
Si Jean-Luc Mélenchon est un « obstacle au vote », comme le prétend Ruffin, alors comment expliquer que, dans son département, dans la circonscription d’à côté, pourtant acquise à la droite depuis 1986, une candidate LFI a été nouvellement élue en 2024 ?
Par Edith BOURATCHIK
Bénéficiant du désistement très rapide de la candidate macroniste, François Ruffin a donc été réélu au deuxième tour des élections législatives 2024 avec seulement 3 000 voix d’écart par rapport au Rassemblement national (RN), qui le devançait au premier tour de près de 4 000 voix.
Il y a plus de 20 ans, aux élections législatives de 2002, le Front national (FN) n’obtenait que 4 287 voix. Il en obtient 24 083 en 2024. Cette circonscription détenue historiquement par la gauche depuis des décennies (Parti communiste français [PCF], Parti socialiste [PS], divers gauche) n’a jamais failli ni dans sa mobilisation en termes de votants, ni dans celle de faire battre la droite et l’extrême droite. Le RN-FN était cantonné jusqu’en 2022 à faire un score électoral inférieur à 10 000 voix qui ne lui permettait pas d’accéder au second tour.
Entre le second tour de 2017, première élection de François Ruffin, et le premier tour de 2022, ce dernier perd déjà 4 000 voix. Entre le second tour de 2022 et le premier tour de 2024, il en perd 2000 de plus. Pendant ce temps-là, le RN passe de plus de 4 000 voix en 2002 à 21 000 en 2024.
Sur une ligne de rupture, on gagne des voix y compris dans la Somme
François Ruffin n’a de cesse de répéter que la Somme est un département à part, que le Rassemblement national y gagnant du terrain, il faut mener campagne différemment : il en a même fait un livre ! Plus récemment, et avant d’annoncer dans l’entre-deux tours son départ de La France Insoumise (LFI), il avait déclaré que, dans ce département en particulier, Jean-Luc Mélenchon était un « obstacle au vote », allant jusqu’à affirmer que le fondateur de LFI était un « boulet », distribuant même un tract « anti-Mélenchon » … avec le soutien de François Bayrou ! Ce faisant, il fermait les yeux sur le fait que son meilleur score était pourtant à Amiens Nord, dans un quartier populaire qui vote massivement LFI, tant aux présidentielles qu’aux européennes.
Mais si Jean-Luc Mélenchon est un « obstacle au vote », alors comment expliquer que, dans ce même département, dans la circonscription d’à côté, pourtant acquise à la droite depuis 1986 (taillée pour l’ancien ministre de Jacques Chirac, Gilles de Robien) et transmise depuis aux macronistes (en la personne de l’ex-ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili), une candidate LFI a été nouvellement élue en 2024 ?
Pourtant, elle avait fort à faire. Arrivée en tête au premier tour, elle faisait face au candidat RN et à celui de Macron qui s’est maintenu. Zahia Hamdane a su mobiliser les « bourgs et les faubourgs » avec plus de 68 % de votants. Pourtant, Jean-Luc Mélenchon figurait en bonne place sur sa profession de foi. Il faut dire aussi que, contrairement à d’autres dans le département, elle était de toutes les manifestations pour le cessez-le-feu à Gaza.
Il est donc possible de battre, et un candidat macroniste, et le RN, dans la Somme : il suffit, pour cela, de défendre une ligne de rupture. Notons d’ailleurs que l’ex-députée de la circonscription, Barbara Pompili, ex-ministre de Macron et députée de 2012 à 2022, a signé avec Laurence Tubiana la tribune du Monde : « Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain »…
Le soir de son élection, et de la victoire du Nouveau Front populaire, François Ruffin a fait le choix d’insister sur la « défaite » face au score et aux députés élus du RN. Oubliant volontairement au passage que dans la même ville que la sienne, une députée très clairement LFI a été élue. Un simple oubli ? Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir…
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/07/17/les-faits-sont-tetus-francois-ruffin/
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