Les combattants de la Libération: Odile de Vasselot de Régné, une comète parmi les ombres (H.fr-28/08/24)

Gaulliste de la première heure, la jeune femme s’engage sans réfléchir dans la Résistance. D’abord agent de liaison, elle aide ensuite des aviateurs alliés à franchir les frontières.

Par Lina SANKARI.

Une bulle sort de la bouche de Philippe Henriot, façon BD : « Je suis un salaud. » Quatre mots écrits à la va-vite sur une affiche vichyste par une jeune fille de 18 ans qui disent la révolte. Speaker de la TSF, le collaborationniste invite tous les soirs les jeunes Français à s’engager… jusque dans la Wehmacht.

Il est un salaud, donc, et Odile de Vasselot de Régné ne tremble pas. Il faut croire qu’elle se découvre une soudaine appétence pour les arts plastiques car elle s’applique aussi à tracer à la craie des croix de Lorraine sur les façades des hôtels réquisitionnés par les Allemands. « Très vite, on a reçu des journaux clandestins dans notre boîte aux lettres. Je me suis alors dit que ce que nous faisions n’était que des broutilles et qu’il devait exister des choses plus sérieuses. Je me suis mise à chercher sans pouvoir en parler par peur d’être dénoncée », confiait Odile de Vasselot de Régné à la revue du ministère des Armée, les Chemins de la mémoire.

L’appel du 18 juin

Ne pas pouvoir parler, c’est aussi mentir à sa mère : « Elle ne m’aurait jamais laissé faire une chose pareille ! Elle avait bien quelques soupçons, mais croyait surtout que je filais un mauvais coton en côtoyant des garçons », s’amuse-t-elle, à l’âge de regarder sa vie dans le rétroviseur. Née en 1922, elle est l’enfant d’une famille de militaires, grandit entre les garnisons de Dijon et de Metz, puis reçoit une éducation qui sied à son rang auprès des Jésuites. Tout juste bachelière, elle passe ses vacances au sein du château familial du Poitou lorsque la guerre éclate.

Branle-bas de combat, l’armée française est défaite en juin 1940, son père est fait prisonnier de guerre à Nuremberg et c’est depuis l’appartement parisien, qu’elle a regagné avec sa mère et ses sœurs, qu’elle entend l’appel du 18 juin. « Je crois que je suis immédiatement devenue gaulliste », plaide-t-elle des décennies plus tard. Divisée, une partie de sa famille bascule aisément dans le pétainisme. La capitale se règle sur l’heure du Reich, « des croix gammées dessinées sur les murs des rues de Paris, de la musique allemande, aussi, jouée sur les Champs-Élysées », se souvient-elle. C’est sur la même avenue, le 11 novembre 1940, qu’elle participe justement au rassemblement des étudiants interdit par les nazis.

Tête-à-tête avec la Gestapo

Alors, à force de chercher, Odile de Vasselot de Régné trouve. Rendez-vous est fixé par un inconnu devant la salle Pleyel. Une certaine madame Poirier, assez « sophistiquée », lui confie le rôle d’agent de liaison pour un réseau belge. Odile sera désormais « Danielle ». Tous les vendredis, à 20 heures, elle prend le train de nuit pour Toulouse avec un paquet, celui du courrier descendant. Elle ne le saura qu’après la guerre. « Je me rendais dans un restaurant. Je demandais la serveuse Rolande. Je posais le paquet sur la chaise à côté de moi. Elle m’apportait un autre paquet, le » courrier remontant, « je le mettais dans ma valise, bien caché. Je reprenais le train le samedi soir et rentrais le dimanche matin à Paris. J’avais ensuite rendez-vous avec le réseau en face de l’église Saint-Philippe-du-Roule ».

Le réseau finit par être découvert, la jeune Odile change d’identité. C’est désormais sous le nom d’emprunt de « Jeanne » qu’elle convoie régulièrement des aviateurs alliés en train pour le compte du réseau Comète, qui agit entre l’Espagne, la France et la Belgique. Entre juillet 1941 et juin 1944, 800 pilotes utiliseront cette voie pour passer les frontières. Le 4 janvier 1944, dans un express entre Bruxelles et Paris, la Gestapo effectue un contrôle d’identité alors qu’Odile de Vasselot de Régné accompagne deux Anglais. « Présentez vos cartes d’identité, s’il vous plaît ! »

Elle présente ses papiers mais la jeune femme blonde aux yeux bleus n’inquiète pas les séides nazis outre mesure. Les deux boys les intéressent un peu plus. Ils ne comprennent pas les questions, leur chemin s’arrête en gare d’Arras. Ils sont désormais prisonniers de guerre. « J’avais encore les annexes de leurs billets dans ma poche. Pour faire disparaître ces papiers compromettants, je les ai mangés », témoigne-t-elle dans le Figaro.

Officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, médaille de la Résistance, Odile de Vasselot de Régné entame réellement ses études supérieures à la Libération et obtient une licence d’histoire avant d’enseigner dans le secondaire à Neuilly puis de créer le lycée Sainte-Marie à Abidjan, où elle vivra durant trente ans. De retour en France, elle témoigne dans les écoles avec un message à la jeunesse : « Avoir l’esprit à ne pas baisser les bras devant l’intolérable. »

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Source: https://www.humanite.fr/en-debat/80-ans-de-la-liberation/odile-de-vasselot-de-regne-une-comete-parmi-les-ombres

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