« Plus que les murs, il faut changer la mentalité », le futur hôpital de Bohars révolte des salariés (OF.fr-18/12/23)

Infirmiers à l’hôpital psychiatrique de Bohars, ils dénoncent les conditions de résidence des patients ainsi que le futur projet de reconstruction qui « met de côté l’humain. » | OUEST FRANCE

Dans les tiroirs depuis plus de vingt ans, le projet de reconstruction de l’hôpital psychiatrique de Bohars (Finistère) semble enfin avancer. Des salariés dénoncent des conditions actuelles d’accueil « inhumaines » pour les patients et attendent les nouveaux locaux. Pourtant, les praticiens condamnent un projet « sans valeur humaine », où la sécurité du site passerait avant le bien-être des patients.

Par Amaury CAILLAULT.

« Il nous faut un nouvel hôpital, c’est certain, mais pas la prison qu’ils nous proposent. » Paul(1) est infirmier à l’hôpital psychiatrique de Bohars depuis 2016. Le projet de reconstruction, il en entend parler depuis son arrivée.

Né en 1996, ce projet doit permettre à la structure hospitalière, créée en 1975, de faire peau neuve. Soixante-seize lits pour des hospitalisations complètes ou nocturnes, 234 places de jours, 15 400 m² de surface, le tout pour 55 millions d’euros (dont 33,5 millions de travaux). Voici les chiffres de ce qui sera aux alentours de 2027, le nouvel hôpital psychiatrique de Bohars.

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Il doit permettre de régler les tensions actuelles des différents services : « Il manque des lits et les patients sont accueillis dans des conditions inhumaines. Certains, qui sont atteints de graves pathologies, sont placés à l’étage au milieu des cas légers. Cela créer des situations extrêmement dangereuses pour eux et les autres  », éclaire Jeanne(1), infirmière depuis quinze ans.

Des activités externes qui se raréfient

Pourtant, pour Sébastien Guezou, infirmier depuis 1999 à Bohars et représentant CGT, si ce projet part d’une bonne idée, il est loin d’être satisfaisant : « Le budget final a été fixé en 2016. Depuis, malgré l’inflation et la hausse des matériaux, il est resté le même. »

Ce qu’il critique, c’est l’orientation prise par le chantier : « La qualité de vie du patient est déjà mise de côté depuis 2015. Avec ce projet, nos deux principaux outils de médiations que sont le gymnase et le terrain de foot vont également disparaître. »

Supprimés par l’hôpital en 2014 dans le plan de retour à l’équilibre, les postes d’infirmiers médiateurs permettaient aux patients de « faire du kayak, partir en séjours thérapeutiques pendant plusieurs jours, faire de la voile, faire de la poterie », explique Paul.

Thomas Bourhis est secrétaire général de la CGT du CHRU Brest. Il pose devant l’ancien atelier poterie, où les patients pouvaient faire des activités. Désormais, cet atelier est devenu une salle de pause pour les cadres. | OUEST FRANCE

Les seules activités ayant perduré dans le temps sont le football, tous les jeudis, ainsi que plusieurs sports réalisés au sein du gymnase : « C’est crucial. On travaille avec des patients qui ont besoin de sortir, de s’aérer l’esprit. Mais au lieu de ça, la direction supprime nos derniers outils et souhaite cloisonner les patients en permanence. »

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Visibles depuis la route, les grilles, les caméras de surveillances et le poste de garde qui entourent l’hôpital « ne font que peu échos à la notion de liberté », selon Thomas Bourhis, secrétaire général CGT du CHU Brest. Mais on a encore le parc… Enfin, pour l’instant », en référence au futur projet d’hôpital, qui va réduire de moitié la superficie du parc accessible pour les patients. « Plus que les murs, il faut changer les mentalités », affirme Paul, qui aimerait un projet « tourné sur l’humain et non sur la sécurité omniprésente qui annihile les activités avec les patients. »

Un personnel loin des débats ?

Pour améliorer leur futur outil de travail, les salariés rencontrés demandent « de véritables » réunions, où ils pourraient échanger et proposer leurs idées : « À la rigueur, ils peuvent nous écouter sur le changement de place d’une armoire, mais pas plus, dénonce Thomas Bourhis. Ça fait des années qu’ils réparent les chambres en plaque de plâtre à coups de dizaines de milliers d’euros. Quelques semaines après, elles sont cassées. On demande des chambres en béton, mais dans le futur hôpital, elles seront également en plaque de plâtre. »

Déjà pointé par la commission de privation des libertés lors de son passage à l’hôpital de Bohars en 2016, le manque de considération des plaintes du personnel semble encore être d’actualité selon les infirmiers interrogés. L’hôpital n’a pas encore répondu à nos sollicitations.

Pour rappel, le projet prévoit la démolition de 13 800 m² de bâtiments existants (dont le gymnase). Une aile de 1 200 m² va être réhabilitée. Les 300 places de parking vont être déplacées. L’accueil, l’internat, la logistique, le bâtiment psychiatrique, la gérontopsychiatrie et trois ailes adultes vont être reconstruits.

(1) Les personnes interrogées ont souhaité garder l’anonymat.

Source: https://www.ouest-france.fr/sante/plus-que-les-murs-il-faut-changer-la-mentalite-le-futur-hopital-de-bohars-revolte-des-salaries-3b5b0fa6-9a97-11ee-99a8-c8cd0c676f82

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