En votant le dégel du corps électoral, comment le Sénat veut priver les Kanak de l’indépendance (H.fr-2/04/24)

Les kanak se mobilisent à Nouméa pour manifester contre le projet de loi constitutionnelle visant à modifier le corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, le 28 mars 2024.
© by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Les sénateurs ont voté, ce mardi 2 avril, pour modifier la structure électorale de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Une réforme aux relents coloniaux dénoncée par le FLNKS, qui y voit une entrave au processus d’indépendance.

Par Axel NODINOT.

Sous les ors du palais du Luxembourg, les sénateurs français ont choisi, ce mardi, de « dégeler » le corps électoral en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, sans tenir compte de la réalité historique du territoire. À 233 voix contre 99, les élus portent un coup critique au processus décolonial de l’archipel, prévu par l’accord de Nouméa de 1998.

L’un des prérequis de l’accord était justement le gel du corps électoral, qui permet aux Kanak de pouvoir décider de leur destin sans être invisibilisés par les nouveaux arrivants, bien souvent français. « Par une colonisation de peuplement, pénitentiaire puis civile, la métropole a acculturé et marginalisé les populations locales, les Kanak, tant économiquement que politiquement », rappelait récemment Fabien Gay, sénateur du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE-K).

Robert Wienie Xowie dénonce une démarche « fourbe »

Rassemblés dans le jardin du Luxembourg, des indépendantistesont manifesté leur désaccord quant à cette réforme. Tout comme des milliers de personnes ayant foulé le pavé de Nouméa, ce lundi 1er avril, sous les drapeaux kanak et au cri de « Non à la colonisation » !

« Comme prévu, toute la gauche a voté contre ce projet qui n’est pas équilibré », a réagi sur X le sénateur guadeloupéen Victorin Lurel (groupe socialiste, écologiste et républicain). Présentée par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, cette loi constitutionnelle doit désormais recevoir l’aval de l’Assemblée nationale et de parlementaires réunis en congrès.

Le 27 février dernier, la Chambre haute avait déjà voté la loi organique reportant les élections provinciales de Kanaky-Nouvelle-Calédonie, normalement prévues le 24 mai, pour qu’y soit appliquée la réforme du corps électoral et marginaliser les Kanak. Endossant les habits du colon qu’il connaît bien désormais, le pensionnaire de la place Beauvau s’était également hâté d’organiser le troisième référendum d’indépendance de décembre 2021, boycotté par le FLNKS et provoquant une rupture du dialogue durant un an et demi.

Ce retour à la force prôné par le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas sans rappeler la posture impérialiste adoptée par la France sur l’archipel depuis le XIXe siècle. L’ONU considère d’ailleurs la Kanaky-Nouvelle-Calédonie comme un territoire à décoloniser depuis 1986.

Devant ses collègues, le sénateur kanak Robert Wienie Xowie (CRCE-K) n’a pas mâché ses mots, dénonçant une « démarche odieuse » et « fourbe » du gouvernement, ainsi qu’un « comportement méprisant » de Gérald Darmanin, auteur d’une « décision unilatérale » alors même que le FLNKS était « prêt à ouvrir le corps électoral à plus de 12 000 personnes ».

Loin de l’alibi démocratique avancé par la droite et la Macronie, l’État français veut surtout garder l’archipel dans son giron pour ses gisements de nickel, mais aussi pour pouvoir prôner une « troisième voie » dans le Pacifique, champ de bataille diplomatique des superpuissances états-unienne et chinoise, « quoi qu’il en coûte » de la survie du peuple kanak.

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Source: https://www.humanite.fr/monde/flnks/en-votant-le-degel-du-corps-electoral-comment-le-senat-veut-priver-les-kanak-de-lindependance

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