Les combattants de la Libération: André Carrel, à l’avant-poste de la libération de Paris (H.fr-25/08/24)

André Carrel (les mains croisées et un chapeau à la main) et Henri Rol-Tanguy (en uniforme).
© Mémoires d’Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis

Directeur de l’Humanité dimanche de 1946 à 1981, André Carrel a toujours eu ses convictions chevillées au corps. Il a pris tous les risques pour que renaisse la République, après 1940.

Par Caroline CONSTANT.

En 1940, André Hoschiller n’est pas encore devenu André Carrel, son nom de résistant. Mais, de retour de la drôle de guerre, où il a été mobilisé dans un régiment hippomobile, le jeune communiste de 23 ans se retrouve « profondément frappé, ulcéré, triste de l’écroulement de la nation française (…) Dès qu’on réfléchissait un peu, on comprenait que la République était en train de s’écrouler », écrivait dans ses mémoires celui qui allait devenir, durant un quart de siècle, le rédacteur en chef de l’Humanité dimanche.

André Hoschiller devient André Carrel

Le Parti communiste français (PCF) tout comme l’Humanité sont interdits depuis 1939. Il se demande comment agir, lorsqu’il rencontre, par hasard, une ancienne connaissance, le docteur Victor Laffite, secrétaire du Comité mondial des étudiants contre la guerre et le fascisme avant 1939, dont lui-même était dirigeant : « Une autre page de l’histoire s’ouvrait. J’allais vivre non plus la guerre imposée, mais la résistance choisie », écrit-il dans ses mémoires. Lui qui avait adhéré en 1933 à la jeunesse communiste, puis en 1934 au PCF, par refus du nazisme et du fascisme.

Il change d’identité, devient André Carrel. Et se lance dans cette aventure si risquée, « avec un côté chevaleresque, au sens de la résistance, où l’on peut tout perdre, y compris la vie », écrivait Monique Houssin dans l’Humanité dimanche au moment de son décès en décembre 2011.

Sous l’occupation, il dirige la publication clandestine de l’Humanité

Il est affecté à l’Organisation spéciale, fondée par les communistes. Son rôle : s’occuper de la propagande et des renseignements, dont l’Humanité, dont il chapeaute la sortie de 316 numéros clandestins («120 imprimés et 196 ronéotypés », écrivait-il dans le numéro de juillet-août 1994 des Cahiers du communisme).

Il en supervise la fabrication et la diffusion, installé avec un agent de liaison dans une maison discrète de Seine-et-Marne. Dès 1941, il rejoint le Front national de lutte pour l’indépendance et la liberté. En 1943, André Tollet, qui dirige le Comité parisien de libération (CPL), fait appel à lui pour remplacer son vice-président, Charles Streber, qui vient d’être « horriblement torturé et assassiné », raconte André Carrel.

Dès le 6 juin 1944 l’objectif est de libérer Paris avant les alliés

Tollet, dès l’annonce du Débarquement, le 6 juin 1944, a une idée en tête : que Paris se libère lui-même. « Notre souci, au CPL, était de recevoir dans une capitale libérée le gouvernement d’Alger conduit par le général de Gaulle. Cela pour éviter toute magouille politicienne des Anglo-Américains, toute mise sous tutelle de la France. Éviter ce qu’ils avaient fait en Italie. Cela impliquait un Paris qui ne soit pas passif, si possible libéré, en tout cas avec des masses populaires en mouvement », confiait-il lors d’un Club de la presse TSF-L’Humanité en 1994.

Henri Rol-Tanguy est chargé des opérations de combat, et surtout missionné pour trouver des armes, qui manquent cruellement : le 15 août, quatre jours avant le mot d’ordre d’insurrection, seuls 1 750 FFI sont armés dans toute l’Île-de-France. « Londres considérait qu’il ne fallait pas d’armes pour les FTP, estimant qu’il s’agissait du bras armé du PCF, et que les communistes voulaient prendre le pouvoir », relate-t-il dans le même entretien.

Début juillet, un vent de liberté commence à souffler sur Paris

Pourtant, explique-t-il en 1990 à l’Humanité, deux événements lui font comprendre comme « une espèce de vertige » qu’« une victoire est à portée de main ». D’abord, le 1er juillet, des manifestations en Île-de-France fleurissent, sans que les nazis interviennent.

Le mot d’ordre : « Nous voulons du pain, du lait pour nos gosses », se transforme en « À mort la milice, Pétain au poteau ». Puis, le 12 juillet, deux jours avant la fête nationale interdite depuis cinq longues années, la cocarde tricolore fleurit sur un certain nombre d’entreprises, dans le transport ferroviaire, sur des boutiques, mais aussi aux boutonnières et aux fenêtres.

Des cortèges se forment dans toute la région, soit, estime André Carrel, 150 000 personnes. Les nazis bougent un peu plus, et tuent un syndicaliste, Yves Toudic.

Le 17 juillet 1944, c’est l’insurrection

L’insurrection éclate, cinq jours plus tard. Dans les Cahiers du communisme, Carrel multiplie les anecdotes : les agentes de liaison de Montfermeil déménagent les documents du CPL à Paris, mais se font rattraper par les nazis. Des passants leur prennent des mains, et leur restituent deux jours plus tard.

Dans son laboratoire, Frédéric Joliot-Curie et ses assistants fabriquent des cocktails Molotov. Puis, quartier par quartier, rue par rue, les comités locaux reprennent Paris. Leur objectif : l’Hôtel de Ville, où de Gaulle doit arriver le 23.

Les combats font rage, les nazis refluent peu à peu. Le 25 août, la reparution de l’Humanité après cinq ans de clandestinité provoque une vive émotion. Bientôt, Paris sera libéré. Et Carrel continuera sa carrière, entre la Marseillaise et l’Humanité, à qui il est resté fidèle jusqu’à la fin de sa vie.

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Source: https://www.humanite.fr/culture-et-savoir/2e-guerre-mondiale/andre-carrel-a-lavant-poste-de-la-liberation-de-paris

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