Dès son arrivée à Quimperlé (Finistère) en 1973, elle s’implique au sein du planning familial et participe à la création de son centre d’accueil pour la jeunesse à Guéhenno.
Par Béatrice GRIESINGER.
Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. L’occasion de revenir sur le parcours de Danielle Dahringer, qui, avec d’autres, a œuvré au planning familial de Quimperlé. D’autant que ce lundi 4 mars 2024, Assemblée nationale et Sénat, réunis en congrès à Versailles, se prononcent sur l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
L’IVG, une des nombreuses batailles de Danielle Dahringer. À 83 ans aujourd’hui, l’engagement chez cette Trémévenoise, est une évidence ».
Je suis arrivée à Quimperlé en 1973. Je revenais de six ans d’enseignement au Bénin dans le cadre de la coopération. Mon mari y faisait son service militaire comme objecteur de conscience.
Elle n’aime pas trop se mettre en avant, parler d’elle et de ses actions. Mais elle témoigne pour les nouvelles générations prennent conscience que les droits acquis ne sont jamais complètement conquis ».
Arrivée à Quimperlé, elle a envie de faire bouger les choses
. Elle rencontre Odette Charpentier, une des pionnières du féminisme à Quimperlé et maman du cinéaste Romain Goupil. Et c’était parti. Odette adhérait alors au mouvement Choisir la cause des femmes de Gisèle Halimi. J’aimais bien ce titre : choisir la cause des femmes.
Le planning familial, issu d’une association nommée Maternité heureuse, a été créé au niveau national dans les années 1960, un temps présidé par Simone Iff, militante du droit à l’avortement, à l’inititative du Manifeste des 343.
En pleine action
En 1967, la loi Neuwirth, un député gaulliste, légalise la pilule contraceptive pour les femmes. Mais elle met presque six ans à être appliquée. Cette loi ne prévoyait pas l’information, la présentation des systèmes de contraception
, rappelle Danielle Dahringer. Ce sera un des rôles du planning familial.
En 1972, s’achève le procès de Bobigny, celui de Marie-Claire Chevalier, pour avoir fait le choix de l’avortement. Avocate et défenseuse du droit des femmes, Gisèle Halimi obtient sa relaxe. Un long travail commence avant la loi Veil qui autorise l’interruption de grossesse en 1975.
Depuis 1973, Danielle Dahringer et son groupe sont en pleine action à Quimperlé. Ça a beaucoup bougé. Joëlle Brunerie, [N.D.L.R. : gynécologue et militante féministe née à Quimperlé], était très présente dans les médias. Elle se battait pour cette loi sur la légalisation de l’IVG. Elle est venue à Quimperlé.
La réunion était organisée au cinéma du Bel-Air. La salle était remplie : des pour, des contre. J’ai pris la parole pour la première fois en public. On était cataloguées drôles de bonnes femmes ! Ce n’était pas gagné. Mais nous avons continué le travail, jusqu’à ce que la loi soit votée
, reprend Danielle Dahringer.
Quimperlé en première ligne
Elle rappelle aussi que Quimperlé a été une des premières villes de l’Ouest à manifester alors que la loi était votée, mais pas appliquée. Au planning, on accueillait les femmes pour les informer. On leur indiquait des filières pour avorter à l’étranger. C’était une période intense, pas toujours simple.
Quimperlé vit de nombreuses manifestations. C’était lié à l’âge des militantes, à notre énergie. Et à la conviction qu’il fallait faire ça.
Avec une grande nouveauté quand même : dans les plannings familiaux, médecins et militantes interviennent. Le savoir était partagé.
À Quimperlé, le planning est installé à proximité de l’hôpital, près de la maternité de l’époque. À ce moment, je me suis dit : l’état d’ignorance est tel, qu’il faut informer plus tôt
, poursuit Danielle Dahringer.
En 1977, avec le groupe, elle crée le centre d’accueil du planning familial pour la jeunesse à Guéhenno (Morbihan). Ce sont des lycéens qui venaient. Ils venaient pour poser des questions à des adultes sur la sexualité, mais pas seulement. Sur les rapports avec les parents, comment devenir adulte, la vie. Ce que nous faisions, c’était une initiation à la vie, au respect de l’autre. J’ai appris beaucoup.
Enseignante, elle poursuit de front profession, vie familiale et engagement. Elle intervient dans les classes, toujours avec les autorisations nécessaires. J’étais convaincu qu’il fallait commencer tôt à informer. À l’époque, je n’ai jamais pensé que j’étais féministe. Pour moi, c’était une approche humaniste. Nous nous sommes battues pour la cause des femmes, l’égalité de dignité et de droits.
Quel regard porte-t-elle aujourd’hui sur l’actualité et l’inscription de l’IVG dans la Constitution ? Il est sans doute raisonnable de l’inscrire car nous sommes dans un monde qui évolue vite et certaines personnes qui sont au pouvoir laissent perplexes. L’inscrire, c’est une garantie. Il y a toujours des droits à défendre.
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