L’épisode de la « pause-pipi » de 1995 qui a « tout changé » chez Bigard, à Quimperlé (LT.fr-6/05/24)

Depuis l’épisode de la pause toilettes, obligatoire pour les salariés, en 1995, la famille Bigard ne parle plus à la presse. (Photo d’illustration Vincent Le Guern)

Des conflits sociaux, le groupe Bigard en a eu son lot. Mais celui qui a le plus marqué les esprits, c’est l’épisode de la « pause-pipi » de 1995. Un « tournant », qui expliquerait en partie le silence de la famille.

Par Pauline LE DIOURIS & Gwen RASTOLL.

C’est rare, même pour une entreprise de cette dimension : la plupart des salariés de Quimperlé, si ce n’est la totalité, ne connaissent pas le visage de leur grand patron. À part quelques photos délivrées par le service communication. Les repas des anciens, les remises de médailles, les éventuels sapins de Noël : « Non, on ne voit jamais personne. On sait qu’il est là quand on aperçoit sa voiture sur le parking. Et c’est la même chose pour ses fils. Il y a quelques années, l’un des deux, je crois Maxence, venait fumer une cigarette sous le préau. Mais il ne parlait pas plus », raconte un représentant du personnel.

Les plus anciens se souviennent du père de Jean-Paul Bigard. « Lucien descendait dans les services. Il était un peu taquin mais plus accessible. » Mais tout a changé après un incident, qui aurait marqué Lucien, selon un représentant CGT : « Jean-Paul Bigard en a toujours voulu aux salariés, et plus précisément au syndicat CGT. Pour lui, les grèves de 1995 auraient déclenché les problèmes médicaux de son père. Le gros changement, c’était l’arrivée d’un DRH, après les grèves. Ensuite, il n’y avait plus de contact avec la famille, aussi bien avec les salariés qu’avec la presse. »

On devait payer 50 francs de pénalités si on ne respectait pas la règle ! On se serait cru à la maternelle.

Au coup de sifflet, cinq minutes pour se précipiter aux toilettes

Les « grèves de 1995 » sont liées aux « pauses-pipi obligatoires » décidées aux abattoirs Bigard. « Une nouvelle réglementation imposait trois pauses-pipi de cinq minutes par jour et en plus, à heures fixes. On devait payer 50 francs de pénalités si on ne respectait pas la règle ! On se serait cru à la maternelle. Et encore, eux pouvaient sortir avant de faire dans leur pantalon », hallucine cet ancien. Ces nouvelles mesures avaient entraîné trois jours de débrayage. « On aurait pu faire plus. » Car l’expérience a été tentée par l’entreprise, et amèrement vécue par les 250 salariés du « désossage bœuf » et de la « découpe porc ». « Il y avait beaucoup de femmes. Après le coup de sifflet, il fallait se précipiter, enlever les gants, le tablier… Tout ça, en cinq minutes, avec trois W.-C. pour elles. Impossible ! », complète ce témoin.

En 1996, les prud’hommes de Quimper avaient jugé « illicite le dispositif de mise en place de pauses toilettes obligatoires ». La décision a soutenu la proposition des salariés demandant « la liberté totale de se rendre aux toilettes quand ils le désirent ».

Dans un premier temps, Lucien Bigard avait refusé de négocier. Il avait fallu l’intervention de l’inspection du travail pour rencontrer les représentants des grévistes. « Il y avait déjà eu un gros conflit, sur les cadences et les salaires, qui remontait à 1989. Mais celui-là a marqué. » Selon Le Monde, Lucien Bigard avait évoqué « un acharnement médiatique tant à (mon) endroit qu’envers l’entreprise ». La « pause-pipi » n’a sans doute fait que rendre plus pressant ce ressenti.

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Source: https://www.letelegramme.fr/finistere/quimperle-29300/lepisode-de-la-pause-pipi-de-1995-qui-a-tout-change-chez-bigard-a-quimperle-6577983.php

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