Portrait d’une députée NFP/LFI: Zahia Hamdane, quand un « pur produit des quartiers populaires » entre au Palais Bourbon (H.fr-1/08/24)

Zahia Hamdane à Amiens, élue députée NFP dans la 2ème circonscription de la Somme. © Nicolas Cleuet/Le Pictorium.

Fille d’un soldat harki et d’une résistante algérienne, cette travailleuse sociale originaire des quartiers nord d’Amiens, élue sous l’étiquette FI, espère susciter des vocations, notamment parmi la jeunesse issue de l’immigration.

Maël GALISSON.

Ses souvenirs d’enfance dans la cité de la Briquetterie semblent intacts. C’est dans ce quartier d’Amiens Nord, construit à la hâte par les autorités pour reloger les soldats harkis et leurs familles, qui fuyaient les représailles après l’indépendance algérienne de 1962, qu’a grandi l’insoumise Zahia Hamdane, élue dans la 2e circonscription de la Somme en juillet. « C’était vraiment minimaliste, se remémore la néodéputée, il y avait une grande pièce, chauffage au charbon et électricité, mais les murs étaient presque de paille. »

« Pur produit des quartiers populaires », Zahia Hamdane a vécu une enfance « entre deux mondes », entre l’héritage de son père harki, Brahim, et celui de sa mère Rebia et de son grand-père maternel, tous deux membres du Front de libération nationale. « Je ne peux pas vous dire ce qu’il s’est passé pendant la guerre, s’excusait parfois Rebia face aux questions de ses enfants, si je vous en parle, peut-être que vous n’aimerez plus la France. »

« Réparer des vies »

« Je me revois, jouant tous ensemble avec des copains du quartier, on était heureux », retient malgré tout l’élue de 59 ans, qui garde de cette époque « un esprit de revanche face à la vie ». À Amiens, la famille Hamdane repart de zéro. Son père se fait embaucher comme ouvrier, d’abord sur les chaînes de l’usine Ferodo, fournisseur de l’industrie automobile, puis à la manufacture Cosserat, fleuron du textile amiénois. De son côté, sa mère réalise des travaux de couture pour les habitants de la cité de la Briquetterie.

« Comme pour l’hôpital, les institutions du social ne tiennent que grâce au bon vouloir des professionnels à la base. »Zahia Hamdane

La jeune Zahia Hamdane veut « réparer des vies » et s’oriente donc, après de courtes études, vers les métiers du médico-social. La future élue France insoumise (FI) se forme à plusieurs reprises et expérimente différentes fonctions, d’animatrice en centre de loisirs à directrice d’un établissement de protection de l’enfance, en passant par éducatrice spécialisée. Le fonctionnement et les conditions pour exercer dans le secteur, pourtant, la heurtent.

À tel point, qu’avant d’être propulsée à l’Assemblée, la mère de trois enfants comptait quitter son poste. « En tant que travailleurs sociaux, on a la responsabilité d’accompagner ces jeunes, de leur offrir un avenir, mais on est toujours confrontés à la question des moyens financiers » se désole-t-elle, avant d’ajouter : « Comme pour l’hôpital, les institutions du social ne tiennent que grâce au bon vouloir des professionnels à la base. »

En 2016, le programme « l’Avenir en commun » de la France insoumise sert de déclencheur à son engagement politique. « L’organisation gazeuse me convenait », indique celle qui se sent « à l’étroit dans un syndicat ou un parti classique ». Élue conseillère régionale dans les Hauts-de-France en 2021, elle se présente à la députation en 2022 sous l’étiquette Nupes, mais est battue par la ministre macroniste de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Critique de François Ruffin

Passé la stupéfaction de la dissolution le 9 juin dernier, Zahia Hamdane repart en campagne. Les scores élevés du RN lors des européennes (42,56 % dans la Somme) créent un déclic : « On a vu arriver beaucoup de primo militants, se souvient-elle, des personnes qui n’avaient jamais tracté ou collé une affiche et qui se sont dit « là, il faut que je fasse quelque chose ». »

L’élue relate une campagne « intense et violente », marquée par plusieurs agressions de militants de gauche par l’extrême droite et par le refus du candidat Ensemble, Hubert de Jenlis, de se désister et d’appeler au barrage républicain. D’un naturel calme mais déterminé, elle sort en tête de la triangulaire, avec 35,8 % des voix, deux points devant la Macronie.

Dans la circonscription d’à côté, le député sortant François Ruffin, en difficulté face au RN, a lui choisi de rompre pendant l’entre-deux-tours avec la FI, reprochant au mouvement de Jean-Luc Mélenchon de ne pas s’adresser suffisamment aux classes populaires.

« Le choix de François de prendre ses distances de manière radicale et très agressive, qui plus est en pleine campagne, a été questionnant et peu glorieux », juge sévèrement l’autre députée NFP de la Somme. Zahia Hamdane écarte les critiques de l’ex-journaliste : elle en est convaincue, « le programme du NFP parle à tous les citoyens, qu’ils vivent dans des tours ou des bourgs ».

À l’Assemblée, Zahia Hamdane a rejoint la commission des Affaires sociales et espère relancer la commission d’enquête sur la protection de l’enfance, suspendue suite à la dissolution. L’ancienne gamine de la cité de la Briquetterie, première fille de harki élue au Palais Bourbon, espère que son exemple « donnera envie à d’autres, issus des minorités, de se sentir légitimes à s’engager en politique ».

°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/amiens/zahia-hamdane-quand-un-pur-produit-des-quartiers-populaires-entre-au-palais-bourbon

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/portrait-dune-deputee-nfp-lfi-zahia-hamdane-quand-un-pur-produit-des-quartiers-populaires-entre-au-palais-bourbon-h-fr-1-08-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *