« Entreprises et prestataires viticoles tirent profit de la misère humaine », dénonce la CGT Champagne (H.fr-21/08/23)

« Dans certaines exploitations, les hébergements sont indignes, équipés de bâches en plastique et de palettes en bois sur lesquelles dorment les ouvriers » explique Philippe Cothenet. © Monasse T/ANDBZ/ABACAPRESS.COM

En septembre 2023, quatre vendangeurs sont décédés en Champagne lors les vagues de chaleur. Philippe Cothenet (CGT champagne) dénonce la dégradation délétère des conditions de travail dans cette profession.

Par Samuel EYENE.

Où en est l’enquête sur la mort des ouvriers agricoles pendant les vendanges en Champagne, l’année dernière ?

Philippe Cothenet (CGT champagne)

Pour l’heure, nous n’en savons pas plus. Seules les familles ont eu accès au dossier et peuvent choisir de porter plainte ou non. D’après la presse régionale, il n’y a eu qu’un cas avéré d’accident du travail. Mais, quoi qu’il en soit, il faut agir pour empêcher que de tels drames ne surviennent à nouveau, surtout en cas de fortes chaleurs.

Même les inspecteurs du travail expliquent qu’ils n’ont pas les moyens de permettre aux salariés agricoles de cesser le travail en cas de situation critique, car il n’y a ni loi ni décret qui aillent dans ce sens. Pire, le gouvernement prend aujourd’hui des décisions contraires aux droits des travailleurs. Ces textes, comme le décret qui suspend le repos hebdomadaire des salariés agricoles, sont dangereux.

Comment expliquer la précarisation de cette profession ?

Plusieurs facteurs expliquent cela. C’est avant tout un métier très physique qui demande de faire face aux aléas climatiques. Il y a quarante ans, les salariés des vendanges travaillaient uniquement avec des contrats à taux horaire. Les gens venaient de Meurthe-et-Moselle, du Nord ou d’ailleurs, ils passaient leurs journées dans les vignes puis rentraient faire la fête. Malheureusement, ce n’est plus le cas depuis la fin des années 1980.

« Dans certaines exploitations, les hébergements sont indignes, équipés de bâches en plastique et de palettes en bois sur lesquelles dorment les ouvriers. »

Les viticulteurs se sont peu à peu tournés vers les gens du voyage car la loi, alors, a rendu plus difficile l’accès à des logements pour les saisonniers. Ils ont également opté pour des sociétés prestataires. Ils ont cherché à aller toujours plus vite en réduisant les coûts. C’est là qu’est intervenu le problème du contrat de travail à la tâche. Les salariés qui y sont assujettis doivent désormais cueillir toujours plus pour espérer obtenir un salaire décent. On image l’amplitude horaire…

La récente inscription (le samedi 2 mars – NDLR) de l’agriculture dans le secteur des métiers en tension n’arrange pas les choses. Les sociétés de prestations ont maintenant le champ libre pour aller chercher de la main-d’œuvre étrangère, généralement en Afrique de l’Ouest ou en Europe de l’Est.

Elles font venir des personnes vulnérables, corvéables et qui n’iront probablement pas aux prud’hommes en cas de litige. La CGT champagne s’est déjà constituée partie civile dans des procès concernant des salariés exploités et non rémunérés. Certaines entreprises et certains prestataires viticoles tirent profit de cette misère humaine et, malheureusement, il faudrait une prise de conscience des donneurs d’ordres.

Dans certaines exploitations, les hébergements sont indignes, équipés de bâches en plastique et de palettes en bois sur lesquelles dorment les ouvriers. Dans ces campements, ces logements de fortune de type bidonville, s’entassent des familles entières venues de pays de l’Est. Cela a été le cas notamment dans la commune de Grauves, dans la Marne. Mais il en pullule partout ailleurs.

Il existe aussi les sociétés de prestations dites champignons. Ce ne sont pas les plus respectueuses du droit du travail. Elles sont créées une ou deux semaines avant le début des vendanges et disparaissent dès la fin de la saison pour éviter les contrôles ou les plaintes.

Que préconise donc la CGT pour éviter de nouveaux drames ?

L’une des premières réformes à mettre en place concerne l’arrêt des contrats à la tâche. C’est une mesure indispensable pour contrer cette précarisation à marche forcée. Mais cela ne peut se faire qu’à la condition d’une revalorisation du taux horaire bien au-delà du Smic. Dans les grands crus, le kilo de raisin se vend entre 8 et 12 euros. C’est le raisin le plus cher au monde. Pourtant, les travailleurs qui les récoltent sont payés le minimum légal.

Deuxièmement, le gouvernement doit permettre aux travailleurs d’avoir des pauses et de pouvoir s’arrêter en cas de canicule. Prenons l’exemple de l’Espagne. Dans le BTP, en cas de forte hausse des températures, les salariés sont tenus de faire une pause. Il faut également leur permettre de ne travailler que sur des amplitudes matinales.

Enfin, aujourd’hui, seule une poignée de grands vignobles accordent des journées de repos payées aux salariés. Ce devrait être la norme. Pourtant, le gouvernement vient d’autoriser les employeurs à suspendre un jour de repos hebdomadaire de leurs salariés. Cette mesure, aussi, doit être supprimée.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculture/entreprises-et-prestataires-viticoles-tirent-profit-de-la-misere-humaine-denonce-la-cgt-champagne

URL de cet article:https://lherminerouge.fr/entreprises-et-prestataires-viticoles-tirent-profit-de-la-misere-humaine-denonce-la-cgt-champagne-h-fr-21-08-23/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *