
Voilà deux ans qu’Ariane, 50 ans, mère isolée et atteinte d’une maladie invalidante, attend l’attribution d’un logement social à Brest. Elle devrait être en haut de la pile, mais la crise du logement est telle qu’elle attend toujours. Elle a voulu témoigner.
Par Jean-Luc PADELLEC.
La voix posée, le phrasé impeccable, Ariane Barillé débite son histoire sans haine, mais avec la ferme intention d’alerter les pouvoirs publics. Au 1er janvier 2024, 7 500 personnes étaient en attente d’un logement social à Brest. Ariane ne l’ignore pas et « ne cherche pas l’aumône. Durant ces deux dernières années, j’ai assimilé que mon cas n’était pas isolé, que les logements d’urgence font défaut, que la majorité des demandeurs sont des parents isolés ».
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« J’ai toujours eu confiance dans nos institutions mais, j’avoue, un peu moins désormais », soupire pourtant la quinqua qui a été architecte, bien loin d’imaginer alors qu’elle se retrouverait un jour sans toit. Ces dernières années, la découverte d’une maladie génétique dégénérative puis la séparation avec son mari l’ont pourtant fait dériver vers une pente savonneuse.
Un combat avant tout pour sa fille
À 50 ans, et avec une pathologie compliquée qui l’oblige à se rendre à l’hôpital très régulièrement, la voici en incapacité de travailler, et bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé (AAH). Sans logement depuis deux ans, sans famille qui les épaulerait, elle et sa fille de 13 ans squattent le canapé des amis, quinze jours chez l’un, une semaine chez l’autre, pour ne pas se retrouver à la rue.
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Ce qui la mine le plus, ce n’est ni d’être malade ni d’être mère isolée, mais de devoir faire endurer cette situation à sa fille. « Comment se peut-il qu’une enfant de 13 ans ait à vivre cette expérience ? Demain, peut-être fera-t-elle encore ses devoirs à la lueur des bougies, sans chauffage ni électricité, ni même l’intimité nécessaire à son adolescence ».
Assaillie par le sentiment coupable « de ne pas être à la hauteur de son rôle de mère », Ariane a tapé à toutes les portes, et connu trois assistantes sociales différentes « qui ont toutes fini en arrêt de travail ». « Ces personnes voient passer tellement de misère, de douleur, d’insécurité qui leur est envoyée par nous, les vagabonds, les sans-travail, les sans-papiers, les isolés, les handicapés », les dédouane-t-elle.
À la rentrée dans un fourgon
À la rentrée, sa fille, brillante à l’école, reprendra le chemin du collège à Brest. Et Ariane, dont les amis habitent assez loin de la cité du Ponant, n’aura alors d’autre choix que de dormir dans un modeste fourgon, acquis en mai dernier, et qu’elle a aménagé elle-même. Mais elle redoute déjà la prochaine étape : la perte de la garde alternée de sa fille, « parce que je n’aurai pas de chambre à lui offrir. Cette issue, c’est sans doute ce qu’il y a de mieux pour elle. Moi, j’ai pu survivre à tout, mais je ne survivrai pas sans elle. Elle est tout ce qu’il me reste ».
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Si rien ne bouge d’ici à la rentrée, il lui reste encore la carte de la grève de la faim sur le parvis de la mairie. Une issue radicale qu’elle n’exclut pas : « Je suppose qu’à ce moment-là, j’obtiendrai l’attention que méritent ma situation et celle de milliers d’entre nous ».
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