pas pourquoi ». Ce dernier ajoute : « J’ai vu un brouillard envahir la salle des machines et, comme il était froid, j’ai compris ce que c’était avant de tomber dans les pommes ». S’ils s’en sortent, pas celui qui leur crie à trois reprises : « Il faut sortir ». Un expert de 59 ans, ex-contre-amiral dans la marine nationale unanimement loué pour sa grande expérience. Les survivants sont catégoriques : « On nous a dit qu’il n’y avait aucun risque sur le chantier ». Et de préciser : « Normalement, c’est sécurisé avant qu’on intervienne ! ». Telle est la problématique qui va nourrir les débats durant plusieurs heures.
« Tout le monde se défausse sur son voisin ! »
Au milieu du prétoire, devant le président Xavier Jublin, se succèdent les mis en cause. D’abord, le représentant de la société principalement chargée du chantier de démantèlement : « Les Recycleurs Bretons ». Le chef d’entreprise est vite confronté à une avalanche de doutes exprimés par le magistrat maîtrisant parfaitement le dossier : « étrange, bizarre… » des mots qui précèdent une conclusion cinglante : « Les choses faites par votre société d’envergure relèvent de l’amateurisme ! ». De l’instruction, il ressort, en effet, que les lacunes sont nombreuses : pas de sécurisation préalable des lieux dès leur réception conformément aux textes français et européen, pas de formation du personnel… Il en va de même ensuite pour les autres intervenants, prévenus en l’espèce, qui peinent à répondre avec assurance en se renvoyant la balle au point que le juge constate : « Dans ce dossier, tout le monde se défausse sur son voisin » s’indignant : « Quel manque de courage ! ».
S’ensuivent les plaidoiries des avocats des parties civiles avant les réquisitions de la représentante du parquet, Véronique Wester-Ouisse, qui sollicite des peines de prison avec sursis, jusqu’à 18 pour le dirigeant « des Recycleurs Bretons » avec une contravention de 2 500 € à titre personnel et une amende de 60 000 € pour sa société. Des demandes qui se heurtent à celles des avocats de la défense dont certains soutiennent des relaxes.
La discussion se prolonge dans la soirée.
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