Les combattants de la Libération: le Général Leclerc, de l’Action française à la France en action (H.fr-22/08/24)

Le général français Philippe Leclerc attend de défiler sur l’avenue des Champs-Élysées, le 26 août 1944, avec ses troupes de la 2e Division Blindée (2e DB), après la Libération de Paris, le 25 août 1944. © GEORGES MELAMED / AFP

Il est un héros de la nation, résistant de la première heure, issu de l’aristocratie, et d’abord marqué très à droite. Mort accidentellement deux ans après la guerre, Philippe « Leclerc » de Hauteclocque reste encore aujourd’hui un homme méconnu malgré son rôle majeur.

Par Benjamin KÖNIG.

L’homme qui entre dans Paris le 25 août 1944, celui de la 2e division blindée (2e DB) et du serment de Koufra, est sans doute, pour les Français, le plus célèbre militaire résistant, avec le général de Gaulle. Pourtant, bien peu connaissent l’homme qui se cache derrière « Leclerc », son pseudonyme de guerre : Philippe François Marie de Hauteclocque.

Rien ne prédestinait ce fervent catholique, noble, maurrassien et antisémite, à devenir un héros de la Résistance. Il est même l’une de ses figures majeures, considéré comme le libérateur de Paris – puis de Strasbourg – à la tête de la fameuse 2e DB. C’est lui qui signa, au soir du 25 août 1944, aux côtés du chef de la Résistance interne parisienne, le communiste Henri Rol-Tanguy, l’acte de reddition du général von Choltitz.

Des zones d’ombres derrière la figure nationale

Peu d’hommes sont à ce point entrés dans la mémoire collective : du serment de Koufra à la prise – contestée – du nid d’aigle d’Adolf Hitler, le général Leclerc incarne la Résistance gaulliste et la libération du pays. Une « gloire nationale » au destin foudroyant et tragique, mis en terre lors d’obsèques nationales réunissant des dizaines de milliers de personnes, maréchal de France à titre posthume, et qui se place encore aujourd’hui à la septième place en nombre de rues à son nom.

Car, le général Leclerc sut parfaitement bâtir le récit de son épopée, malgré des épisodes obscurs, depuis son admiration pour Charles Maurras jusqu’à l’affaire des Waffen SS français fusillés aux premiers jours de son séjour en Allemagne en mai 1945, à la suite d’un ordre assez flou donné par Lui : « Débarrassez-moi de ces gens-là ! »

Lorsqu’il descend les Champs-Élysées en compagnie de son alter ego, le général de Gaulle, le 26 août 1944, les combats font encore rage dans Paris, mais l’essentiel est accompli : en deux jours, sous la pression des chars de sa 2e DB et surtout de l’insurrection des forces résistantes de la capitale dirigées par Rol-Tanguy, la majeure partie de la ville est libérée.

En réalité, l’insurrection parisienne avait débuté dès le 19 août, précipitant l’ordre donné par de Gaulle d’envoyer Leclerc vers Paris, forçant la main au général Eisenhower, puisque les Forces françaises libres étaient placées sous commandement américain : depuis son débarquement en Normandie, le 1er août 1944, la 2e DB dépendait de la 3e armée du général Patton.

Du monarchisme à la France libre

Rien n’avait pourtant prédestiné Philippe de Hauteclocque à s’engager dès le 17 juin 1940 dans la Résistance, après avoir lutté au sien de l’armée française contre l’offensive allemande. Né en 1902 dans le château familial de la Somme, issu d’une famille noble originaire d’Artois et dont l’ascendance remonte au moins au XIVe siècle, le futur « Leclerc » est l’archétype du militaire réactionnaire.

Diplômé de Saint-Cyr en 1924, il revendique des positions monarchistes et catholiques traditionnelles, lit l’Action française de Charles Maurras dont il partage nombre de points de vue, notamment antisémites. L’un de ses frères, François, appartient aux Croix-de-Feu dans les années 1930.

Dès l’annonce de la signature de l’armistice, Philippe de Hauteclocque choisit la Résistance sans hésitation. Le 10 juillet 1940, dans une lettre à son épouse, Thérèse de Gargan, il justifie cet engagement par « les principes d’honneur et de patriotisme qui (l)’ont soutenu pendant vingt ans ».

En juin 1940, après s’être battu sur le front du Nord, il est capturé par les Allemands, se fait passer pour un père de famille réformé, ce qui lui vaut le mépris de l’officier nazi qui l’interroge. Il rejoint le front en Champagne, où il est à nouveau fait prisonnier, mais parvient à s’évader de l’hôpital d’Avallon. Après avoir fait fabriquer de faux papiers au nom de Philippe Leclerc, il embarque pour Londres où il arrive le 25 juillet.

La suite est connue et participe de la légende du général Leclerc. Chargé par de Gaulle de rallier les colonies de l’Afrique équatoriale française à la France libre, il débarque en pirogue à Douala, rallie le Cameroun, le Tchad et le Congo en août puis le Gabon en novembre et prend l’oasis de Koufra, le 28 février 1941. C’est là qu’il fit le serment de libérer la France jusqu’à ce que le drapeau flotte sur les cathédrales de Metz et de Strasbourg.

Le fameux serment de Koufra, que l’historien Géraud Létang, chercheur au Service historique de la défense, analyse ainsi : « Ce que l’on retient de Koufra, ce n’est pas vraiment le fait d’armes mais bien le serment inclus dans une dramaturgie voulue par Leclerc. » Nommé général en 1943, il prend alors la tête de la Force L (pour Leclerc), rebaptisée 2e division blindée le 24 août 1943. Il la quitte le 22 juin 1945, deux ans seulement avant de trouver la mort dans un accident d’avion à Colomb-Béchar, en Algérie, le 28 novembre 1947.

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Source: https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/80-ans-de-la-liberation/le-general-leclerc-de-laction-francaise-a-la-france-en-action

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