
Les employées de l’hôtel Première Classe et Campanile de Suresnes sont en grève depuis le 19 août pour leur salaire et contre des licenciements qu’elles jugent ciblés, à quelques mois d’élections professionnelles.
Par Aurélia De SPIRT.
Devant l’hôtel Campanile de Suresnes (Hauts-de-Seine), une vingtaine d’employés dansent au rythme d’une musique saturée, dont les sifflets donnent le tempo. Les drapeaux CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques) et Femmes Égalité flottent au vent. En grève depuis le 19 août, elles sont 14 sur les 17 femmes de chambre des établissements Campanile et Première Classe de Suresnes à demander l’indexation des salaires sur l’inflation, une prime au pouvoir d’achat et la réintégration de leur collègue de 55 ans récemment limogée.
Un cas répendu
Magassa, femme de chambre depuis dix ans pour Louvre Hotels Group, filiale détentrice des établissements Première Classe et Campanile, avait posé ses jours de congé jusqu’au 28 mai pour aller voir sa famille au Mali. À la suite de la perte de ses papiers, elle se retrouve bloquée, obligée d’entamer une déclaration de perte à la préfecture du Mali dont les relations dégradées avec la France freinent une procédure déjà longue.
Ses supérieurs, pourtant informés de sa situation, envoient des courriers à son domicile francilien avant de la convoquer pour un licenciement, le 12 août. De retour en France trois jours plus tard, elle reprend le travail sans heurt le dimanche. Le lendemain, sans prévenir le syndicat, la direction fait venir la police pour mettre Magassa à la porte.
Et ce n’est pas un cas isolé, dénonce Kandé Tounkara, déléguée CGT-HPE sur le site : « En ce moment, ils veulent limoger les anciens parce que ça leur coûte trop cher, selon eux, alors qu’ils ont toujours refusé le versement d’une prime d’ancienneté, revendiqué pourtant à chaque négociation annuelle par la CGT. Ils cherchent la petite bête. » Comme pour ce réceptionniste remercié en mars pour fautes graves, dont aucune ne faisait l’objet de preuve écrite : « Depuis un an, ils me mettaient la pression car j’avais trop d’expérience. Ils m’ont accusé d’avoir été violent avec mes collègues. » Un autre salarié vient d’être convoqué pour faute grave. « Avant, on était 80. Nous ne sommes plus que 75. D’ici quelques mois, ça aura encore diminué », prédit Kandé Tounkara.
Un nouveau PDG
Ces licenciements font suite à l’élection, en 2023, d’un nouveau PDG de Louvre Hotels. La compagnie, qui se targue d’être le deuxième groupe hôtelier européen avec plus de 1 700 établissements, ambitionne d‘atteindre le top 3 mondial. Un plan sur cinq ans a été mis en place, comprenant pour la France la vente de 50 établissements vétustes. Les autres sont rénovés grâce aux économies effectuées sur la coupe salariale.
Une élue du CSE-Campanile Kyriad Est explique : « Ils mettent en place des algorithmes pour calculer le surplus. » Qui dit nouveau directeur, dit aussi nouveaux salariés. « Quand il y a un changement de PDG, en général ce dernier vient avec son équipe. Il faut donc trouver un moyen de faire de la place, c’est-à-dire de virer les autres », développe l’ex-réceptionniste du Campanile.
Mais ces licenciements visent en particulier les syndicalistes de la CGT-HPE, soutien historique des luttes des salariés dans cette chaîne hôtelière comme dans les autres moins-disantes socialement. Et pour cause, les élections syndicales auraient dû avoir lieu en novembre 2023, repoussées d’un an sans motif. « Ils sont à la chasse, argue l’élue du comité social et économique. Comme c’est un syndicat de combat qui lutte depuis 2011 pour l’internalisation des femmes de chambre, ils veulent nous saquer. Ils essaient d’éliminer au maximum pour faire passer les syndicats avec lesquels ils s’entendent. » L’ancienneté est aussi un facteur : « Ils ne peuvent pas appliquer aux anciens les nouveaux contrats, donc ça les dérange », poursuit l’élue. Depuis plusieurs années, Louvre Hotels fait appel à des équipiers polyvalents, qui peuvent se charger de la réception, de l’entretien des chambres, de la cafétéria.
La précarisation de l’emploi s’applique majoritairement aux femmes, des mères qui cumulent souvent deux temps partiels et dont la pénibilité du travail n’est pas reconnue. « À l’heure où les travailleuses des métiers féminisés, des milieux populaires, ont de plus en plus mal à finir le mois, l’augmentation des salaires pour vivre dignement manque ! » scande une membre de l’association Femmes-Égalité au mégaphone.
Contacté par mail, le manager de l’hôtel Première Classe Suresnes parle d’« une grève minoritaire de moins d’une dizaine de personnes », à la suite du « licenciement d’une collaboratrice pour une absence injustifiée de plus de deux mois », n’impactant pas le fonctionnement « normal » de son activité. Difficile à croire pour les grévistes, alors que les Paralympiques débutent ce jeudi et que Louvre Hotels leur refuse le versement d’une prime JO.
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