« La répression allemande est allée crescendo de 1940 à 1944 » en Bretagne (LT.fr-28/07/24)

[Libération de la Bretagne 4/12] Le plus important massacre de civils en Bretagne a eu lieu à Gouesnou, le 7 août 1944 : 43 civils sont tués. Dans sa thèse, Dimitri Poupon (*) a retracé les événements qui ont mené au massacre de Penguerec. Une enquête qui lui a permis d’étudier les ressorts de la répression allemande en 1944.

Par Enora NICOLAS

En 1944, l’activité résistante augmente sensiblement. En réaction, les Allemands ont pour ordre de durcir la répression ?

Oui, notamment à partir de février 1944. Une ordonnance est édictée par le maréchal Hugo Sperrle, le numéro deux des troupes d’occupation en France. Elle explicite le fait que lorsque des troupes allemandes sont attaquées par des résistants, l’officier en charge de la troupe attaquée doit répliquer immédiatement, contrairement à ce qui se faisait jusque-là. La répression allemande est allée crescendo de 1940 à 1944.

En 1944, l’activité résistante augmente sensiblement. En réaction, les Allemands ont pour ordre de durcir la répression ?

Oui, notamment à partir de février 1944. Une ordonnance est édictée par le maréchal Hugo Sperrle, le numéro deux des troupes d’occupation en France. Elle explicite le fait que lorsque des troupes allemandes sont attaquées par des résistants, l’officier en charge de la troupe attaquée doit répliquer immédiatement, contrairement à ce qui se faisait jusque-là. La répression allemande est allée crescendo de 1940 à 1944.

Les exactions en Bretagne en 1944

Cette cartographie n’a pas prétention à l’exhaustivité. Etablie à partir de 338 faits vérifiés, elle donne cependant une idée, pour les lieux retenus, de l’importance en 1944 de la répression et des exactions commises par les Allemands.

Le Débarquement du 6 juin 1944 ouvre une période d’extrêmes violences de la part des Allemands, qui va s’étendre jusqu’à l’arrivée des Américains…

Dans les plans du Débarquement, la Résistance a un grand rôle à jouer. Elle sort de sa cachette pour faire dérailler des trains, attaquer des unités, ralentir la progression des troupes vers le front de Normandie. Les Allemands se sentent attaqués de toutes parts. C’est vrai et ils amplifient ce sentiment car ils sont assez paranoïaques. Depuis la guerre de 1870-1871, les Allemands détestent les guérillas. Pour eux, la guerre, c’est se battre sur un champ de bataille et ce sont les couards qui se battent en guérilla. Ils ne comprennent pas la Résistance.

Dans les sièges des Festungen, il n’y a pas un seul massacre. Les généraux allemands savent qu’ils vont perdre la guerre et que les Alliés préparent des tribunaux. Or c’est difficile de nier des exactions commises dans un siège. De nombreux généraux vont ainsi soutenir qu’ils n’ont massacré personne. C’est de là que naît le mythe de « la Wehrmacht aux mains propres »

Le 7 août 1944, 43 civils sont exécutés à Gouesnou (29). Que s’est-il passé ?

Dans la nuit du 5 au 6 août, des SAS français, chargés de faire du renseignement, arrivent à Gouesnou. Au matin du 7 août, les Américains se rapprochent : Plabennec, Bourg-Blanc… Un groupe de résistants de Gouesnou entre en contact avec les SAS, ils décident alors de libérer le bourg conjointement. Pour cela, il faut réussir à prendre l’église car le clocher sert de tour d’observation pour les Allemands. L’attaque débute en début d’après-midi, menée par une dizaine de résistants et quelques SAS. Les Allemands sont trois. Mais l’assaut est un échec. Les Allemands appellent du renfort de Roc’h Glaz. Le groupe décroche, deux SAS sont tués, le reste parvient à se replier. En réaction, les Allemands arrêtent une cinquantaine de personnes présentes dans le périmètre. Simultanément, il y a un flou sur ce qu’il s’est passé au lieu-dit Penguerec. Dans les champs alentour, un projecteur allemand est pris pour cible. Les Allemands venant de Roc’h Glaz se dirigent alors vers la ferme des Phélep à Penguerec où se trouvent plusieurs familles : les Phélep, les Simon (voisins) et les Kerboul (réfugiés). Les parents Phélep et leurs deux enfants aînés, Pierre et Francine, sont tués. Marie Kerboul est aussi abattue par les Allemands. Marie-Jeanne Luslac, qui vient voir sa famille à Penguerec, est tuée dans une rafale de tirs. Les Allemands incendient la ferme. Ensuite, ils se rendent dans le bourg de Gouesnou où ils procèdent à l’arrestation des otages, qu’ils conduisent à Penguerec pour les fusiller.

À lire sur le sujet Le massacre de Penguérec vaut bien une BD contre l’oubli

D’autres massacres ont-ils lieu à cette période ? Est-ce que ce sont des ordres ou plutôt des soldats qui « dérapent » alors que la défaite est actée ?

Il y a plusieurs massacres : Pont-de-Buis-Lès-Quimerc’h, Guipavas, Saint-Pol-de-Léon… C’est souvent en réaction à quelque chose. Ils dérapent parce qu’ils ont peur. Et ils sont convaincus d’être dans leur bon droit. C’est rare qu’ils massacrent gratuitement même s’il y a le cas de la 2e division de parachutistes du général Ramcke qui, dans son repli vers Brest, à travers les monts d’Arrée, tue environ 200 personnes. En revanche, dans les sièges des Festungen (forteresses, NDLR), il n’y a pas un seul massacre. Les généraux allemands savent qu’ils vont perdre la guerre et que les Alliés préparent des tribunaux. Or c’est difficile de nier des exactions commises dans un siège. De nombreux généraux vont ainsi soutenir qu’ils n’ont massacré personne. C’est de là que naît le mythe de « la Wehrmacht aux mains propres », étayé par des historiens britanniques et américains, car les Alliés ont besoin de l’Allemagne de l’Ouest dans la Guerre froide.

Dimitri Poupon, docteur en histoire contemporaine à l’Université de Bretagne occidentale, Kris, scénariste de BD, et Florent Calvez, dessinateur, devant les ruines de la ferme Phélep, à Gouesnou, où le massacre de Penguérec a été perpétré le 7 août 1944.
Dimitri Poupon, docteur en histoire contemporaine à l’Université de Bretagne occidentale, Kris, scénariste de BD, et Florent Calvez, dessinateur, devant les ruines de la ferme Phélep, à Gouesnou, où le massacre de Penguérec a été perpétré le 7 août 1944. (Le Télégramme / Arnaud Morvan)

Comment expliquer ces différents massacres ?

Pourquoi des « hommes ordinaires » en arrivent à massacrer des gens ? Il n’y a pas que les ordres ou le fait qu’ils soient en train de perdre la guerre… C’est plus complexe que cela. À Gouesnou, il y a un sentiment de trahison chez les Allemands de cette batterie vis-à-vis des habitants avec qui ils vivaient tous les jours depuis le début de l’Occupation. Enfin, en août 1944, faire des otages n’est pas pertinent car ce n’est plus possible de les déporter vers l’Allemagne.

(*) Dimitri Poupon est docteur en histoire contemporaine à l’Université de Bretagne occidentale et au Centre de recherche bretonne et celtique de Brest. Sa thèse sur le massacre de Penguerec, soutenue en 2022, sera publiée au cours de l’été. Une adaptation en bande dessinée par Kris et Florent Calvez est également sortie. Dimitri Poupon se destine à l’enseignement.

Cet article est issu de l’ouvrage inédit du Télégramme sur la Libération de la Bretagne. À commander en ligne ici

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Source; https://www.letelegramme.fr/bretagne/la-repression-allemande-est-allee-crescendo-de-1940-a-1944-en-bretagne-6628344.php

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