
Figure du monde politique, le socialiste Louis Le Pensec, ancien député puis sénateur-maire de Mellac (Finistère) et ancien ministre de la Mer sous François Mitterrand, est décédé ce mercredi 10 janvier 2024, à 87 ans. Près d’un an après son épouse Colette.
Par Béatrice GRIESINGER
Vous savez, j’ai quand même été l’unique ministre de la Mer.
Souvent, quand Louis Le Pensec évoquait sa carrière politique, il le rappelait. Et c’était vrai pendant de longues années, jusqu’à ce qu’en 2020, Annick Girardin reçoive ce portefeuille jusqu’en 2022. Avec un brin de fierté, mais surtout, de la tristesse. Car après lui, la mer n’a plus eu de ministre d’État.
C’était de 1981 à 1983, sous le gouvernement Mauroy du président Mitterrand.
Né le 8 janvier 1937 à Mellac (Finistère), Louis Le Pensec n’a jamais quitté sa terre natale et a toujours œuvré pour elle tout au long de sa carrière politique et sur plusieurs décennies. Son père est ouvrier aux Papeteries de Mauduit.
Il vit une enfance modeste dans une chaumière à Kerfeules qu’il aimait souvent rappeler et qu’il décrira plus tard, dans son livre Ministre à Bâbord. Il évoque alors ses baignades avec ses copains, dans la rivière Isole au Moulin blanc, au Pouldu des pauvres
pour reprendre son expression. Il se destine à être menuisier. Mais la vie l’emmène sur d’autres voies, une fois le Bac passé.
À Rennes, il passe une licence de Droit puis un diplôme de gestion. Son parcours professionnel le mène à direction de la Snecma, Société nationale d’étude et de construction de moteurs d’aviation, comme attaché puis en 1967, à la Saviem, Société anonyme de véhicules industriels et d’équipements mécaniques, comme chef de personnel.
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La politique, l’envie de faire pour les autres le rattrapent. À gauche, au sein du parti socialiste qu’il intègre très jeune et ne quittera pas. De Mellac à Paris et au-delà des frontières, il n’a de cesse d’aller sur le terrain et de mettre les mains dans le cambouis. François Mitterrand, rencontré la première fois en 1978, après la catastrophe de l’Amoco-Cadiz, devenue président en 1981, veut un ministre de la Mer. Ce sera Louis Le Pensec.
Le socialisme chevillé au corps
Le grand Louis, comme l’appelait quasiment tout le pays de Quimperlé, a porté haut les couleurs du socialisme en Finistère et au-delà. Il a maintenu la 8e circonscription de Quimperlé-Concarneau à gauche pendant près de 40 ans.
Il a mis le pied à l’étrier à nombre d’hommes et de femmes en politique. Deux exemples seulement en pays de Quimperlé : Michaël Quernez qui a été son assistant parlementaire pour être aujourd’hui maire de Quimperlé et vice-président du conseil régional, Nicolas Morvan, devenu par la suite maire de Moëlan-sur-Mer, président de la Cocopaq et conseiller régional avant de prendre la route vers Saint-Nazaire. Sans oublier Gilbert Le Bris, son suppléant et successeur à l’Assemblée nationale.
Le pays de Quimperlé porte son empreinte : la zone d’activités de 35 hectares à Kervidanou, c’est lui. Le maintien du TGV à Quimperlé, c’est lui. Le manoir de Kernault, c’est lui. Le Moulin Blanc, c’est encore lui. Au-delà de son pays natal, l’arrêt du projet de centrale nucléaire à Plogoff, c’est aussi un peu de lui…
Il ne mène jamais ses batailles seul et se souvient toujours des appuis trouvés auprès de la population, des militants et de son épouse Colette, décédée le 23 janvier 2023. Les batailles gagnées de Louis Le Pensec ne se comptent plus. À Quimperlé, s’il sauve l’hôpital, il ne peut rien pour en maintenir la maternité ouverte.
En 1974, jeune député, il soutient Simone Veil et son projet de loi pour l’interruption volontaire de grossesse. Il faut dire qu’en pays de Quimperlé, les militantes et militants étaient déjà mobilisés pour la libération de la femme. Parmi elles, son épouse Colette.
Aux côtés de Ségolène Royal, François Hollande, Benoît Hamon, Jean-Yves Le Drian jusqu’à ce que ce dernier ne marche vers Emmanuel Macron. Il ne votera Macron que pour éviter de laisser son pays entre les mains du Front national de Marine Le Pen.
Il défend la rose avec conviction et ferveur. Toujours à l’écoute. Et la fête le plus souvent possible à Toulfoën, avec ses amis socialistes. À ses côtés, au fil des années Gisèle Halimi ou encore Martine Aubry.
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Avec les grands du monde
Louis Le Pensec, à la faveur de ses mandats locaux ou nationaux, rencontre les grands de ce monde. En 1987, alors responsable de l’international au PS, Louis Le Pensec rencontre le révolutionnaire cubain Fidel Castro au Kremlin où Mikhaïl Gorbatchev organisait la première rencontre des dirigeants communistes du monde.
Puis il y a le rencontre avec le roi Abdullah II de Jordanie à Amman en février 2002, un dîner à Matignon en avril 2004 avec la reine Élisabeth II d’Angleterre.
En mars 2009, il part à Istanbul au forum mondial de l’eau. Devant 15 000 participants, il raconte la coopération du syndicat des eaux de Quimperlé-Baye-Mellac-Le Trévoux avec Nara, au Mali. La même année, il part à Copenhague, au sommet pour le climat. Pour faire du lobbying et faire reconnaître le rôle des élus locaux dans la réduction des gaz à effet de serre. Pour un autre sommet mondial des maires, il se rend à Mexico deux ans plus tard.
Le 27 mai 2009, Michel Rocard remet les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Louis Le Pensec. Dans le portrait tendre et humoristique qu’il lui adresse, Michel Rocard évoque sa fidélité militante au socialisme démocratique
, rappelle qu’il a été président des sciences hilares de la faculté de Rennes
et assure qu’il est de ces hommes à qui on confierait n’importe quoi.
Les dates clés de son parcours politique
1971 : élu maire de Mellac. Il le restera jusqu’au 21 juin 1997, deviendra maire adjoint puis maire honoraire
1973 : élu député de la 8e circonscription Quimperlé-Concarneau du Finistère. Il le restera jusqu’au 4 juillet 1997
1976 : élu conseiller général du Finistère
Il devient membre du PS avant d’intégrer l’appareil national du parti puis de devenir délégué national aux régions et enfin, délégué auprès du 1 er secrétaire, François Mitterrand puis secrétaire national aux relations internationales.
1981 à 1983 : ministre de la Mer sous le gouvernement Mauroy
1988 à 1993 : ministre des Départements d’Outre-Mer, sous les gouvernements respectifs de Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy
1989 à 1991 : porte-parole du gouvernement
1997 à 1998 : ministre de l’Agriculture et de la pêche
1998 à 2008 : sénateur du Finistère
1997 : parution de son livre Ministre à bâbord
2014 : il devient citoyen d’honneur de Mellac
1er janvier 2021 : il est fait officier de la Légion d’honneur au titre du ministère de la Mer. Depuis 2009, il était chevalier de la Légion d’Honneur. Louis Le Pensec a aussi présidé pendant plusieurs années.
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