
Brest, Rennes, Quimper… Le collectif « Oui au train de nuit » multiplie ces jours-ci les actions en Bretagne pour réclamer le retour des trains couchettes au départ et à destination de la région. Mais pour répondre à quelle attente ?
Par Valérie CUDENNEC-RIOU.
Il ne faudra pas s’étonner de rencontrer, ce samedi après-midi, en gare de Rennes, des usagers en pyjama, munis de peluches et d’oreillers, brandissant des panneaux de leurs destinations favorites en guise d’étendards. Le collectif « Oui au train de nuit » a choisi le registre de l’humour pour faire entendre sa voix lors de ce rassemblement, prévu, à 15 h, comme il l’a déjà fait à Nantes, Redon (35), Brest, la semaine dernière, et comme il le fera mercredi, à Quimper. « Plutôt qu’une grande manifestation, l’idée est de multiplier les actions, sur tout le territoire, afin de montrer qu’il y a une demande des usagers, partout en France, pour des trajets nocturnes en train qui permettent de traverser la France sans forcément passer par Paris », retrace Iwan Le Clec’h, référent du collectif en Bretagne.
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Une relance… sans la Bretagne
Les trains de nuit, qui ont connu leur âge d’or au cours des années 1960-1970 et desservaient encore 500 gares au début des années 1980, ont disparu de la circulation au fur et à mesure du déploiement des TGV et du succès de l’aérien low cost. Les dernières liaisons, reliant Quimper à Lyon et Nantes à Nice, ont cessé en 2010.
On pensait alors le wagon couchettes enterré mais les objectifs de décarbonation l’ont remis sur la voie : pour réduire nos émissions, « on va redévelopper le fret ferroviaire massivement, les trains de nuit, les petites lignes », a promis le président Macron, en juillet 2020. L’année suivante, le gouvernement a publié la carte des lignes qu’il envisageait d’ouvrir d’ici à 2030 – une dizaine, la plupart reliant la capitale au sud du pays et le Sud-Est au Sud-Ouest. La Bretagne, pourtant excentrée, n’apparaissait pas dans ce dispositif. Et, alors que deux nouvelles lignes nocturnes ont été inaugurées, en décembre 2023, entre Paris et Aurillac (Cantal) et Paris et Berlin, elle n’y figure toujours pas.
« Sur les lignes déjà existantes, l’engouement va bien au-delà de ce qui était envisagé. »
Un outil de rééquilibrage territorial
Un « oubli » vécu comme une aberration et une injustice. Car le train de nuit n’est pas seulement plus écologique que l’avion et la voiture et moins cher que le TGV. « Il y a un triple enjeu, environnemental, social et de rééquilibrage territorial », fait valoir Fragan Valentin-Leméni, adjoint (UDB) au maire de Brest, rappelant que, « si Rennes, grâce à la LGV, est à 1 h 30 de Paris, Brest et Quimper sont à plus de trois heures ». « Si on veut se passer de l’avion, il faut offrir une meilleure connexion, par le train, de l’ouest breton au reste du territoire », défend-il.
« La mise en place d’un train de nuit n’est d’aucune utilité là où le TGV s’avère performant mais offre une concurrence pertinente au binôme TGV + hôtel ou avion », explique Iwan Le Clec’h. « On parle de trajets transversaux, longs, de 800 à 1 500 km, entre le Finistère et l’est (Francfort via Strasbourg, Genève via Lyon) mais aussi vers le nord (Bruxelles, Amsterdam) et le sud de l’Europe (Barcelone, Vintimille)… Des parcours aujourd’hui assurés par des compagnies de bus.
Fort engouement sur les lignes existantes
Soutenu par la Coordination ferroviaire (usagers) et des divers mouvements (Greenpeace, Alternatiba…), le collectif « Oui au train de nuit » veut convaincre les élus locaux de porter sa demande auprès de l’État, comme l’ont déjà fait Mathilde Hignet, députée LFI de Redon (35) et les 24 maires de la métropole de Nantes. « On n’est pas sur des liaisons à rentabilité (NDLR : une couchette ne peut pas être vendue plus d’une fois par nuit) mais l’État peut prendre en charge la perte d’exploitation au titre de l’aménagement du territoire », suggère Iwan Le Clec’h, convaincu que la demande clientèle ne peut que croître, dès lors que le service existe : « Sur les lignes déjà existantes, l’engouement va bien au-delà de ce qui était envisagé », assure-t-il. Quelque 800 000 voyageurs ont ainsi opté, l’an dernier, pour un train de nuit, selon la SNCF. Soit plus de deux fois plus qu’en 2019.
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