En pleine polémique Stanislas, un lycée musulman conteste la résiliation de son contrat avec l’État (OF.fr-24/01/24)

Sur cette photo d’illustration datant de 2009, des élèves du groupe scolaire Al-Kindi s’apprêtent à rentrer en classe. Situé dans la banlieue de Lyon, il s’agit, avec Averroès, du seul lycée musulman sous contrat avec l’État. | AFP ARCHIVES

La justice administrative se penche ce mercredi 24 janvier 2024 sur la décision de la préfecture du Nord de casser le contrat entre le principal lycée musulman de France, situé à Lille, et l’Éducation nationale. L’avocat de l’établissement entend contester au tribunal les éléments avancés par l’ancien préfet, et voit « un deux poids deux mesures » alors qu’un autre établissement privé sous contrat, le très élitiste Saint-Stanislas à Paris, est visé par une enquête du parquet de Paris.

Par Johan BESCOND.

Le Lycée privé Averroès, situé à Lille (Nord), devrait perdre le contrat qui le lie à l’État depuis 2008 à la fin de l’année scolaire. À moins que cette résiliation annoncée soit bloquée par la justice ? Un tribunal administratif doit se pencher ce mercredi 24 janvier 2024 sur la décision de cesser de subventionner le principal lycée musulman de France, après un recours de l’association Averroès qui gère l’établissement.

Dans le même temps, certains députés réclament qu’une décision similaire soit prise à l’encontre du groupe scolaire catholique Stanislas. Cet établissement privé parisien, également sous contrat avec l’État, est visé par une enquête et est empêtré dans une polémique avec la ministre de l’Éducation et des Sports Amélie Oudéa-Castéra qui y a scolarisé ses trois enfants. Les dossiers sont-ils comparables ? Décryptage en cinq questions.

Qui a décidé de rompre le contrat du lycée musulman ?

Fin novembre, une commission consultative s’était déclarée favorable à une résiliation, répondant à une demande du préfet du Nord de l’époque, George-François Leclerc. Après quelques jours de réflexion, ce dernier – nommé ce mardi directeur de cabinet de la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin – avait choisi de rompre ce financement public.

Ce contrat assurait à l’établissement musulman, où sont scolarisés 400 lycéens, le paiement des salaires de ses professeurs par l’Éducation nationale. En contrepartie, il se devait de respecter le programme scolaire officiel.

Que reproche le préfet à l’établissement lillois ?

D’abord des sources de financement étrangères provenant de Qatar Charity, qui a alloué au lycée une subvention de plusieurs centaines de milliers d’euros. Cette ONG (organisation non gouvernementale) aurait pour but « d’enraciner un islam politique au sein des communautés musulmanes d’Europe », selon des propos du préfet rapportés par Le Monde . L’établissement est également pointé du doigt pour « un ouvrage religieux litigieux » dans la bibliographie d’un enseignement spirituel, et « des irrégularités de gestion », d’après l’AFP.

L’association Averroès met, elle, en avant « des dons étrangers parfaitement légaux » et des « comptes certifiés », en s’appuyant sur « des rapports des Finances publiques » et « de l’Inspection générale de l’Éducation nationale ». Son président, Mohamed Damak, vante un lycée « à l’opposé de toute radicalisation » qui « promeut un islam contextualisé, tolérant, respectueux des lois de la République. »

Comment compte plaider l’association qui le dirige ?

Contacté par Ouest-France, l’avocat de l’établissement, Me Joseph Breham, précise qu’il va contester la décision de la préfecture auprès du tribunal administratif pour plusieurs motifs : « D’une part, sur le respect du contradictoire car nous n’avons pas eu accès en temps et en heure aux éléments qui justifiaient les arguments du préfet, notamment un rapport d’inspection académique. Et sur le fond, concernant les griefs faits au lycée qui sont complètement faux. » Le conseil évoque les « publications litigieuses, de l’imam Hassan Iquioussen (un imam marocain qui s’était exilé en Belgique afin d’échapper à un arrêté d’expulsion en France, finalement arrêté, N.D.L.R.) qui étaient soi-disant disponibles au CDI. Dans ma requête, j’ai produit l’inventaire qui montre qu’il ne contient aucun livre problématique. »

L’avocat assure aussi « qu’il y avait beaucoup de griefs dans le rapport de saisine initial qui ne figurent pas dans la décision. Et ils portaient sur certains enseignements académiques. L’inspecteur académique reprochait à un professeur des formulations peu appropriées à propos de la théorie de l’évolution en SVT (sciences de la vie et de la terre), mais du collège Averroès, qui est lui hors contrat. »

Pourquoi ce dossier a pris une dimension politique ?

Depuis 2019, à cause du don qatari, la Région des Hauts-de-France refuse de verser au lycée Averroès la subvention prévue dans le cadre du contrat. Le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, estime que leur « contenu pédagogique » ne respecte pas « les valeurs républicaines ».

Un ministre de l’Education nationale doit-il scolariser ses enfants à l’école publique ?

Le député LFI du Val-D’Oise Paul Vannier pense à l’inverse que l’établissement subit un « traitement discriminatoire » avec une décision préfectorale qui « s’inscrit dans un contexte islamophobe ». Ces derniers jours, l’élu, qui est corapporteur d’une mission parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat, a également fait un parallèle avec le lycée Saint-Stanislas, où la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra a inscrit ses enfants : « Puisque le contrat du lycée privé musulman Averroès a été cassé par l’État au motif « d’enseignements contraires aux valeurs de la République », le contrat du lycée catholique Stanislas doit sauter », a tweeté l’Insoumis.

Un « deux poids deux mesures » dans ces affaires ?

Privé, cet établissement catholique de la capitale est visé par une enquête ouverte par le parquet de Paris, après des « dérives » homophobes et sexistes signalées par l’Inspection générale de l’Éducation nationale. Dans un communiqué, Frédéric Gautier, le directeur de Stanislas, s’est dit « étonné » de la publication de ce rapport et affirme que les inspecteurs « ne confirment pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse ». La direction diocésaine de l’enseignement catholique a parlé, elle, « d’un seul cas » qui «  été traité en mettant fin aux fonctions de la personne concernée ».

Lire aussi : Enquête, subventions… Quels enjeux soulève l’affaire du groupe scolaire privé Stanislas ?

Si les « deux dossiers sont différents », l’avocat du lycée Averroès suspecte une inégalité de traitement : « Pour l’établissement que je représente, l’inspecteur n’a fait aucun reproche sur l’adhésion aux valeurs de la République, sur le respect de l’homosexualité. C’est étonnant que d’un côté, on prenne d’emblée une décision de résiliation avec des reproches infondés. Et de l’autre, malgré des éléments de preuves, il semblerait qu’aucune décision défavorable à l’établissement ne soit envisagée, commente Me Joseph Breham. Ce sont des décisions politiques. »

Si le contrat qui lie l’institution catholique du VIe arrondissement à l’Éducation nationale ne semble pas remis en cause, pour l’heure, la mairie de Paris, elle, a suspendu ses financements dans l’attente de « clarifications ».Un manque à gagner « d’1,37 million d’euros » pour l’école et le collège de ce groupe scolaire privé, nous précise l’adjoint à l’éducation, Patrick Bloche : « On attend désormais des garanties, prévient l’élu parisien.  Le rapport mentionne des dérives et manquements portants sur des faits choquants et discriminatoires. Compte tenu de cela, l’État peut-il maintenir son contrat d’association avec Stanislas comparé à ce qu’il se passe au lycée Averroès ? On pourrait dire qu’il y a deux poids deux mesures. »

Source: https://www.ouest-france.fr/education/en-pleine-polemique-stanislas-un-lycee-musulman-conteste-la-resiliation-de-son-contrat-avec-letat-1f217bb4-b9db-11ee-9ea4-b02fbeb9c343

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/en-pleine-polemique-stanislas-un-lycee-musulman-conteste-la-resiliation-de-son-contrat-avec-letat-of-fr-24-01-24/

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