
Plus connue sous son nom de guerre Nicole Minet, la combattante d’Eure-et-Loir restera un symbole des combats contre les troupes nazies. Sa photo fera le tour du monde.
Par Latifa MADANI.
Ce 23 août 1944, le général de Gaulle est à Chartres pour célébrer la libération de la ville. Une jeune femme de 18 ans, mitraillette à la main, pose devant l’objectif de Jack Belden, photographe américain. L’image, en faisant le tour du monde, fera de Simone Segouin une icône de la Résistance. Mais, après la guerre, la combattante est restée discrète sur sa terre eurélienne, loin des honneurs et des cérémonies mémorielles.
Pourtant, la jeune couturière, agent de liaison pour le réseau des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), a un parcours aussi héroïque que singulier. Elle fait partie de cette minorité de femmes résistantes à avoir pris les armes et participé à des combats de rue. Elle est la seule femme à défiler dans Chartres libérée devant de Gaulle. Elle est aussi, pour l’époque, une des rares à avoir été en couple et mère de 6 enfants sans jamais se marier. Une femme libre, courageuse et modeste.
Première mission : dérober une bicyclette
Née le 3 octobre 1925 à Thivars près de Chartres, dans une famille de cultivateurs, elle travaillait à la ferme et apprenait la couture. Son père, communiste, avait fait la Grande Guerre. En 1940, il coordonne un réseau de résistance. La petite Simone a de qui tenir. Mais son héritage familial n’explique pas tout.
Son entrée en résistance a été accélérée par un concours de circonstances, comme en témoigne son récit dans les publications de la Fondation de la résistance 1. Lorsque la guerre éclate, les Allemands demandent à son père, conseiller municipal, une liste de jeunes filles susceptibles de travailler à leur service. Pour protéger sa fille, il dit qu’elle est couturière. Qu’à cela ne tienne, les Allemands apportent des travaux de couture.
Mais comment éviter les allers et retours dans la ferme familiale, QG des résistants FTP du secteur. Pas d’autre choix donc que de faire partir la jeune femme. Du haut de ses 18 ans, Simone quitte le domicile familial, entre dans la clandestinité et en résistance pour le réseau des FTP et devient « Nicole Minet ».
Agente de liaison, sa première mission fut de se procurer une bicyclette. Elle la dérobera à une secrétaire allemande de la Kommandantur qui venait tous les jours à l’hôtel des postes de Chartres chercher du courrier. « J’ai attendu qu’elle soit rentrée dans la Poste et j’ai alors pris son vélo sans être inquiétée. C’était tout de même risqué et j’ai eu de la chance. Arrivée à ma planque, je l’ai repeinte en bleu pour que personne ne la reconnaisse. »
“Si c’était à refaire, je le referais”
Elle sillonnera les routes du département, de Chartres à Châteaudun en passant par Dreux, convoyant des armes et portant des messages. Elle n’a pas peur, rien ne l’arrête. Les FTP lui proposent de prendre les armes, ce qui était plutôt rare. Elle sera formée et participera à des combats de rue et des missions de terrain sous le commandement du lieutenant Roland Boursier, dit Germain, qui deviendra plus tard son compagnon. Simone Segouin raconte souvent cette mission de sabotage d’une ligne ferroviaire en juin 1944.
Elle était chargée de prévenir le chef de gare pour éviter le déraillement de wagons transportant des civils. Le 20 août 1944, deux mois après le débarquement de Normandie, sa section doit arrêter un soldat allemand dans un bois près de Thivars. En fait, il y en avait 23. Elle les désarme et les fait prisonniers. C’est à cette occasion, tient-elle souvent à préciser, qu’elle a récupéré la fameuse mitraillette, un pistolet-mitrailleur MP40.
Elle ne l’a jamais utilisée, n’a jamais combattu avec, assure-t-elle. C’est pourtant avec cette arme qu’elle sera prise en photo. Quelques jours plus tard, elle rejoint la capitale avec ses compagnons et participe à la libération de Paris. Le 25 août, elle pose une nouvelle fois aux côtés de résistants FFI, sous l’objectif du même photographe qui lui consacrera un long article dans le magazine Life.
Après la guerre, Simone Segouin entreprend des études de médecine et deviendra infirmière en pédiatrie. Elle s’est attachée à transmettre cette page d’histoire aux jeunes générations. Peu avant sa mort, elle confiait à l’Écho républicain : « J’ai fait mon devoir comme d’autres femmes l’ont accompli comme moi dans la Résistance. Si c’était à refaire, je le referais parce que je ne regrette rien. Non, je n’ai aucun regret. » Nombreux ont salué « sa force de caractère, sa fougue et son courage ». Simone Segouins’est éteinte à Courville-sur-Eure,le 21 février 2023. Elle avait 97 ans.
- « La Résistance photographiée à la Libération », dans les Cahiers de la Fondation de la Résistance, et « La jeune résistante armée de Chartres » dans la Lettre de la Fondation de la Résistance, sur fondationresistance.org. ↩︎
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