
La commune de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h (Finistère) veut retracer le parcours de plusieurs civils, raflés et tués par des soldats allemands, sur la place du bourg de Quimerc’h, en août 1944. Une exposition à la médiathèque en appelle à la mémoire collective.
Par Carole TYMEN.
Par certains aspects, cela ressemble à un cold case (affaire non résolue). Une affaire classée mais lacunaire, datant de la Seconde Guerre mondiale et dont la commune de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h (Finistère) serait aujourd’hui l’enquêteur principal.
Depuis plusieurs mois, la responsable du service culturel de la commune, Isabelle Kerbrat, planche sur le dossier de plusieurs civils, raflés et fusillés par des soldats allemands, à Quimerc’h, le 6 août 1944. Elle cherche à savoir qui étaient ces 17 personnes (*) qui ont perdu la vie injustement. « Des civils qui se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment »,
a souligné le maire de la commune, Pascal Prigent, dans son hommage républicain du 6 août 2024.
« Ré-humaniser les victimes »
Sauf que 80 ans après les faits, on ne sait rien ou pas grand-chose de ces hommes et de cette femme. Parfois, uniquement un nom dans un registre municipal de décès.
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L’idée de les « retrouver » est née il y a plusieurs mois, en vue des commémorations de la Libération du pays. « Tout est parti de la plaque installée au cœur du bourg, en 1947,
raconte Isabelle Kerbrat. On a là quinze noms, mais listés sans trop de logique. On s’est dit que retracer leur parcours voire obtenir une photo pour chacun d’eux seraient une manière de les ré-humaniser. »
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Banco ! Isabelle Kerbrat, qui possède un master en valorisation et gestion des patrimoines culturels, se lance dans l’aventure et contacte des passionnés d’histoire locale dont Alain Floc’h et Bernard Le Guillou. L’équipe peut aussi s’appuyer sur les travaux et conseils d’historiens comme Christian Bougeard.
Ensemble, ils déroulent tant bien que mal le fil de l’histoire, fouillent dans les archives municipales, sollicitent les services départementaux, nationaux et en Allemagne. Ils font appel à la mémoire des anciens, trouvent des descendants situés aux quatre coins de France, collectent témoignages et documents qui renseignent sur l’époque.
Une exposition comme un appel
Sauf que faire de la « généalogi
e inversée », dans une commune issue de la fusion de trois voire quatre anciennes localités (**) s’avère vite un casse-tête. D’autant que plusieurs des fusillés du 6 août 1944, sont des personnes isolées et de passage. « Des réfugiés qui quittent Brest pour le centre ou le sud du Finistère,
précise Isabelle Kerbrat. À l’époque, il n’y a pas de voie express entre Brest et Quimper, tout le monde passe par Quimerc’h. Retrouver qui ils étaient est donc très compliqué. »
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Depuis le 6 août 2024, l’exposition installée dans la bibliothèque compte huit beaux panneaux informatifs sur la vie à l’époque. Cette première mouture, qui vise à convoquer la mémoire collective, appelle à une seconde version voire une publication.
Las. Malgré toute l’énergie employée, les manques restent nombreux. Le mur du souvenir, installé à l’étage de la médiathèque, attend encore photos et éléments sur ces civils tués.
« Le moindre souvenir est intéressant »
Une collecte qui intervient un peu tard ? « Le travail était à faire,
répond Isabelle Kerbrat. Certains de nos interlocuteurs étaient fatigués d’avoir trop souvent raconté cette histoire douloureuse, qui les suit depuis 80 ans. D’autres étaient contents de parler ou ont
exprimé le besoin de connaître le passé de leur famille. Nous avons fait une collecte dans le respect des volontés des personnes mais le moindre petit souvenir est pour nous intéressant. L’objectif est de poursuivre et de transmettre aux jeunes. »
Jusqu’en novembre 2024, exposition visible aux heures d’ouverture de la médiathèque de Quimerc’h. Les personnes ayant des informations sur les civils tués peuvent contacter la médiathèque au : 02 98 26 94 83 (tél.) ou : animation-culture@pontdebuislesquimerch.fr (courriel).
(*) Les quatorze personnes tuées au bourg de Quimerc’h sont : Jean Hélias, Joseph Quitin, Raymond Crenn, Jean Morio, Jean (Le) Dosseur, Alphonse Lamoulen, Jean-Marie Bourhis, Louis Morvan, Fernand Michel, Jean-Marie Léon, Auguste Messager, Hervé Guédon, Richard Robert, Joseph Milbéo. Roger Jaffrès, fusillé, survit. Il faut ajouter Alain Couchouron, Jean-Louis Le Bihan et Marie-Jeanne Auffret, tués au Pont-Neuf, un peu plus tôt le 6 août 1944.
(**) Le territoire actuel de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h regroupe les trois anciennes communes de Quimerc’h, Logonna-Quimerc’h, Pont-de-Buis et un bout de Saint-Ségal.
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URL de cet article: https://lherminerouge.fr/80-ans-de-la-liberation-qui-sont-ces-civils-inconnus-rafles-et-fusilles-a-quimerch-en-aout-1944-26-08-24/