Nouveau Premier ministre : les cinq favoris d’Emmanuel Macron pour contourner le NFP (H.fr-21/08/24)

L’Humanité passe en revue les profils des principaux candidats. Ceux qui semblent aujourd’hui les plus crédibles.
© Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM

Depuis plusieurs semaines, quelques noms de potentiels premiers ministrables reviennent comme Bernard Cazeneuve ou Xavier Bertrand. Le chef de l’État cherche un profil lui permettant d’éviter de reconnaître sa défaite.

Maël GALISSON.

Lucie Castets a « hâte que la cohabitation commence », mais pas Emmanuel Macron. C’est pourquoi le président de la République tente tout pour contourner la candidate du Nouveau Front populaire. Quitte à faire fi de la réalité politique issue des résultats électoraux.

Le chef de l’État, qui considère que « personne n’a gagné les élections », mûrit son plan depuis près de sept semaines. Qui pour remplacer Gabriel Attal ? Le bout du tunnel serait proche, en témoigne la convocation à l’Élysée, ce vendredi 23 août, des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires. La nomination du prochain premier ministre « interviendra dans le prolongement des consultations et de leurs conclusions ». Mais comme la nature (médiatique) a horreur du vide, les rumeurs vont bon train. Ballon d’essai ou leurre, le mystère reste épais. Une chose semble actée : Emmanuel Macron ne veut pas que le futur chef de gouvernement bouleverse sa politique économique.

Alors, à l’Élysée, on s’active pour brouiller les pistes et, au passage, tenter de fissurer l’unité de la gauche. On fouille dans les carnets d’adresses et on ressort des vieilleries héritées du chiraquisme ou de la Hollandie : Michel Barnier, ancien ministre des Affaires étrangères de Jean-Pierre Raffarin (lui-même évoqué), Xavier Bertrand, quatre fois ministre entre 2004 et 2012, ou encore Bernard Cazeneuve, l’ex-premier ministre de François Hollande. Des profils régulièrement cités ces dernières années à chaque remaniement.

Mais la liste s’est allongée, y compris avec des noms improbables comme celui du maire LR de La Baule (Loire-Atlantique), Franck Louvrier. D’autres émergent de manière savamment pilotée, comme celui du maire PS de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), Karim Bouamrane. L’Humanité passe en revue les profils des principaux candidats. Ceux qui semblent aujourd’hui les plus crédibles.

Bernard Cazeneuve, le cheval de Troie anti-NFP

C’est le caillou dans la chaussure du NFP qui vient fragiliser sa candidate, Lucie Castets, comme le PS, son ancienne maison. Depuis plusieurs semaines, le nom de Bernard Cazeneuve, ancien premier ministre socialiste d’un François Hollande en bout de course et ex-maire de Cherbourg (Manche), circule.

Officiellement, il ne serait pas demandeur mais indique « être préoccupé que le pays ne bascule pas dans le déclassement ou dans l’ingouvernabilité ». Si elle séduit une partie du PS, dont bon nombre d’éléphants, l’idée fait frémir le NFP. L’insoumis Paul Vannier verrait dans sa nomination une « trahison totale des millions d’électeurs qui n’ont jamais voté pour un retour aux années Hollande ».

Même son de cloche chez les communistes, qui défendent Lucie Castets plutôt qu’un « socialiste en rupture de ban », qui appliquerait « la même politique que celle portée depuis sept ans », d’après les mots du porte-parole et sénateur Ian Brossat. Bernard Cazeneuve n’est pas non plus une solution pour les écologistes, ne serait-ce que pour sa « gestion catastrophique du dossier Sivens » marquée par la mort du militant écologiste, en 2014. Il était alors ministre de l’Intérieur.

C’est d’ailleurs lors de son passage Place Beauvau qu’a été adoptée la loi « Sécurité publique », laquelle permet à la police d’ouvrir le feu sur un automobiliste en cas de refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier. Ou encore qu’ont été mises en place les assignations à résidence d’activistes écologistes pendant la COP21 en 2015.

Foncièrement hostile à la Nupes comme au NFP, cet anti-insoumis assumé a quitté le PS pour fonder La Convention, avec quelques caciques de l’aile sociale-libérale du parti à la rose.

Xavier Bertrand, la prétendue « droite sociale »

Il serait « prêt à relever le défi » de Matignon, d’après l’un de ses proches cité dans le Figaro. Même si l’actuel président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, est loin de faire l’unanimité dans son propre camp, lui qui entretiendrait des relations exécrables avec Laurent Wauquiez, président du groupe à l’Assemblée aux ambitions présidentielles assumées. L’ancien maire de Saint-Quentin (Aisne) se trouve pourtant au barycentre d’une union entre Macronie et droite traditionnelle.

Ancien agent d’assurance chez Swiss Life, l’ex-député de l’Aisne peine à camoufler son opposition de façade avec le chef de l’État. Sur le fond, ils sont en réalité très proches. Xavier Bertrand, 59 ans et partisan d’une droite qui n’a de « social » que le nom, fut un fervent défenseur du traité sur la constitution européenne de 2005 et, comme ministre du Travail entre 2007 et 2008, celui qui a porté le projet de réforme des régimes spéciaux de retraite.

Proche des chasseurs, son arrivée en 2015 à la tête de la région des Hauts-de-France coïncide avec une baisse drastique des subventions destinées aux associations environnementalistes. Mais son opposition sincère au RN, dans un territoire où se développe l’extrême droite, lui permet de ne pas être totalement honni de la gauche. Voilà qui pourrait plaire à Emmanuel Macron.

Karim Bouamrane, l’opportuniste macron-compatible

Ballon d’essai ou de baudruche ? En l’espace de quelques jours, le maire PS de Saint-Ouen depuis 2020, Karim Bouamrane, 51 ans, s’est fait un nom à l’échelle nationale.

Ex-porte-parole du PS de Jean-Christophe Cambadélis, l’ancien soutien de Manuel Valls lors de la primaire socialiste de 2017 plaît à l’aile sociale-libérale du parti, jusqu’à séduire une partie de la Macronie. Le baron noir du PS, Julien Dray, voit en lui « la relève de la gauche » ; l’ancien conseiller en communication de François Hollande, Gaspard Gantzer, considère qu’il a « clairement le profil pour l’Élysée », quand l’ex-député LaREM de Paris, Clément Beaune, salue sa volonté de construire une coalition.

Rassembleur, Karim Bouamrane ne l’a pas toujours été. L’ancien adhérent du Parti communiste, à peine élu, en 2008, conseiller municipal sur une liste du PCF, a saisi la première opportunité pour rallier le PS. En 2014, la liste PS/EELV qu’il mène lors des élections municipales divise la gauche et permet à l’UDI William Delannoy de remporter la mairie communiste depuis 1945. Lors des législatives de 2017, il refuse d’appeler à voter pour le candidat FI, Éric Coquerel, dans son duel face au macroniste Sébastien Ménard.

Spécialiste des questions de cybersécurité, cet ancien entrepreneur de la Silicon Valley rêve de faire de sa commune une « start-up nation du 93 ». Son penchant sécuritaire le pousse aussi à augmenter les effectifs de police dans sa ville, où il a instauré un couvre-feu pour les mineurs.

Valérie Pécresse, la naufragée de 2022

Valérie Pécresse surfe sur l’embellie née des jeux Olympiques. « Il y a trois ans, la maire de Paris, la présidente de la région Île-de-France et moi nous étions en compétition les uns contre les autres pour l’élection présidentielle, loue Emmanuel Macron à son sujet dans un entretien à l’Équipe publié le soir de la clôture. Et pourtant, on a travaillé ensemble et je les en remercie. » L’idylle pourrait continuer avec le chef de l’État.

L’époque de son inimitié avec le camp présidentiel semble loin. Pendant d’un remaniement lors de son premier mandat, le président de la République se refusait alors à l’idée de nommer Valérie Pécresse à Matignon, estimant « ne pas avoir confiance en elle ». Aujourd’hui, la Macronie loue les qualités de l’ancienne députée des Yvelines, décrite comme « remarquable de pragmatisme » et « d’intelligence » par la secrétaire d’État démissionnaire, Sabrina Agresti-Roubache.

Présente dans les cortèges de la Manif pour tous en 2013, opposée à la PMA et à la GPA, Valérie Pécresse, 57 ans, reste sur un échec cuisant lors de la dernière présidentielle, où elle n’a recueilli que 4,78 % des voix, soit le plus faible score de la droite.

Lors de cette campagne, l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de François Fillon défendait une ligne ultralibérale, réclamant « la retraite à 65 ans, la dégressivité des allocations-chômage et une grande réforme visant à diminuer la pression fiscale ».

Michel Barnier, l’éternel candidat à Matignon

Un CV long comme le bras. Ministre de l’Environnement, des Affaires étrangères, de l’Agriculture, commissaire européen, sénateur, député, eurodéputé, président de conseil départemental… Michel Barnier a cinquante années de vie politique au service de la droite derrière lui. Mais il lui manque Matignon, poste qui l’intéresse, d’après l’Opinion.

À la différence de Xavier Bertrand, l’ancien négociateur de l’Union européenne pour le Brexit entretient de bonnes relations avec Laurent Wauquiez. Un atout qui pourrait se révéler déterminant, vu les équilibres au sein de l’Assemblée, pour conclure un pacte de gouvernement.

En juin, ce poids lourd de la droite qualifiait la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale de « pari très risqué ». Mais l’expérience, en France et à l’échelle européenne, et le CV de l’ancien député de Savoie jouent pourtant en sa faveur.

Celui qui se définit comme « un libéral ne croyant pas à l’autorégulation des marchés » a porté la campagne en faveur du traité de constitution européenne en 2005. La victoire du « non » lors de ce référendum ne l’empêchera pas, deux ans plus tard, de faire partie de l’équipe des rédacteurs du traité de Lisbonne. Lors de la campagne des primaires LR de 2021, où il a fini en troisième place, il a porté la même ligne libérale.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/emmanuel-macron/nouveau-premier-ministre-les-cinq-favoris-demmanuel-macron-pour-contourner-le-nfp

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/nouveau-premier-ministre-les-cinq-favoris-demmanuel-macron-pour-contourner-le-nfp-h-fr-21-08-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *